Une occasion cruciale pour exiger une amélioration de la situation des droits de l’Homme au Turkménistan

28/01/2010
Communiqué
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Le président Nicolas Sarkozy devrait mettre à profit la visite prochaine de son homologue turkmène pour s’exprimer sur la situation déplorable des droits humains au Turkménistan, et pour exiger des améliorations concrètes, ont déclaré aujourd’hui la Ligue française des Droits de l’Homme, Human Rights Watch, la Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme, et Reporters Sans Frontières. Le Président Gurbanguly Berdimoukhammedov est attendu le 1er février 2010 pour une visite de trois jours en France.

Le Turkménistan est l’un des pays les plus répressifs au monde. Un nombre indéterminé de prisonniers politiques languit dans ses prisons, et les droits à la liberté d’expression, d’association, de réunion, de circulation et de religion sont soumis à des restrictions draconiennes. La société civile et les médias indépendants ne peuvent travailler au grand jour, quand ils n’en sont pas complètement empêchés. Le gouvernement menace, harcèle et arrête ceux qui remettent en cause sa politique, à quelque niveau que ce soit.

« Accueillir le président du Turkménistan implique de devoir s’exprimer sur les abus commis dans ce pays, et de faire pression pour des améliorations concrètes » a déclaré Veronika Szente Goldston, directrice du plaidoyer pour l’Europe et l’Asie centrale chez Human Rights Watch. « Le président Sarkozy doit clairement signifier que le respect des droits humains est au cœur du rendez-vous entre la France et le Turkménistan. »

Le Turkménistan demeure fermé aux contrôleurs indépendants des droits humains, parmi lesquels Human Rights Watch et la Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme. En septembre 2008, le rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté de religion a été le premier rapporteur spécial à visiter le pays, mais le gouvernement a refusé d’accorder des invitations à neuf autres observateurs de l’ONU, en dépit de leurs demandes d’accès formulées de longue date.

Le Turkménistan est riche en gaz naturel, et est considéré par de nombreux gouvernements, dont la France, comme un partenaire stratégique important. Plusieurs entreprises françaises, parmi lesquelles le conglomérat Bouygues, se sont intéressées aux opportunités d’investissement au Turkménistan, et les négociations commerciales devraient occuper une place prépondérante lors de cette visite.

La visite intervient alors que le parlement français étudie la ratification d’un accord important entre l’UE et le Turkménistan. Cet accord — l’Accord de partenariat et de coopération — développerait considérablement les relations entre l’UE et le Turkménistan. Il a été gelé pendant des années en raison des problèmes de droits humains, mais une nouvelle impulsion pour le faire avancer se manifeste actuellement. L’accord doit être ratifié par les parlements nationaux des Etats membres de l’UE, et la France et le Royaume-Uni sont les derniers à ne pas l’avoir fait.

« Les parlementaires français ont là une occasion cruciale pour s’assurer que le développement des relations avec le Turkménistan soit lié à des améliorations concrètes en matière de droits humains », a déclaré Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue française des Droits de l’Homme.

L’accord comprend une clause engageant les deux parties prenantes à respecter les droits humains et prévoit une possible suspension si l’une des parties viole ce principe.

« Compte tenu de la situation déplorable des droits humains au Turkménistan, à peine l’accord serait-il conclu que l’UE serait dans l’obligation d’engager la procédure pour le suspendre » a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters Sans Frontières. « Les gouvernements européens ont perdu un temps et un moyen de pression considérables en ignorant les problèmes de droits humains du Turkménistan, et en poursuivant la préparation de l’accord en dépit de cette situation absurde. Il faut que cela change. »

La Ligue française des Droits de l’Homme, Human Rights Watch, la Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme et Reporters Sans Frontières ont appelé la France et les autres gouvernements européens à reconnaître que les résultats du Turkménistan en matière de droits sont en contradiction avec la clause de droits humains de l’accord. Ils devraient exprimer de façon claire et explicite les améliorations que le Turkménistan doit réaliser en matière de droits humains, en contrepartie de l’intensification des relations, et s’engager de façon proactive avant que l’accord ne soit conclu pour s’assurer de la mise en œuvre de ces améliorations.

« La position de l’UE sur les droits humains au Turkménistan a jusqu’à ce jour été très décevante par sa faiblesse, mais la France tient aujourd’hui une opportunité à ne pas manquer pour rectifier cela », a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme.

La Ligue française des Droits de l’Homme, Human Rights Watch, la Fédération Internationale des ligues des Droits de l’Homme et Reporters Sans Frontières ont appelé la France et les autres gouvernements européens à faire pression sur le dirigeant turkmène pour entreprendre les actions suivantes :

 Libérer toutes les personnes emprisonnées pour raisons politiques, parmi lesquelles les défenseurs des droits humains Annakurban Amanklytchev et Sapardurdy Khajiev ainsi que le dissident Gulgeldy Annaniazov ;

 Etablir une procédure transparente à l’échelle nationale pour examiner tous les cas d’emprisonnement politique et déterminer le nombre réel de prisonniers détenus pour des chefs d’inculpations aux motifs politiques, et garantir réparation aux victimes d’abus ;

 Lever les interdictions de voyager pour les étudiants, les activistes et les proches de membres de l’opposition, et en finir avec le système qui permet d’empêcher les citoyens de quitter le Turkménistan et d’y revenir ;

 Permettre aux activistes, aux organisations citoyennes et aux journalistes de travailler librement et sans crainte de persécutions ;

 Donner accès au pays, y compris aux lieux de détention, aux contrôleurs indépendants des droits humains et étendre les invitations à tous les contrôleurs des Nations unies qui ont fait une demande d’accès.

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