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Les défenseurs des droits à la terre de plus en plus menacés

La FIDH s’alarme du nombre croissant de violations des droits humains engendrées par les accaparements de terres.

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Publié le 02 décembre 2014 à 12h36, modifié le 19 août 2019 à 14h08

Temps de Lecture 3 min.

Le 11 novembre 2014, les forces de sécurité arrêtent des militants pour le respect des droits à la terre, à Phnom Penh, qui tentent de faire stopper l'accaparement du lac Boeung Kak pour un projet immobilier de luxe au centre de la capitale cambodgienne.

Il y a Ă  peine trois semaines encore, le 12 novembre, Nget Khun, alias Mommy, 75 ans, modeste marchande de rue Ă  Phnom Penh (Cambodge) Ă©tait condamnĂ©e Ă  un an de prison ferme. Son crime : avoir « entravĂ© la circulation Â» en manifestant contre le projet immobilier du lac de Boeung Kak, cette immense Ă©tendue d’eau en plein cĹ“ur de la capitale cambodgienne qui a Ă©tĂ© assĂ©chĂ©e pour y accueillir des rĂ©sidences de luxe et des hĂ´tels.

En Asie du Sud-Est, en Afrique, en AmĂ©rique latine, notamment, mais aussi ailleurs, l’accĂ©lĂ©ration des accaparements de terres engendre un nombre croissant de violations des droits humains, s’alarme l’Observatoire pour la protection des dĂ©fenseurs des droits de l’homme de la FĂ©dĂ©ration internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), dans un rapport, publiĂ© mardi 2 dĂ©cembre, consacrĂ© cette annĂ©e aux dĂ©fenseurs des droits Ă  la terre.

Au cours des dix dernières années, le phénomène des achats et locations de terres à grande échelle s’est fortement accru. Cela a donné lieu à une multiplicité de transactions foncières entraînant souvent le déplacement forcé ou l’expulsion de communautés ou de populations entières, leur empêchant l’accès à la terre et à son utilisation. Celles-ci ne sont généralement ni consultées, ni informées, encore moins défendues. Et, bien, souvent les autorités se révèlent incapables de préserver les intérêts des habitants. Si les violations des droits à la terre sont souvent perpétrées en zones rurales, les villes, en expansion, sont également affectées par la pression foncière.

Actions directes pacifiques

« Les dĂ©fenseurs des droits Ă  la terre sont le plus souvent des membres d’une communautĂ© rurale directement affectĂ©e par un projet d’exploitation des terres, souligne le rapport de l’observatoire de la FIDH. Ils se mobilisent pour ne pas ĂŞtre contraints de quitter un territoire sur lequel leur existence et leur mode de vie sont fondĂ©s, ou si le dĂ©part est inĂ©vitable, pour recevoir les indemnitĂ©s qui leur sont dues et ĂŞtre relogĂ©s dans des conditions dignes. Â»

Leur combat Ă©tant ainsi vital, ces dĂ©fenseurs des droits de l’homme ont moins recours Ă  des manifestations publiques qu’à des actions directes de contestation, comme le refus de se conformer Ă  une ordonnance d’expulsion, l’occupation d’un terrain ou encore le blocage de l’entrĂ©e d’un chantier. « Ces actions directes pour la plupart pacifiques et visant uniquement Ă  faire respecter leurs droits, n’en sont pas moins lĂ©gitimes et lĂ©gales du point de vue du droit international Â», insiste Alexandra PomĂ©on O’Neill, responsable de l’Observatoire Ă  la FIDH.

Bien que l’accès à la terre et les droits fonciers soient indirectement protégés par le droit international relatif aux droits de l’homme, les utilisateurs des terres sont en effet souvent confrontés à l’insécurité dans la réalisation de leurs droits, qui ne sont en général ni reconnus ni respectés au niveau national. Les cadastres sont souvent inexistants et les individus concernés ne disposent d’aucun titre de propriété des terres qu’ils occupent et sur lesquelles ils vivent.

Arrestations arbitraires, menaces, harcèlements, agressions et mĂŞme assassinats : « Les dĂ©fenseurs des droits Ă  la terre sont les dĂ©fenseurs des droits humains les plus visĂ©s par la rĂ©pression Â», observe Alexandra PomĂ©on O’Neill. Les droits qu’ils dĂ©fendent ne sont pas compatibles avec les intĂ©rĂŞts des Etats et autres puissants acteurs Ă©conomiques et financiers. Et les attaques les visant ont pour but de prĂ©venir ou de juguler toute tentative de mouvement d’opposition Â», explique-t-elle.

Lutte contre l’impunité

Depuis janvier 2011, l’Observatoire de la FIDH a recensĂ© 106 cas de harcèlement Ă  l’encontre de 282 dĂ©fenseurs des droits Ă  la terre et de 19 organisations non gouvernementales (ONG). Les menaces et atteintes physiques peuvent aller jusqu’à la disparition forcĂ©e et le meurtre. Les exĂ©cutions extrajudiciaires sont frĂ©quentes, notamment en AmĂ©rique latine et en Asie, oĂą l’observatoire en a recensĂ© 43 depuis 2011. Elles sont particulièrement rĂ©pandues en Colombie, au Guatemala, au Honduras, au Mexique et aux Philippines.

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« Ils sont d’autant plus vulnĂ©rables, relève Alexandra PomĂ©on O’Neill, qu’ils opèrent souvent dans des zones reculĂ©es oĂą la corruption est permanente et gĂ©nĂ©ralisĂ©e ; le respect de la loi, pratiquement inexistant ; et l’impunitĂ©, la règle. 95 % des violations ne sont pas punies, souligne-t-elle. Dans de nombreux cas, les institutions judiciaires ne diligentent pas d’enquĂŞte suffisante, ne poursuivent ni ne sanctionnent les auteurs. Â»

Tout en rappelant que le principe de consultation fait partie intĂ©grante du droit Ă  la participation des populations affectĂ©es, tel que consacrĂ© par le droit international et diffĂ©rentes conventions environnementales, l’Observatoire de la FIDH appelle Ă  faire de la lutte contre l’impunitĂ© « une prioritĂ© Â». « Car, insiste Alexandra PomĂ©on O’Neill, c’est par des condamnations exemplaires d’auteurs de violations Ă  l’encontre des dĂ©fenseurs des droits Ă  la terre que ces droits pourront ĂŞtre mieux respectĂ©s. Â»

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