Papier de position : Situation générale des droits de l’Homme en Afrique

La situation des droits de l’Homme en Afrique connaît depuis quelques années des évolutions contrastées.

Toutefois de façon manifeste et unanime, on constate le développement d’une société civile et du mouvement des droits de l’Homme en particulier. Rempart contre l’arbitraire et la discrimination, sa mobilisation en faveur des droits civils et politiques mais aussi économiques et sociaux a un réel impact. Elle porte en outre avec courage la lutte contre l’impunité aux niveaux national et international comme c’est le cas au Tchad et en Belgique contre l’ex dictateur Hissène Habré et ses complices ou en France contre les responsables des événements du " Beach " au Congo Brazzaville.

Par ailleurs, certaines situations politiques en Afrique sont porteuses d’espoir. L’alternance politique notamment au Ghana, Sénégal, Cap-Vert, Bénin et Maroc offre des perspectives démocratiques.

De même, les efforts régionaux en terme de règlement des conflits (comme pour la RDC, le Burundi, la Siéra Leone) constituent une avancée considérable vers la stabilité et la paix durable sur le continent africain.

Pourtant, le tableau s’assombrit par l’existence encore massive de violations des droits de l’Homme. Le tournant démocratique tarde également a être pris par certains pays. On assiste alors à des manipulations électorales y compris d’ordre constitutionnel (Cameroun, Congo Brazzaville, Gabon, Guinée Conakry, Tchad, Togo, Tunisie, Zambie, Zimbabwe). Ainsi, sous couvert d’élections démocratiques, les systèmes sont verrouillés, aux seuls fins que les gouvernants restent au pouvoir.

Les lenteurs du processus de démocratisation sont sources de nombreux dangers et se caractérisent bien trop souvent par la survivance de zones déchirées par des situations de tension et de conflits ; il suffit de penser à la région des Grands Lacs, au Soudan, au Zimbabwe, à l’Algérie, la Côte d’Ivoire, la Somalie, Djibouti, le Congo Brazzaville pour n’en citer que quelques uns.

Ainsi, la FIDH souhaiterait attirer en particulier votre attention sur la situation en Côte d’Ivoire, victime d’une nouvelle mutinerie commencée le mois dernier.
Comment en est-on arrivé là ?
L’ivoirité est la source de tous les maux de la Côte d’Ivoire. Son concepteur, Henry Konan Bédié, l’a inventée et théorisée pour barrer la route à son opposant politique le plus gênant, Allasan Wattara. Cette théorie dangereuse et absurde a eu pour conséquence de désintégrer la société ivoirienne, qui compte une multitude d’ethnies qui vivaient ensemble en paix. L’ivoirité hiérarchise les citoyens ivoiriens. Elle dresse les Ivoiriens chrétiens du sud contre les ivoiriens musulmans du nord, les Baoulés du centre sud aux Bété de l’ouest et aux Dioula du nord. Elle canalise les rancoeurs et les frustrations des Ivoiriens contre les étrangers, accusés de tous les maux. L’ivoirité postule l’exclusion, la xénophobie et la discrimination, et fait du référent ethnique le mode d’accession aux droits. Bref l’ivoirité est le mal ivoirien. Or, le gouvernement démocratiquement élu de Laurent Gbagbo n’a pas mis un terme à cette politique.
Depuis plusieurs mois, les forces de l’ordre ivoiriennes (police, gendarmerie et armée) ont été soumises à plusieurs vagues d’épuration. Dans l’armée, tous les tireurs d’élite portant un nom à consonance du Nord ont été écartés, comme l’ont été, d’ailleurs, tous les officiers de même nom d’un certain rang ou, dans la police, les agents des commissariats d’Abidjan. Désormais, les enfants qui naissent à Yopougon (l’un des quartiers d’Abidjan) reçoivent des extraits de naissance de couleur différente, selon qu’un seul de leurs parents, ou les deux, sont considérés de nationalité ivoirienne (une expérience qui risque de s’étendre à d’autres communes).
La mutinerie du 19 septembre intervient trois mois après la conférence nationale de réconciliation qui a abouti a la mise sur pied d’un gouvernement d’union nationale qui comprend les principales forces politiques du pays (PDCI de Bédié, RDR de Wattara, UDPCI de Guei, FPI de Gbagbo). Cette situation est révélatrice de la complexité et de la profondeur de la crise ivoirienne. Le bilan est à ce jour indéterminé, quoiqu’on fasse état de plus 270 morts et plus de 300 blessés, assaillants et forces loyalistes confondus.
La FIDH appelle les parties à ranger leurs armes et exhorte les autorités à ne pas se laisser entraîner par la logique militaire. La FIDH dénonce avec vigueur les graves violations des droits de l’Homme qui ont suivi la mutinerie et demande que toute la lumière soit faite sur les exécutions qui ont été pratiquées, et le cas échéant, sur les arrestations, détentions et pillages liés à ces événements. La FIDH demande l’organisation d’une commission internationale d’enquête qui devra faire la lumière sur les violations des droits de l’homme de ces dernières semaines afin que leurs auteurs, quels qu’ils soient -forces loyalistes ou mutins- ne restent pas impunis, comme c’est encore le cas des responsables du charnier de Youpougon. La FIDH fait également part de son inquiétude face aux dérives xénophobes véhiculées par certains médias.
Une nouvelle déstabilisation de la Côte d’Ivoire pourrait avoir des conséquences dramatiques pour toute la sous-région, et la situation économique et politique du pays ne pourra que s’en trouver aggravée et entraîner de plus grandes difficultés de vie quotidienne pour tous les habitants de la Côte d’Ivoire.

De manière générale, la FIDH rappelle son attachement indéfectible aux principes démocratiques et condamne avec la plus grande fermeté les modes d’accession au pouvoir pratiqués hors de toute légalité constitutionnelle. Ainsi, elle se félicite de l’adoption, en juillet 2000, par l’AG des chefs d’Etat et de gouvernement de l’OUA, lors de sa 36ème session ordinaire, de la déclaration concernant les changements de gouvernement inconstitutionnels : les Etats membres se sont engagés à ce que l’OUA condamne immédiatement et publiquement tout changement inconstitutionnel de gouvernement dans un Etat membre adressant un message non équivoque aux responsables de tels changements qu’en aucune circonstance leur action illégale ne sera tolérée ou reconnue par l’OUA. Cette déclaration doit être systématiquement appliquée et de manière rigoureuse.

La toute naissante Union africaine doit, conformément à son mandat, améliorer le fonctionnement de l’organe central du mécanisme de prévention, de gestion et de résolution des conflits. Il est essentiel de renforcer ses compétences et de systématiser son action. Il faut réussir à mettre en place un véritable système de sécurité collective à l’échelle régionale capable de répondre aux situations de conflits.

Par ailleurs, la FIDH a saisi l’organisation internationale de la Francophonie dont les assises se tiennent en ce moment même à Beyrouth pour qu’elle traite de la question ivoirienne, condamne les coups d’état militaires dans l’espace francophone et réaffirme son attachement aux valeurs de démocratie et de Droits de l’Homme. Elle doit adresser, à cette occasion, un signal fort à tous les états putschistes, à l’image du signal lancé par l’OUA en juillet 2000.

Outre ces phénomènes de déstabilisation politique et de manipulation électorale, qui entravent l’émergence de véritables régimes démocratiques, les droits civils, politiques, économiques et sociaux sont trop souvent bafoués sur le continent africain.

Doits civils et politiques : les défenseurs des droits de l’Homme

Les étudiants, journalistes, avocats, membres d’ONG continuent d’être arrêtés ou harcelés en raison de leur engagement en faveur des droits de l’Homme. Les détentions arbitraires s’accompagnent souvent d’actes de torture et de mauvais traitements.

Les méthodes les plus pernicieuses sont utilisées à l’encontre des défenseurs et de leur famille ou de leurs proches : interpellations, menaces, visites de la police ou des forces de sécurité dans les bureaux des ONG, encerclement de domicile, filatures, pressions exercées contre les clients d’avocats considérés comme gênants, .... De véritables campagnes de diffamation émanent parfois des plus hautes autorités et des partis politiques et visent à discréditer les ONG et leurs membres. Dans certains Etats, de tels propos constituent de véritables menaces pour la vie des défenseurs (ex : Est de la RDC). Les régimes utilisent pour ce faire les médias qu’ils contrôlent. Ces actes d’intimidation peuvent intervenir aussi lors de forums internationaux, le but étant souvent de discréditer l’ONG indépendante aux yeux de la communauté internationale (ex : Tunisie, Mauritanie). Les personnes qui luttent contre l’impunité et qui mènent des actions sur le terrain judiciaire sont en première ligne de la répression (ex : Congo Brazzaville).

Les défenseurs des droits de l’Homme sont très souvent accusés de " faire de la politique " sous le couvert des droits de l’Homme ou d’être proches de l’opposition. Il s’agit là encore d’une façon de tenter de les discréditer. Par ailleurs, ce type d’accusations met en évidence l’incapacité d’un certain nombre de régimes à tolérer toute forme de critique, toute opinion divergente, comme si les libertés politiques inhérentes à la démocratie étaient un vice rédhibitoire.

La situation des défenseurs s’est en outre aggravée par les conséquences de la lutte antiterroriste sur la scène internationale. De nombreux Etats avaient depuis longtemps mis en place de véritables stratégies pour bâillonner tous ceux qui ont une opinion divergente et critique. Mais la campagne internationale contre le terrorisme, qui entraîne un repositionnement des Etats, contribue à apporter une caution morale internationale aux Etats les plus répressifs, qui souvent utilisent le prétexte la lutte contre le terrorisme pour sanctionner toute forme d’opposition. Par ailleurs, de manière plus générale, les activités de dénonciation des ONG de défense des droits de l’Homme sont rendues plus malaisées encore que par le passé dans ce contexte international de lutte contre le terrorisme : le message des droits et des libertés passe difficilement dans le contexte du tout-sécuritaire.

La FIDH, dans le cadre de son programme conjoint avec l’OMCT, l’Observatoire pour la protection des defenseurs des droits de l’Homme, appelle, cette année encore, la Commission africaine à créer un mécanisme - point focal ou rapporteur spécial - sur la question des défenseurs. L’année dernière, la Commission n’a pas adopté un tel mécanisme, sous prétexte des réformes internes en cours d’examen depuis plusieurs années. Or, les défenseurs continuent d’être la cible d’une répression à des degrés divers en Afrique, et aucun argument ne peut justifier les hésitations et atermoiements de la Commission à cet égard. Un tel mécanisme interviendrait en complémentarité et en coordination avec le travail de Madame Hina Jilani, la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme.

Les droits de l’Homme, cadre incontournable de la lutte contre le terrorisme

Nous venons de l’aborder, la lutte antiterroriste est venue interférer cette année dans la situation des droits de l’Homme notamment en Afrique.

La FIDH réitère à cet effet sa condamnation absolue de tout acte de terrorisme international. Les attentats commis à l’encontre d’une population civile ne peuvent trouver une quelconque justification et leurs auteurs et commanditaires doivent être poursuivis en justice et sanctionnés, dans le strict respect des normes universelles de protection des droits de l’Homme.

Mais la Commission africaine a l’obligation de rappeler haut et fort que tout n’est pas permis ! Les dérives actuellement constatées dans nombre d’Etats sont porteuses d’une terrible régression qui dépasse largement les nécessités de la lutte antiterroriste. L’impératif du respect des normes universelles de protection des droits de l’Homme doit être rappelé sans relâche. Le respect de la dignité humaine distingue précisément une communauté internationale organisée des fanatiques de tous ordres.

La Convention africaine de lutte contre le terrorisme répond au besoin de renforcer la coopération entre les Etats membres de l’UA pour combattre le terrorisme, en prévoyant un cadre juridique commun de référence. Néanmoins cet instrument, entré en vigueur à la suite de la conférence d’Alger de septembre dernier, doit obligatoirement se décliner sous le prisme du respect des normes internationales et régionales de protection de droits de l’Homme.

La FIDH rappelle que cette convention donne une définition si large de l’infraction terroriste qu’elle peut inclure des infractions qui ne devraient pas relever de cette incrimination. Ainsi, il suffit par exemple de commettre un acte qui peut causer un dommage à une propriété publique ou privée dans un des buts énumérés dans la convention pour qu’il s’agisse d’un acte terroriste ! Par ailleurs, pour qu’un acte soit qualifié de terroriste, il doit poursuivre un des buts énumérés dans la Convention, lesquels buts sont libellés de manière tellement large que cela permet d’incriminer toute forme de protestation. Ainsi, induire un gouvernement (" induce a government ") à faire ou ne pas faire quelques chose, à adopter ou abandonner un point de vue particulier, ou à agir selon certains principes suffit pour constituer un acte terroriste (art. 1.3(i)). Cela signifie que toute opposition légitime et conforme aux normes universelles des droits de l’Homme peut être qualifiée d’acte terroriste, pour peu que les autorités considèrent qu’il y a un risque de causer un dommage à des biens ou des personnes.

Au regard du caractère extrêmement large et liberticide de cette définition, la FIDH considère qu’il est urgent que la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples appelle l’UA à adopter un Protocole additionnel à la Convention africaine de lutte contre le terrorisme prévoyant un mécanisme de surveillance spécifique de la conformité des mesures anti-terroristes, adoptées par les Etats membres de l’UA, y compris au niveau régional, avec la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et les normes internationales relatives aux droits de l’Homme.

Adoptée le 22 avril 1998 au Caire par le Conseil des ministres de la justice de la Ligue des Etats arabes, la Convention arabe pour la suppression du terrorisme est entrée en vigueur le 7 mai 1999, après sa ratification par sept pays signataires, soit un an après son adoption ; un délai fort court si l’on considère, par exemple, que la Charte arabe des droits de l’Homme, adoptée le 15 septembre 1994, n’a été ratifiée à ce jour que par un seul pays, ... l’Irak.

Définition : tout acte ou menace de violence, quels que soient ses motifs et objectifs, qui prend place dans le cadre d’un agenda criminel individuel ou collectif and vise à semer la panique au sein de la population, en occasionnant des blessures ou en mettant en danger leur vie, leur sécurité ou leur liberté, OU en cherchant à causer un dommage à l’environnement ou à des installations publiques ou privées ou à des biens ou en les occupant ou les saisissant, ou en cherchant à porter atteinte aux ressources nationales (traduction libre, art 1.2) .

Les critiques formulées à l’encontre de la Convention africaine pour la lutte contre le terrorisme sont a fortiori valables s’agissant de la Convention arabe pour la suppression du terrorisme, dont les formulations sont encore plus extensives. Le mécanisme africain que la FIDH appelle de ses vœux pour contrôler le respect des droits de l’Homme par les mesures et législations anti-terroristes devra également se pencher sur la Convention arabe, puisque plusieurs Etats africains y sont parties.

Droits économiques et sociaux

Le respect des droits économiques et sociaux est un enjeu fondamental pour le continent africain. L’accès pour tous à l’eau, à l’éducation, à la santé et au logement doit être garanti par les pouvoirs publics sans discrimination. L’UA semble avoir pris conscience de ce défi pour le continent africain, notamment en mettant en place le NEPAD. La FIDH accueille positivement cette volonté des chefs d’Etat africains de prendre en main le développement de leur continent dans un cadre démocratique, et espère que cette initiative répondra effectivement aux besoins du développement en Afrique.

Toutefois, si le NEPAD est porteur de potentialités positives en raison de ses références aux textes internationaux de protection des droits de l’Homme, il est néanmoins préoccupant de constater qu’en l’état d’avancement du projet, les programmes envisagés ne font guère que reprendre les principes des politiques prônées par les institutions de Bretton-Woods, tant décriées par nombre de chefs d’Etat africains et dont l’impact désastreux sur les droits humains est maintenant largement reconnu. Par exemple, lorsque le NEPAD aborde le rôle des institutions publiques sous le seul angle de leur rôle de régulation des marchés, il ne fait que réitérer les principes des politiques d’ajustement structurel.

La FIDH est préoccupée par la logique du NEPAD tant en matière d’investissement et de financement de la croissance, qu’au sujet de politiques de lutte contre la pauvreté. Ainsi, les orientations en matière d’investissement ne hiérarchisent pas l’allocation des fonds négligeant par là le caractère prioritaire des services publics de base, tels que l’éducation, la santé et l’accès à l’eau. Les Etats risqueraient par là de contrevenir à leur obligation (au titre des conventions qu’ils ont ratifiées) d’utiliser le maximum de leurs ressources disponibles à la satisfaction des droits fondamentaux de leurs populations.

De plus, le document ignore les politiques redistributives pour lutter contre la pauvreté, qu’il s’agisse des politiques foncières ou fiscales. Or, l’absence de telles politiques redistributives publiques est précisément l’une des causes essentielles des très fortes inégalités de revenus entre les différentes composantes des sociétés africaines ainsi que des violations massives de droits économiques et sociaux fondamentaux.

La FIDH rappelle que toute politique liée au développement ou aux questions économiques et commerciales doit se faire dans le strict respect de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des textes subséquents. Outre le fait qu’il s’agit là d’une obligation juridique, il y va également de l’efficacité des politiques proposées.

Par ailleurs, cette appropriation régionale des politiques de développement ne doit pas exonérer les pays industrialisés de leur responsabilité dans la faillite du continent africain et de leurs obligations en matière d’aide publique au développement. Les investissements privés ne pourront jamais se substituer à une coopération internationale soutenue et cohérente.

La FIDH appelle la Commission africaine à demander que soient établis des mécanismes de contrôle de l’impact des politiques mises en œuvre dans le cadre du NEPAD sur les droits économiques et sociaux.

Lutte contre l’impunité aux niveaux régional et international

Dans un système de justice équitable, les victimes des violations des droits de l’Homme doivent pouvoir faire entendre leur souffrance, faire reconnaître l’existence des violations qu’elles ont subies, exiger le jugement de leurs auteurs et la réparation des préjudices subis.

Face aux entraves nationales à la bonne administration de la justice et à l’absence de volonté de certains Etats de lutter contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves, il faut encourager l’émergence d’une justice régionale et internationale susceptible d’établir les responsabilités et de sanctionner les auteurs des violations.

En ce sens la FIDH à salué les résolutions adoptées par la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples à Pretoria, en mai 2002, exhortant les Etats africains à ratifier le plus rapidement possible le Protocole portant création d’une Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples mais aussi le Statut de la Cour pénale internationale.

La Cour pénale internationale (CPI) représente une avancée importante dans l’histoire de l’humanité et de la justice universelle, et plus particulièrement dans la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves que sont les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le génocide. Mais si la quasi-totalité des Etats africains sont signataires du Statut de Rome (à l’exception de la Tunisie, Libye, Ethiopie, Somalie, Mauritanie, Rwanda) seuls 20 pays l’ont ratifié à ce jour.

La FIDH continue de se mobiliser en faveur de l’universalité de la CPI et maintient plus que jamais sa campagne pour la ratification du Statut de la Cour. Elle appelle tous les pays africains à ratifier le Statut de la CPI et à le transposer dans leur droit interne en adoptant une législation nationale appropriée.

Par ailleurs, le Statut est aujourd’hui menacé : en effet, les Etats-Unis, sont parvenus à construire un arsenal juridique et politique complexe visant à garantir que jamais leurs nationaux ne soient poursuivis ou jugés par la CPI.

Comment ne pas concevoir les démarches américaines comme des tentatives de donner " carte blanche " aux dirigeants militaires et civils américains impliqués dans la lutte contre le terrorisme et autres opérations militaires sur des théâtres extérieurs, en leur octroyant une garantie - en amont - que tout " débordement " ou " dommage collatéral " sera couvert par une immunité absolue, en empêchant toute poursuite pénale ailleurs que devant des juridictions américaines.

Après avoir voté l’American Service Member’s Protection Act, qui interdit toute coopération des Etats-Unis avec la Cour et prévoit des sanctions contre certains Etats Parties au Statut, après avoir fait pression au Conseil de sécurité des Nations unies pour obtenir un renouvellement quasi automatique du sursis à exécution de la compétence de la CPI pour tous les nationaux d’un Etat Non Partie participant à des opérations de maintien de la paix, les Etats-Unis tentent aujourd’hui de manœuvrer par le biais d’accords bilatéraux prétendument fondés sur l’article 98 du Statut de Rome pour empêcher toute remise à la Cour d’un ressortissant américain.

La FIDH considère que la signature d’un " accord d’impunité " par un Etat Partie à la Cour constitue une flagrante violation avec le droit international. Ces accords sont considérés par la majorité des experts gouvernementaux, universitaires et des ONG comme étant en totale contradiction avec les obligations contenues dans Statut de Rome.

Pour ces raisons, la FIDH appelle les Etats africains à :
 ne pas conclure d’accords bilatéraux avec les Etats-Unis dans le cadre de l’article 98 du Statut de Rome, visant à exclure les ressortissants américains de la compétence de la CPI, même si ces accords ne sont pas réciproques ;
 refuser la manipulation de la lutte contre le terrorisme comme prétexte à la conclusion de tels accords ;
 ratifier le Statut de Rome et adopter des lois nationales de mise en œuvre
 ratifier le Protocole à la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples

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