Faire la paix avec les talibans, à quel prix ? Sept points-clés pour une paix juste en Afghanistan

Dix ans après le lancement de l’intervention de la coalition menée par les États-Unis
visant à éliminer les Talibans du pouvoir et à mettre un terme à la présence de réseaux terroristes en Afghanistan, le peuple afghan vit dans un climat général de peur et d’incertitude. Alors que les maigres progrès en terme de développement économique et social en ont déçu beaucoup, d’autres défis importants doivent encore être relevés, en particulier en ce qui concerne la construction d’institutions démocratiques, justes et respectueuses des droits. La situation sécuritaire ne cesse de se détériorer et les actes quotidiens de terreur et d’intimidation visant des civils, dans différentes régions, ont alarmé la population afghane, dont les souvenirs des violations systématiques et généralisées des droits humains, des atrocités et de l’oppression sous le régime taliban, restent vifs. Malgré ces épreuves, les Afghans ont constamment et de façon inébranlable exprimé leur foi dans le changement et la démocratisation, ainsi qu’un fort désir de justice, et souhaité voir la fin de l’impunité.

Alors que la conférence de Bonn du 5 décembre approche, nous insistons sur le fait qu’il est crucial qu’un nouvel engagement équitable, durable et transparent soit pris par la communauté internationale vis-à-vis du peuple afghan. Il est essentiel que celle-ci consolide et sauvegarde les importantes réalisations en matières institutionnelles et démocratiques depuis 2001 si l’on veut s’assurer que l’Afghanistan ne retombe pas dans une situation de violations massives des droits humains, comme c’est déjà le cas dans certaines parties du pays contrôlées par les Talibans. Il est également nécessaire que la communauté internationale accomplisse son dessein originel en investissant dans le pays. Si l’on veut que la conférence de Bonn ne soit pas un échec, l’État afghan et la communauté internationale doivent s’engager fermement à adopter comme principes de base le plein exercice de la justice et le respect des droits humains, principes non négociables dans quelque arrangement institutionnel ou stratégique.

Ce document met en évidence sept points-clefs qui doivent être remplis pour qu’une
paix durable soit possible en Afghanistan. Comme l’a démontré une nouvelle fois la Loya Jirga convoquée le 16 novembre 2011 à Kaboul, l’idée de la réconciliation à tout prix prévaut en Afghanistan. Cette approche s’est toujours révélée infructueuse, avec des conséquences désastreuses : non seulement elle oblitère toute tentative institutionnelle de recherche de vérité, mais elle est également un frein à l’exercice de la justice ; elle favorise la poursuite de l’impunité et conduit à d’autres violations des droits humains. Rien de tout cela ne contribue à jeter les bases d’une paix durable. L’expérience récente montre que la réconciliation avant toute recherche de
vérité et le plein exercice de la justice ne fait que réhabiliter les responsables de graves violations des droits humains. Les acteurs internationaux doivent faire face à leurs responsabilités et à leurs obligations en aidant le peuple afghan à affronter ouvertement les violations passées et en cours.
La réconciliation ne peut se construire sur un vide institutionnel : les contraintes imposées par la constitution afghhane, la législation nationale et les obligations internationales de l’Afghanistan devraient exclure toute négociation avec des entités - telles que les Talibans - accusées de graves violations des droits humains et radicalement opposées à leur respect.

Sept points-clés pour une paix juste en Afghanistan :

POINT 1 : Ne pas souscrire à un retour des Talibans au pouvoir à la conférence de Bonn
POINT 2 : Renforcer les institutions démocratiques, en particulier le système judiciaire, et assurer une véritable séparation des pouvoirs
POINT 3 : Protéger les droits des femmes dans la loi et en pratique
POINT 4 : Mettre en place des mécanismes de justice transitionnelle et combattre l’impunité
POINT 5 : Mettre en oeuvre tous les engagements en faveur des droits humains, en accord avec le mandat de protection de la communauté internationale
POINT 6 : Respecter les droits économiques, sociaux et culturels du peuple afghan, et promouvoir un modèle de développement durable
POINT 7 : Respecter les droits de l’Homme dans le cadre de la promotion de la sécurité régionale et de la lutte contre le terrorisme international

ANNEXE : Qui sont les Talibans ?


POINT 1 : Ne pas souscrire à un retour des Talibans au pouvoir à la conférence de Bonn

Si le processus de réconciliation s’en tient à une mise en scène impliquant un gouvernement soutenu par la communauté internationale, ayant perdu son soutien populaire, et les Talibans qui ont l’intention d’imposer leurs conditions sur les négociations et leur idéologie répressive sur la société afghane, jamais la paix et la justice ne pourront être ramenées en Afghanistan.
Des solutions à courte vue, prises dans l’urgence, n’auront d’autre effet que de transformer une nouvelle fois le territoire afghan en un sanctuaire pour les activités des fondamentalistes, et ce au coeur-même de l’Asie ; avec les conséquences dommageables et alarmantes que l’on sait sur les droits de humains, pour l’ensemble de la population afghane. Croire qu’il est possible de négocier avec les talibans tout en garantissant la protection des droits humains les plus fondamentaux est une méprise totale. Prétendre pouvoir y arriver est totalement irresponsable.

Comme nous le détaillons ci-après, les Talibans ont systématiquement eu recourt au crime et ont violé les droits des personnes, en particulier les droits des femmes. Prétendre que les Talibans reçoivent un soutien populaire, c’est se moquer des institutions démocratiques mises en place en Afghanistan et faire peu de cas de la volonté populaire exprimée par les Afghans à défendre leurs valeurs en participant à quatre élections nationales. De toute évidence, les Talibans ne peuvent pas être considérés comme un groupe organisé et politique légitime capable d’administrer des responsabilités politiques, d’assurer le bien-être général de la population et le
renforcement des institutions démocratiques.

Recommandation :

  • Le gouvernement afghan, ses alliés régionaux, les Nations Unies et les pays démocratiques représentés à la conférence de Bonn ne doivent pas laisser les Talibans imposer leurs conditions, ni leur idéologie répressive sur l’accord final qui émanera de la conférence. Les droits humains fondamentaux ne sont pas négociables. Les talibans doivent immédiatement cesser les hostilités. Ils ne doivent être acceptés comme interlocuteurs qu’à la condition expresse qu’ils s’engagent à
    respecter pleinement la Constitution, ainsi que les lois existantes et les obligations internationales signées par l’Afghanistan, des principes auxquels ils n’ont jamais souscrits, ni hier, ni aujourd’hui.


POINT 2 : Renforcer les institutions démocratiques, en particulier le
système judiciaire, et assurer une véritable séparation des pouvoirs

Pour une paix et une justice durables en Afghanistan, il faut apporter un soutien conséquent aux institutions démocratiques, à ses organes élus, et aider à ce que la séparation des pouvoirs soit effective. L’exécutif a trop longtemps été conforté dans sa domination sur le législatif et le judiciaire, ce qui a grandement pénalisé le bon fonctionnement de l’appareil d’État afghan. Le système judiciaire manque de ressources, d’acteurs compétents et bien formés, et se trouve constamment soumis à des interférences politiques à tous les niveaux. Il est crucial notamment de réexaminer le mandat de la Cour suprême et du Bureau du procureur général afin de rompre les liens étroits qui unissent aujourd’hui le pouvoir judiciaire et celui de l’exécutif. La détérioration du système judiciaire a non seulement alimenté l’insurrection et affaibli toutes les autres institutions, mais elle a aussi affecté le système de justice “traditionnelle”, en proie à des enjeux politiques et sur lequel les fondamentalistes ont fait main basse. Leur interprétation du droit, purement inspirée
par l’application de la sharia, ne garantit aucun des droits fondamentaux, et encore moins ceux des femmes. Un engagement soutenu à établir un véritable État de droit dans tout le pays est nécessaire. Tous les droits inscrits dans la constitution afghane et les traités internationaux auxquels l’Afghanistan est partie doivent être appliqués à travers la législation et le développement des secteurs de la sécurité et de la justice. La fraude électorale généralisée ne doit plus être tolérée.

Recommandations :

  • Le retrait progressif des troupes internationales doit s’effectuer parallèlement à un
    engagement solide de la part de la communauté internationale à soutenir le renforcement des institutions démocratiques dans l’ensemble du pays - y compris du système de justice -, et le renforcement des capacités des forces de sécurité nationale. La Commission indépendante des droits de l’Homme afghane (AIHRC) et les autres organisations de défense des droits humains doivent recevoir un soutien approprié, et leur indépendance doit être garantie. Les recommandations formulées par le Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’Homme dans son rapport annuel de 2011 qui tendent à soutenir et à renforcer la capacité institutionnelle dans le pays par l’intermédiaire de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA), doivent être mises en oeuvre.
  • Le gouvernement afghan, en collaboration avec et sous la supervision de la communauté internationale, doit combattre la corruption endémique qui empêche les institutions démocratiquement élues de fonctionner normalement. Des observateurs indépendants doivent être mandatés par la communauté internationale pour renforcer les processus électoraux et prévenir la fraude électorale à l’avenir.


POINT 3 : Protéger les droits des femmes dans la loi et en pratique

L’exercice de la justice en Afghanistan signifie éradiquer toutes les lois et les pratiques discriminatoires envers les femmes. Cela signifie mettre fin à la lapidation, à la flagellation, aux mariages forcés et aux mariages d’enfants, aux attaques à l’acide, à l’échange de filles et de femmes comme moyen de résolution des conflits, aux soit-disant crimes d’« honneur » et aux autres formes de mauvais traitement, physique et psychologique. Cela signifie combattre l’impunité des criminels qui ont violenté des femmes, assurer la sécurité des femmes, des jeunes filles et des fillettes, ainsi que leur plein accès à une justice indépendante sur l’ensemble du territoire. Le respect dans leur totalité des obligations internationales relatives aux
droits humains, y compris celles de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et la mise en oeuvre effective de l’article 22 de la Constitution afghane sont vitaux. Les droits des femmes ne peuvent être garantis dans le vide : leur protection est intrinsèquement liée à la consolidation d’un État démocratique et d’institutions fortes et pleinement fonctionnelles.

Recommandations :

  • La communauté internationale doit veiller à la forte représentation des femmes à tous les stades de toute négociation en faveur de la paix. Les femmes doivent également être représentées dans la mise en oeuvre des accords négociés en droite ligne avec la Résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU. Le gouvernement afghan doit adopter un plan d’action national pour mettre en oeuvre la résolution 1325, nommer des femmes à des postes clés du gouvernement et assurer leur pleine représentation dans la vie politique et dans d’autres organes de décision.
  • Le gouvernement afghan doit immédiatement abroger toutes les lois discriminatoires envers les femmes. Cela comprend l’abrogation de la loi sur les chiites, la loi sur le mariage, les dispositions discriminatoires du Code pénal, les lois sur la propriété et les lois coutumières discriminatoires. Des mesures devraient être prises, avec le soutien de la communauté internationale, pour mettre un terme au recours à des tribunaux coutumiers et à l’exercice d’une justice parallèle, et assurer aux femmes un plein accès à la justice institutionnelle. Le gouvernement doit adopter des lois pour protéger les femmes contre la discrimination et ce à tous les niveaux, et renforcer - conjointement avec la Cour suprême et le Bureau du procureur général -, la mise en application des recommandations du CEDAW, qui doivent constituer le pilier de la politique du gouvernement pour mettre fin aux pratiques criminelles envers les femmes. En collaboration avec la communauté internationale, le gouvernement doit, par tous les moyens, améliorer l’accès des femmes aux services sociaux de base tels que l’accès aux soins et à l’éducation dans l’ensemble du pays.


POINT 4 : Mettre en place des mécanismes de justice transitionnelle et combattre l’impunité

La justice implique établir des mécanismes de justice transitionnelle (pouvant être inspirés d’expériences internationales jugées efficaces) pour mettre fin à l’impunité qui mine la société afghane depuis plusieurs décennies. Les responsables de graves violations des droits de l’Homme doivent faire l’objet d’une enquête et être poursuivis. Nombre de ces personnes occupent aujourd’hui des postes leur permettant de continuer à commettre de telles violations ; les mécanismes de responsabilité et de contrôle de l’éligibilité dans le processus électoral et dans les institutions gouvernementales doivent de ce fait être renforcés. Les victimes doivent se voir accorder réparation. Ces conditions sont les éléments clés pour l’avènement d’un Afghanistan fort et réellement démocratique. Le droit des victimes à la vérité, à la justice et à la réparation doivent être respectés et correctement mis en oeuvre. A cet égard, le rôle de la Cour pénale internationale (CPI), à laquelle l’Afghanistan s’est constitué membre en ratifiant le Statut de Rome en 2003, est capital. Le Bureau du procureur analyse la situation en Afghanistan depuis près de cinq ans : la CPI devrait décider sans délai de l’ouverture d’une enquête et de l’application du principe de complémentarité.

Recommandations :

  • Les Nations Unies doivent enquêter et documenter d’une manière rigoureuse et systématique les crimes internationaux perpétrés par les Talibans et d’autres groupes insurrectionnels en Afghanistan ; proposer et mettre en oeuvre un cadre solide pour l’instauration de mécanismes de justice transitionnelle. De tels mécanismes incluent des commissions de vérité, une réparation pour les victimes et des centres de commémoration complétant les mécanismes essentiels de la justice
    criminelle.
  • La CPI doit s’exprimer sur l’état des examens préliminaires menés par le Bureau du procureur sur la situation en Afghanistan. Elle doit ouvrir une enquête concernant les crimes internationaux commis dans le pays depuis 2003, quand bien même les mécanismes nationaux de justice continueraient à démontrer leur incapacité et leur manque de volonté de mener véritablement à bien l’enquête ou les poursuites contre les principaux auteurs de ces crimes. La CPI répondrait par là au besoin désespéré des victimes d’obtenir réparation et contribuerait ainsi à rompre le cercle
    vicieux de l’impunité.
  • Le gouvernement afghan et ses soutiens internationaux doivent renouveler leur pacte avec le peuple afghan en permettant que les mécanismes de justice transitionnelle fassent partie du débat public et soumis au peuple. Le gouvernement doit se conformer à un Plan d’action pour la paix et la réconciliation centré sur les victimes, comme esquissé en 2005. Violant clairement les dispositions de la Constitution et les obligations internationales du gouvernement, la loi d’Amnistie générale et de stabilité nationale doit être abrogée.


POINT 5 : Mettre en oeuvre tous les engagements en faveur des droits humains, en accord avec le mandat de protection de la communauté internationale

La communauté internationale doit revoir en profondeur sa stratégie en Afghanistan. A travers le système onusien, elle doit s’équiper d’un mandat fort et ambitieux pour protéger et promouvoir les droits humains dans l’ensemble du pays. Si des afghans, dont des défenseurs des droits humains, font face à des menaces réelles, une protection complète, y compris à travers le droit à l’asile, doit leur être accordée. Le mandat de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS), qui a été défini en 2001 dans des circonstances très particulières, doit être interrompu en 2014. Les pertes civiles, les assassinats ciblés et les pratiques inhumaines telles que la torture et la détention arbitraire sous la responsabilité des forces de la FIAS et des troupes internationales doivent immédiatement cesser, et les coupables être traduits en justice. Les mêmes forces doivent immédiatement renforcer leurs mécanismes de transparence et de responsabilité et améliorer l’accès à la justice et aux réparations pour les victimes civiles.

Recommandations :

  • Les forces militaires internationales et les forces de sécurité nationales afghanes, tel que recommandé par la Commissaire aux droits de l’Homme des Nations Unies dans son rapport annuel de 2011, doivent s’assurer que des mesures aient été prises afin que les incidents conduisant à des pertes civiles liés aux comportements inappropriés des troupes internationales soient documentés de manière adéquate et suivis d’enquêtes crédibles en toute transparence. Toutes les victimes doivent recevoir les compensations requises (dont des garanties de non-récurrence et de compensation, des excuses, des enquêtes et des gestes de reconnaissance). De telles compensations doivent être produites dans les plus courts délais et de manière uniforme et systématique à toutes les victimes civiles liées au conflit et à celles victimes de violations des droits de l’Homme.
  • La communauté internationale, à travers le système des Nations Unies, doit immédiatement mettre en oeuvre la responsabilité de protéger, tel que recommandé dans le rapport A/63/677 de 2009 du Secrétaire Général. Elle doit à cet effet assister le gouvernement afghan dans l’exercice de cette responsabilité et l’aider à renforcer sa capacité à protéger la population.
    Si le gouvernement afghan manifeste son incapacité ou son manque de volonté à protéger la population contre le génocide, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité, la communauté internationale doit être prête à prendre en temps voulu une action collective résolue à travers le Conseil de sécurité et en accord avec la Charte des Nations Unies.


POINT 6 : Respecter les droits économiques, sociaux et culturels du
peuple afghan, et promouvoir un modèle de développement durable

La justice implique un modèle de développement durable pour l’Afghanistan, respectant les droits économiques, sociaux et culturels de tous les citoyens afghans dans leur diversité. Le développement économique doit être juste et réparti en toute équité. L’engagement de la communauté internationale à soutenir le développement de l’Afghanistan aujourd’hui et à l’avenir, ainsi qu’à apporter, lorsque besoin est, une aide humanitaire, doit être conforme aux principes des droits de l’Homme reconnus universellement.

Recommandation :

  • Les pays donateurs doivent s’assurer que l’assistance au développement soit limitée aux besoins définis en consultation avec la société civile afghane, y compris les femmes, et non subordonnée à des objectifs sécuritaires et militaires qui ne servent pas de manière systématique la population ; toutes les structures liant l’aide civile à l’aide militaire doivent être démantelées dès que possible au cours du processus de transition.


POINT 7 : Respecter les droits de l’Homme dans le cadre de la promotion de la sécurité régionale et de la lutte contre le terrorisme international

Le respect des droits humains doit être au coeur de tout accord de coopération entre le gouvernement afghan, les États voisins et la communauté internationale pour promouvoir la sécurité régionale et combattre le terrorisme international.

Recommandations :

  • Les comités concernés au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, les organisations internationales et les groupes d’experts, dont le comité établi en rapport à la résolution 1267 (1999) du Conseil de Sécurité des Nations Unies, le Comité contre le terrorisme (CTC), l’Office des Nations Unies pour le contrôle des drogues et la prévention du crime, la Direction exécutive du Comité contre le terrorisme (CTED) doivent mettre en place les institutions adéquates et mettre en oeuvre, en toute transparence, des mécanismes efficaces afin de garantir le respect complet des droits de l’Homme par tous les acteurs concernés dans le cadre de la
    promotion de la sécurité régionale et de la lutte contre le terrorisme international ;
  • Concernant la résolution la plus récente du Conseil de Sécurité des Nations Unies sur le terrorisme international et la menace que ce dernier représente pour l’Afghanistan1, le Conseil de Sécurité doit garantir que la liste de sanctions des Nations Unies contre les entités et individus liés aux Talibans soit régulièrement mise à jour. Si des doutes devaient persister quant aux intentions et au comportement des Talibans ainsi désignés, le Conseil de sécurité ne doit pas précipitamment retirer des individus de la liste au nom de la réconciliation, tel qu’exprimé dans la même résolution.


ANNEXE : Qui sont les Talibans ?

On constate depuis quelques années que le nombre de civils tués par les Talibans croît de manière exponentielle. En 2010, 75% des 2777 civils tués seraient des victimes des Talibans. Pour le premier semestre de 2011, le nombre de morts civils qui leurs sont attribués s’élève déjà à 1167. De plus, un nombre croissant de preuves démontre que la plupart des violations des droits de l’Homme et des atteintes aux libertés fondamentales qui avaient cours sous le régime taliban avant 2001 ont réapparu dans les régions où ils sont de nouveau présents. Ils ont eu recourt à l’intimidation et exercé des menaces à l’encontre de civils, perpétré des attentats à la bombe contre des écoles et attaqué des écolières à l’acide. Le 16 août 2010, les Talibans ont de nouveau appliqué leurs châtiments barbares en lapidant un jeune couple d’amoureux qui avait fugué pour éviter les pressions familiales. Il y a pléthore de cas semblables en brutalité et d’exécutions sommaires.

Le 11 novembre 2011, un groupe d’hommes armés ont lapidé et tué par balles une femme et sa fille dans la province de Ghazni, à peine à 300 mètres du bureau du gouverneur dans la ville de Ghazni, qui fait partie des territoires prioritaires pour le transfert de la responsabilité du contrôle de la sécurité aux Afghans. La mère avait été accusée de “déviation morale et d’adultère”. Dans les nombreuses régions où ils sont présents, les talibans contrôlent les routes principales et exigent le paiement d’une taxe. Des agents du gouvernement ont été pris pour cibles, emprisonnés ou tués, des fonctionnaires décapités. Les talibans ont interdit les téléphones mobiles, les caméras vidéo et la musique à l’exception des stations de radio qu’ils contrôlent et qui diffusent exclusivement des chants hypnotiques.

Sous le régime taliban (1996-2001), le recourt aux châtiments physiques était devenu la règle. La justice mise en place répondait à une stricte application de la charia, dans son interprétation la plus extrême. Régulièrement, la population était invitée à assister dans les stades ou ailleurs à des exécutions publiques, à des flagellations ainsi qu’à des lapidations. Les mains et les pieds des voleurs furent pendus aux arbres durant plusieurs jours. Les femmes était particulièrement stigmatisées, et devaient se conformer aux règles qui régissait leur comportement, leur vie. Le port de la burqa était obligatoire, porter des chaussures à talons était interdit. Dans l’ensemble du pays où les Talibans exerçaient leur contrôle, les écoles de filles ont été fermés et il fut interdit aux femmes, y compris aux veuves sans revenu familial, de travailler. Les fenêtres des maisons ont été peintes en noir afin que nul ne puisse apercevoir les femmes de l’extérieur.

Ce régime s’est caractérisé par une restriction extrême des libertés fondamentales. Toute personne ne portant pas un nom islamique a dû en changer. Les hommes n’étaient autorisés ni à se raser ni à tailler leur barbe, qui devait dépasser au minimum d’un poing sous le menton. Tous devaient assister aux cinq prières quotidiennes dans les mosquées sous peine d’être arrêtés et châtiés. Quiconque se convertissait à une autre religion que l’Islam était exécuté. Les Hazaras, chiites, devaient porter un signe distinctif jaune afin d’être différenciés du reste de la population majoritairement sunnite. Faire voler des cerf-volants, posséder des oiseaux ainsi que d’autres activités considérées comme non-islamiques étaient interdites ; ceux qui y contrevenaient était emprisonnés.

Les Talibans ont pris pour cible les minorités religieuses et pratiqué le nettoyage ethnique. Les Hazaras et les chiites, mais aussi les Tadjiks et les Ouzbeks, ont souffert d’une répression toute particulière. Les taliban prenaient les Hazaras pour des bouddhistes – à cause de la présence des statues de Bouddha à Bamiyan -, et donc pour des “infidèles. Aussi pour les Talibans, tuer des Hazaras faisait partie intégrante de la Jihad. En juillet 1998, les Talibans ont exécuté plus de 2000 civils hazaras dans la ville de Mazar-e-Sharif, les traquant chez eux, de portes en portes, durant six jours. Des milliers de prisonniers furent enfermés en plein soleil dans des containers. La plupart moururent asphyxiés ou par suffocation à cause de la chaleur. Reflet de la gravité de la situation des Hazaras, jamais leur migration vers les pays voisins n’a été aussi intense et aussi constante qu’à cette époque.

La destructions des bouddhas à Bamiyan en mars 2001 fut un exemple de l’aversion qu’avaient les Talibans envers toute oeuvre d’art considérée comme non islamique. Ni peinture, ni musique, ni poésie n’étaient plus autorisées. Ils détruisirent, sans aucune considération pour le patrimoine culturel du pays, films et documents, ont brûlé les photographies du musée de Kaboul. En 1997, ils ont pratiqué un gigantesque autodafé, embrasant toutes sortes de livres parmi lesquels ceux de la bibliothèque de l’Université de Kaboul et 55000 volumes d’archives et de manuscrits
provenant de la bibliothèque Hakim Nasser Khosrow à Pul-e Khumri, dans la province de Baghlan. Quiconque transportait des oeuvres répréhensibles était exécuté.

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