Lettre ouverte à Jacques Chirac : Visite du Président Tran Duc Luong en France

25/10/2002
Communiqué

Monsieur le Président de la République,

Vous allez recevoir, à partir du 28 octobre prochain, le Président de la République Socialiste du Vietnam Tran Duc Luong en visite en France, à votre invitation.
La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), la Ligue Française des Droits de l’Homme et le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme souhaitent à cette occasion attirer votre attention sur des cas de violations flagrantes des droits fondamentaux au Vietnam :

 Le juriste Le Chi Quang, 31 ans, a été arrêté le 21 février 2002 pour avoir publié sur Internet des articles critiquant les traités de frontières de 1999 et 2000 signés entre la Chine et le Vietnam. Emprisonné depuis dans l’une des plus dures des prisons vietnamiennes, la Prison B14 dans les environs de Hanoi, il va être jugé ce lundi 28 octobre 2002. Dans acte d’accusation 11/KSDT-AN du 24 septembre 2002, le Parquet populaire suprême retient comme chefs d’accusation notamment le fait d’avoir proposé "le pluralisme et le multipartisme", d’avoir demandé "l’abrogation de l’article 4 de la Constitution" (sur le monopole politique du Parti Communiste) et d’avoir "participé à l’Association contre la Corruption" de Pham Que Duong et Tran Khue.
Ces accusations sont particulièrement inquiétantes et présagent un procès inique et joué d’avance, si l’on en juge à des cas similaires récents. Elles sont par ailleurs incompatibles tant avec les fondements et les buts de la Francophonie, dont le sommet à Beyrouth s’est achevé la semaine dernière, qu’avec les engagements internationaux du Vietnam au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies, qui a examiné le cas du Vietnam en juillet denier, a en effet mis en cause l’absence de pluralisme au Vietnam et souligné le danger de l’article 4 de la Constitution vietnamienne de 1992 pour le respect des droits garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Quant aux activités qu’aurait eues Le Chi Quang au sein de l’Association anti corruption, il convient de préciser que cette organisation n’a jamais vu le jour puisque les dissidents Pham Que Duong et Tran Khue n’ont fait que demander l’autorisation de la fonder, ce qui leur a valu des interrogatoires incessants, d’être harcelés et mis en "détention administrative".
Le cas de Le Chi Quang n’est que l’avatar le plus récent d’une répression féroce de toutes les formes de divergence et des violations massives et systématiques des droits de l’Homme qui font le quotidien du peuple vietnamien.

Nous souhaitons à cet égard rappeler à votre mémoire les cas des Vénérables Thich Huyen Quang et Thich Quang Do, personnalités exceptionnelles et dignitaires de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam, l’Eglise historique, interdite depuis 1981.
 Le Très Vénérable Thich Huyen Quang, Patriarche de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam, âgé de 85 ans, fête en 2002 ses 20 ans de détention sans procès et sans motif. C’est en fait parce qu’il s’est fait l’avocat de la liberté religieuse, des droits de l’Homme et de la démocratie que les autorités vietnamiennes l’ont enfermé dans une cabane dans le lointain village de Nghia Hanh dans la province reculée de Quang Ngai. Il s’y trouve étroitement surveillé, sinon harcelé par la Sécurité, sans assistance et sans soins médicaux adéquats pour son hypertension, son arthrite et ses ulcères à l’estomac.
Le gouvernement vietnamien est toujours resté des plus vagues sur la situation de Thich Huyen Quang, annonçant tantôt qu’il l’avait arrêté et qu’il allait le juger, puis qu’il n’avait jamais été arrêté, puis encore qu’il le libérait. La réalité est une détention de deux décennies, emblématique de l’arbitraire érigé en système d’Etat. Thich Huyen Quang a été reconnu comme victime de détention arbitraire par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire.
 Le Vénérable Thich Quang Do, deuxième dignitaire de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam, 74 ans, est actuellement en "détention administrative" pour avoir lancé un "Appel pour la Démocratie au Vietnam" au début de l’année 2001. Cet Appel avait recueilli plus de 300.000 signatures de soutien des Vietnamiens à l’étranger et à l’intérieur du pays ainsi que des centaines de personnalités internationales. Il demandait des réformes politiques pacifiques pour aboutir à une véritable réconciliation nationale et une démocratisation. Thich Quang Do est actuellement détenu dans la chambre du Monastère Zen Thanh Minh, sa pagode transformée en véritable prison par la Sécurité. Il n’a aucun contact avec l’extérieur et est privé des soins médicaux pour son diabète et son hypertension. Thich Quang Do a été reconnu comme victime de détention arbitraire par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire.
Par cette détention sans jugement, les autorités vietnamiennes sanctionnent un homme qui a toujours défendu, de façon non-violente mais déterminée, les droits de l’Homme et la démocratie. Par delà Thich Quang Do, c’est tous les défenseurs non-violents des droits de l’Homme et de la démocratie que l’Etat-Parti de M. Tran Duc Luong réprime.
La République Socialiste du Vietnam s’est engagée à l’égard de l’Union Européenne, et donc de la France, par un accord de coopération économique de 1995, à respecter les principes démocratiques et les libertés fondamentales (article 1er). Or, les exemples pré-cités tout comme les rapports des ONG internationales et les conclusions du Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies montrent que le Vietnam viole de façon systématique les droits de l’Homme.
De tels manquements aux engagements internationaux rend pour le moins incongru que l’Union Européenne s’apprête à verser au Vietnam 162 millions d’euros, et que la France se maintienne à la première place des fournisseurs d’aide publique au développement, hors Asie, (72 millions d’euros en 2001).

Monsieur le Président de la République,
Il serait pour le moins paradoxal que vous accueilliez le Président du Vietnam sans exprimer publiquement et fermement vos préoccupations concernant la répression intolérable des dissidents vietnamiens, et notamment les Vénérables Thich Huyen Quang et Thich Quang Do ainsi que le cyberdissident Le Chi Quang.
Nous nous tenons à votre disposition pour toute information complémentaire et vous remercions de l’attention que vous porterez à la présente.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute considération.

Sidiki KABA, Président de la FIDH
Michel TUBIANA, Président de la Ligue Française des Droits de l’Homme Vice-Président de la FIDH
Vo Van Ai, Président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’HommeVice-Président de la FIDHLettre ouverte à Jacques Chirac
Visite du Président Tran Duc Luong en France

Paris, le 25 octobre 2002

Monsieur le Président de la République,

Vous allez recevoir, à partir du 28 octobre prochain, le Président de la République Socialiste du Vietnam Tran Duc Luong en visite en France, à votre invitation.
La Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), la Ligue Française des Droits de l’Homme et le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme souhaitent à cette occasion attirer votre attention sur des cas de violations flagrantes des droits fondamentaux au Vietnam :

 Le juriste Le Chi Quang, 31 ans, a été arrêté le 21 février 2002 pour avoir publié sur Internet des articles critiquant les traités de frontières de 1999 et 2000 signés entre la Chine et le Vietnam. Emprisonné depuis dans l’une des plus dures des prisons vietnamiennes, la Prison B14 dans les environs de Hanoi, il va être jugé ce lundi 28 octobre 2002. Dans acte d’accusation 11/KSDT-AN du 24 septembre 2002, le Parquet populaire suprême retient comme chefs d’accusation notamment le fait d’avoir proposé "le pluralisme et le multipartisme", d’avoir demandé "l’abrogation de l’article 4 de la Constitution" (sur le monopole politique du Parti Communiste) et d’avoir "participé à l’Association contre la Corruption" de Pham Que Duong et Tran Khue.
Ces accusations sont particulièrement inquiétantes et présagent un procès inique et joué d’avance, si l’on en juge à des cas similaires récents. Elles sont par ailleurs incompatibles tant avec les fondements et les buts de la Francophonie, dont le sommet à Beyrouth s’est achevé la semaine dernière, qu’avec les engagements internationaux du Vietnam au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies, qui a examiné le cas du Vietnam en juillet denier, a en effet mis en cause l’absence de pluralisme au Vietnam et souligné le danger de l’article 4 de la Constitution vietnamienne de 1992 pour le respect des droits garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Quant aux activités qu’aurait eues Le Chi Quang au sein de l’Association anti corruption, il convient de préciser que cette organisation n’a jamais vu le jour puisque les dissidents Pham Que Duong et Tran Khue n’ont fait que demander l’autorisation de la fonder, ce qui leur a valu des interrogatoires incessants, d’être harcelés et mis en "détention administrative".
Le cas de Le Chi Quang n’est que l’avatar le plus récent d’une répression féroce de toutes les formes de divergence et des violations massives et systématiques des droits de l’Homme qui font le quotidien du peuple vietnamien.

Nous souhaitons à cet égard rappeler à votre mémoire les cas des Vénérables Thich Huyen Quang et Thich Quang Do, personnalités exceptionnelles et dignitaires de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam, l’Eglise historique, interdite depuis 1981.
 Le Très Vénérable Thich Huyen Quang, Patriarche de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam, âgé de 85 ans, fête en 2002 ses 20 ans de détention sans procès et sans motif. C’est en fait parce qu’il s’est fait l’avocat de la liberté religieuse, des droits de l’Homme et de la démocratie que les autorités vietnamiennes l’ont enfermé dans une cabane dans le lointain village de Nghia Hanh dans la province reculée de Quang Ngai. Il s’y trouve étroitement surveillé, sinon harcelé par la Sécurité, sans assistance et sans soins médicaux adéquats pour son hypertension, son arthrite et ses ulcères à l’estomac.
Le gouvernement vietnamien est toujours resté des plus vagues sur la situation de Thich Huyen Quang, annonçant tantôt qu’il l’avait arrêté et qu’il allait le juger, puis qu’il n’avait jamais été arrêté, puis encore qu’il le libérait. La réalité est une détention de deux décennies, emblématique de l’arbitraire érigé en système d’Etat. Thich Huyen Quang a été reconnu comme victime de détention arbitraire par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire.
 Le Vénérable Thich Quang Do, deuxième dignitaire de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam, 74 ans, est actuellement en "détention administrative" pour avoir lancé un "Appel pour la Démocratie au Vietnam" au début de l’année 2001. Cet Appel avait recueilli plus de 300.000 signatures de soutien des Vietnamiens à l’étranger et à l’intérieur du pays ainsi que des centaines de personnalités internationales. Il demandait des réformes politiques pacifiques pour aboutir à une véritable réconciliation nationale et une démocratisation. Thich Quang Do est actuellement détenu dans la chambre du Monastère Zen Thanh Minh, sa pagode transformée en véritable prison par la Sécurité. Il n’a aucun contact avec l’extérieur et est privé des soins médicaux pour son diabète et son hypertension. Thich Quang Do a été reconnu comme victime de détention arbitraire par le Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire.
Par cette détention sans jugement, les autorités vietnamiennes sanctionnent un homme qui a toujours défendu, de façon non-violente mais déterminée, les droits de l’Homme et la démocratie. Par delà Thich Quang Do, c’est tous les défenseurs non-violents des droits de l’Homme et de la démocratie que l’Etat-Parti de M. Tran Duc Luong réprime.
La République Socialiste du Vietnam s’est engagée à l’égard de l’Union Européenne, et donc de la France, par un accord de coopération économique de 1995, à respecter les principes démocratiques et les libertés fondamentales (article 1er). Or, les exemples pré-cités tout comme les rapports des ONG internationales et les conclusions du Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies montrent que le Vietnam viole de façon systématique les droits de l’Homme.
De tels manquements aux engagements internationaux rend pour le moins incongru que l’Union Européenne s’apprête à verser au Vietnam 162 millions d’euros, et que la France se maintienne à la première place des fournisseurs d’aide publique au développement, hors Asie, (72 millions d’euros en 2001).

Monsieur le Président de la République,
Il serait pour le moins paradoxal que vous accueilliez le Président du Vietnam sans exprimer publiquement et fermement vos préoccupations concernant la répression intolérable des dissidents vietnamiens, et notamment les Vénérables Thich Huyen Quang et Thich Quang Do ainsi que le cyberdissident Le Chi Quang.
Nous nous tenons à votre disposition pour toute information complémentaire et vous remercions de l’attention que vous porterez à la présente.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre haute considération.

Sidiki KABA, Président de la FIDH
Michel TUBIANA, Président de la Ligue Française des Droits de l’Homme Vice-Président de la FIDH
Vo Van Ai, Président du Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’HommeVice-Président de la FIDH.

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