Argentine : Les organisations rejettent la réforme constitutionnelle à Jujuy et appellent à la fin de la répression

Briseida Aragón Juárez

La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et ses organisations membres en Argentine, le Comité de Acción Jurídica (CAJ), le Centro de Estudios Legales y Sociales (CELS) et la Liga Argentina por los Derechos Humanos (LADH), dénoncent la répression de la contestation sociale et appellent le gouvernement provincial à écouter les revendications de la population, en particulier des communautés indigènes concernées, touchées par la réforme constitutionnelle qui menace leurs droits internationalement reconnus.

Paris, Buenos Aires, 6 juillet 2023. Un nombre important de manifestations ont eu lieu dans la province de Jujuy, au nord de l’Argentine, contre l’adoption d’une réforme partielle de la constitution provinciale. Cette réforme prévoit des restrictions du droit de manifester, telles que l’interdiction de bloquer les rues et les routes, des reculs dans la reconnaissance des droits des peuples autochtones et dans la défense des ressources naturelles. Le 17 juin 2023, jour de l’adoption de la réforme, l’emploi abusif de la force a entraîné la détention de quarante personnes, qui ont toutes été libérées depuis, et en a blessé gravement 25, toutes autochtones. Les témoignages relatent l’utilisation de balles en caoutchouc, de gaz lacrymogènes, de camionnettes non identifiées, de policiers déguisés en civils ou à visage couvert, qui ont arrêté des manifestant·es et perquisitionné des maisons sans mandat judiciaire.

Les organisations dénoncent le fait que le processus de réforme n’a pas respecté les exigences obligatoires pour mener à bien une réforme constitutionnelle. Le délai obligatoire de 90 jours pour débattre du texte n’a pas été respecté, car celui-ci a été adopté en trois semaines seulement, sans que les peuples autochtones aient pu exercer leur droit à une consultation libre, préalable et informée. La participation d’autres membres de la société civile n’a pas non plus été possible. Le texte constitutionnel n’a été rendu public qu’au moment de son adoption, le 17 juin 2023.

Une réforme qui conduit à l’intensification de l’exploitation en dépit des droits des peuples autochtones

De même, la réforme aurait pu être l’occasion de modifier le texte en vigueur depuis 1986, qui ignore les normes internationales et nationales sur la reconnaissance de l’identité et de l’autodétermination des peuples autochtones, et de la relation intrinsèque qu’ils entretiennent avec le territoire, ce qui représente un recul important des droits reconnus à ces communautés.

Dans une province particulièrement riche en minéraux tels que le lithium, il est inquiétant que la réforme mette l’accent sur l’extraction de ces ressources critiques par la promotion de leur exploitation et production plus importantes, sans tenir compte des paramètres écologiques, sociaux et culturels de ces territoires et des droits ancestraux des communautés indigènes sur ceux-ci.

Les organisations rejettent les articles relatifs à la restriction du droit de manifestation et de la liberté de réunion, car ils constitutionnalisent la criminalisation du droit de protestation, ce qui est contraire à la constitution nationale de l’Argentine et aux normes internationales en matière de droits humains.

Les organisations demandent instamment au gouvernement provincial de garantir le droit à la consultation libre, préalable et informée des communautés autochtones concernées. Elles demandent également que les droits civils et politiques de tous·tes les habitant·es et les droits des peuples autochtones et de l’environnement, soient respectés et garantis.

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