Mine Amulsar en Arménie : le gouvernement doit éviter un désastre écologique et humain

20/06/2019
Communiqué
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Erevan-Paris — D’ici la fin du mois, le gouvernement arménien décidera d’autoriser ou non la société minière Lydian Armenia de reprendre ses opérations minières à Amulsar. Lancées dans un climat de corruption, les opérations ont été suspendues depuis août 2018 suite à une forte mobilisation des communautés locales et des ONG. la FIDH met en garde sur les conséquences désastreuses qu’aurait le développement de la mine d’Amulsar sur l’environnement et les communautés locales.

La décision prise par le gouvernement dépendra de la conclusion de l’étude d’expertise qu’il a mandaté au début de l’année afin d’évaluer les risques d’exploitation de la mine. Alors que la FIDH a mené avec l’Institut de la société civile d’Arménie (CSI) une mission d’enquête dans la région d’Amulsar en avril 2019, pointant les graves risques du projet. Il semble désormais clair que la ce projet minier privilégie la recherche du profit à tout prix, sans se préoccuper du respect de l’environnement et des droits humains.

En 2007, la société minière Lydian Armenia CJSC, filiale de Lydian International, a commencé ses activités d’exploration et de faisabilité pour un projet d’extraction de mine d’or en Arménie. Depuis 2012, experts et activistes n’ont cessé de dénoncer l’impact négatif qu’auraient les activités minières d’Amulsar sur la santé et l’environnement. L’année dernière, des résidents ont bloqué l’accès à la mine et ont demandé la suspension du projet. En réponse, Lydian Armenia a lancé une campagne vigoureuse pour faire taire toute critique et détracteurs, y compris les défenseurs des droits humains.

En novembre 2018, environ 3 000 citoyens de la municipalité de Jermuk, où se trouve Amulsar, ont signé une pétition pour faire cesser le projet. Le 18 décembre 2018, le Conseil du Canton de Jermuk a décidé de baser le développement de son canton sur une économie respectueuse de l’environnement, et d’interdire les mines de métaux sur son territoire. En réponse, le gouvernement central a fait pression sur le conseil, et sur les autres communautés arméniennes ayant décidé de ne pas exploiter de mines sur leur territoire, afin de changer leurs décisions, affirmant que ce type de décision ne pouvait être prise localement.

Les opposants au projet soulignent le climat de corruption ayant entouré son lancement, le manque de consultation adéquate, les impacts potentiellement désastreux qu’il aurait sur le réservoir de Keetchut et le système hydrique de la région, et par conséquent, sur la vie et la santé des résidents locaux et sur le lac Sevan, plus grande source d’eau du pays.

Une autre vive source de préoccupation réside dans les lourdes conséquences qu’aurait un tel projet sur la ville de Jermuk. Cette station balnéaire emblématique, créée au 18ème siècle, est connue pour les propriétés de ses eaux de source, son air pur, son environnement paisible et ses paysages magnifiques qui seraient irrémédiablement endommagés.

Lors de leur mission d’enquête en Arménie et dans la région d’Amulsar en avril 2019, la FIDH et l’Institut de la société civile d’Arménie (CSI) ont rencontré les différents acteurs impliqués dans la région : organisations de la société civile, militants, représentants institutionnels et organisations internationales. Ces rencontres ont révélé que, malgré les progrès et l’optimisme liés au nouveau climat politique, les activités commerciales, et plus particulièrement celles de l’industrie minière et du projet Amulsar, suscitent beaucoup d’inquiétudes.

Ces inquiétudes ne sont pas seulement d’ordre environnemental, mais concerne également le respect des droits humains. [1]

La FIDH estime notamment que toute décision gouvernementale concernant Amulsar, ou plus généralement les projets d’investissement, devrait également se baser sur le respect de ces droits, et pas uniquement sur l’évaluation des risques pour l’environnement. Certaines des lacunes constatées dans le projet Amulsar avaient déjà été signalées en 2017 dans un rapport du Compliance Advisor Ombudsman (CAO), membre de la Société financière internationale IFC (qui a depuis mis fin à son investissement dans le projet).

Parmi ces lacunes figuraient des problèmes d’acquisition de terres, le manque de consultation adéquate avec toutes les communautés touchées, et en particulier celles de Jermuk, qui seront fondamentalement affectées par la future mine. « Le gouvernement et l’entreprise n’ont à ce jour comblé aucune des lacunes signalées en 2017, et aucune autre alternative durable n’a été explorée ni proposée à la communauté », affirme Maddalena Neglia, responsable du bureau mondialisation et droits humains à la FIDH.

Par ailleurs, la FIDH a récemment attiré l’attention de la communauté internationale sur les campagnes de harcèlement et de diffamation judiciaires systématiques et inquiétantes menées par Lydian Armenia pour réduire au silence journalistes critiques et défenseurs des droits humains, en ciblant particulièrement les femmes travaillant sur l’affaire Amulsar.

Pour arriver à ses fins, la compagnie exerce également de fortes pressions sur le gouvernement arménien. En mars 2019, elle l’a par exemple informé d’un litige existant devant les tribunaux arbitraux pour violation du traité bilatéral sur les investissements britannique et canadien. Elle n’a pas ailleurs pas cessé de critiquer l’attitude du gouvernement arménien sur sa page Web et dans les forum pour investisseurs. [2]

«  L’attitude adoptée jusqu’à présent par Lydian Arménia n’indique rien de bon pour l’avenir des communautés de Jermuk. Nous sommes profondément préoccupés par le fait que, une fois encore, les intérêts des investisseurs pourraient être préférés à la protection des personnes et de la planète. Comment pouvons-nous considérer la destruction du petit paradis qu’est Jermuk et sa région d’origine comme un « développement durable ? » s’interroge Artak Kirakosyan, vice-président de la FIDH et directeur de l’Institut de la société civile d’Arménie.

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