LETTRE OUVERTE aux ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne

18/10/2002
Communiqué

Re : Attitude de l’UE sur l’Iran à l’Assemblée générale des Nations Unies

Mesdames, Messieurs les Ministres,

L’Union européenne est en train de réfléchir à l’opportunité d’initier une résolution à l’Assemblée Générale des Nations unies (AGNU), sur la situation des droits de l’Homme dans la République Islamique d’Iran. Une telle réflexion intervient en parallèle à l’initiation d’un dialogue droits de l’Homme entre l’Union européenne et la République islamique d’Iran.

La Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH) et son organisation affiliée la Ligue de défense des droits de l’Homme en Iran (LDDHI) souhaiteraient utiliser cette occasion pour tout d’abord remercier l’Union européenne de ses engagements pris par le passé de condamner publiquement la situation des droits de l’Homme dans ce pays, par le biais de l’initiative bi-annuelle d’une résolution sur la situation des droits de l’Homme en Iran, à l’AGNU et à la Commission des droits de l’Homme.

Une telle résolution a permis, depuis 1984, d’obtenir une évaluation régulière de la situation des droits de l’Homme dans ce pays, par le biais d’un mécanisme indépendant faisant rapport régulièrement, ce qui a permis de briser l’isolement dans lequel étaient confinés les défenseurs des droits d’Homme en particulier, et la société iranienne en général. Avec l’accession au pouvoir du Président Khatami, cette résolution a permis de fournir les bases adéquates pour permettre à différents gouvernements de s’engager dans des dialogues pour améliorer la situation des droits de l’Homme sur la base de faits reconnus dans des enceintes à vocation universelle.

Un tel mécanisme est toujours nécessaire, particulièrement à l’heure où l’Union européenne entreprend ce dialogue droits de l’Homme avec la République islamique d’Iran. En effet, la FIDH et la LDDHI - qui est toujours interdite dans son pays- restent préoccupées par les éléments suivants :
 La peine de mort est appliquée en Iran pour un nombre considérable de délits de droit commun et délits d’opinion (notamment, fornication d’un non-musulman avec une musulmane, fornication d’un célibataire pour la 4ème fois, homosexualité, consommation d’alcool pour la 3ème fois, vol à main armée, blasphème, etc.). Elle est également appliquée pour des délits commis par des mineurs. De plus, la peine de mort est infligée par pendaison et décapitation en public et par lapidation
 La torture est pratique courante. Des peines inhumaines sont infligées en public à des personnes coupables d’outrage aux bonnes mœurs. Ces châtiments inhumains incluent la flagellation et l’amputation.
 Les minorités sont dans une situation particulièrement préoccupante. Les minorités chrétiennes, Bahaï, et dans certains cas sunnites, subissent des discriminations, notamment dans les domaines de l’accès à l’éducation secondaire et universitaire, des confiscations de propriété ou de lieux de culte, des emprisonnements ou des restrictions de la liberté de mouvement. Récemment, plusieurs Kurdes ont été sommairement exécutés.
 Le pouvoir judiciaire est dépourvu de toute indépendance
 Les défenseurs des droits de l’Homme, les avocats et les journalistes sont sérieusement attaqués, symptôme de violations particulièrement sérieuses de la liberté d’expression en Iran
 Les femmes sont victimes de discriminations dans la loi. Les attitudes patriarcales prévalent toujours comme l’attestent la violence dans la famille et les barrières à l’accès des femmes à des fonctions de direction dans les secteurs public et privé.

Alors que la FIDH et la LDDHI souhaitent saluer les efforts de l’Union européenne pour s’engager dans un dialogue franc avec l’Iran, les deux organisations souhaitent souligner que toute politique de dialogue en matière de droits de l’Homme doit nécessairement être associée à un outil d’évaluation indépendant et transparent.

A cette fin, la FIDH considère que l’UE devrait, tout en développant un dialogue, être en mesure d’initier, tant au sein de la Commission des droits de l’Homme que de l’AGNU, des résolutions sur la situation des droits de l’Homme en Iran ce qui, s’agissant de la Commission des droits de l’Homme, s’accompagne de l’établissement de mécanismes de contrôle appropriés, tel un Rapporteur spécial.

Un tel mécanisme est en effet essentiel pour entreprendre un dialogue efficace et fonctionnel, afin de pouvoir établir les progrès accomplis. Sa publicité reste inconditionnelle, au bénéfice de la société iranienne au sens large et de ses défenseurs des droits de l’Homme en particulier. Enfin, une telle initiative correspondrait pleinement au mandat des quinze Etats membres de l’UE qui siègent à la Commission des droits de l’Homme et à l’AGNU.

La FIDH et la LDDHI appellent les Ministres des Affaires étrangères de l’UE à aborder cette question importante lors de leur prochaine réunion en Conseil Affaires générales lundi 21 Octobre.

En vous remerciant de votre attention, veuillez agréer, Mesdames, Messieurs les Ministres, l’expression de ma haute considération.

Sidiki Kaba
President

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