Intervention orale conjointe de la FIDH et de la FIACAT sur la peine de mort en Afrique

Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs les Commissaires,

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et la Fédération internationale de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (FIACAT), membres de la Coalition mondiale contre la peine de mort, souhaitent vous féliciter ainsi que tous les membres du groupe de travail sur la peine de mort et les exécutions extra-judiciaires, sommaires et arbitraires pour votre mobilisation constante en faveur de l’abolition de la peine capitale sur le continent. Nos organisations vous réitèrent leur soutien dans cette cause.

Madame la Présidente,

La FIDH et la FIACAT dénoncent avec la plus grande fermeté les condamnations à mort de masse prononcées ces deux derniers mois à l’encontre de centaines d’opposants politiques en Égypte.

Le 24 mars, à l’issue d’un procès inéquitable, le tribunal pénal de Minya, au Sud de l’Égypte, a condamné à mort 529 personnes, dont 387 par contumace, pour des actes de violences perpétrés contre le poste de police de Adwa en août 2013 qui ont conduit à la mort d’un officier de police. Le tribunal de Minya a rendu sa décision après seulement deux audiences au cours desquelles les droits de la défense ont été régulièrement violés : les avocats n’ont pas été autorisés à assister à la deuxième audience, de même que les accusés en détention et les autorités judiciaires n’ont fait aucun effort pour établir la responsabilité pénale individuelle des accusés.

Le 28 avril, alors même que s’ouvrait cette session de la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples, le tribunal de Minya a également a condamné à mort 638 présumés partisans des Frères Musulmans, dont le guide suprême du groupe, Mohamed Badie. Le tribunal a par ailleurs confirmé les peines de mort prononcées à l’encontre de 37 des 529 personnes condamnées le 24 mars. Les accusés dont les condamnations à mort n’ont pas été confirmées ont quant à eux écopé de 25 années d’emprisonnement.

Madame la Présidente,

Ces condamnations de masse sont le reflet de l’instrumentalisation du pouvoir judiciaire égyptien à des fins de répression des voix jugées discordantes. Elles s’inscrivent dans un contexte de dégradation alarmante de l’environnement politique et sécuritaire en Égypte marqué par l’usage excessif de la force pour réprimer les manifestants ; par les arrestations et détentions arbitraires ; par la perpétration d’actes de torture et de mauvais traitements dans les centres de détention et par la perpétration de violences sexuelles massives contre les femmes, y compris celles qui manifestent.

Cette situation inquiétante appelle à une réaction urgente et ferme de la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples. La Commission doit dénoncer publiquement ces condamnations à mort et prendre toutes les mesures qui s’imposent pour s’assurer qu’elles ne soient pas mises en œuvre, y compris en adoptant des mesures provisoires.

Plus généralement la Commission africaine doit hausser le ton avec les autorités égyptiennes en les appelant à respecter leurs obligations en vertu de la Charte africaine des droits de l’Homme et des Peuples. Le droit à la vie, le droit à un procès équitable, l’interdiction de la torture, les libertés d’expression, d’association, de manifestation, la lutte contre les violences sexuelles doivent êtres inscrites au rang des priorités des autorités.

La FIDH et la FIACAT appellent les autorités égyptiennes à abolir la peine de mort pour tous les crimes, à imposer immédiatement un moratoire sur les condamnations à mort et les exécutions et à ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP).

Madame la présidente,

La ratification, en 2005, par le Liberia – dont le rapport vient d’être examiné par la CADHP – du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques avait constitué une avancée importante et une illustration de la tendance continentale et mondiale vers l’abolition de la peine de mort. Toutefois, la réintroduction en 2008 de la peine de mort pour certains crimes, dont le vol à main armée, le terrorisme et le détournement est allée à l’encontre de cet engagement pourtant majeur du Liberia. Si aucune exécution n’a eu lieu dans ce pays depuis 2000, les condamnations à mort continuent d’y être prononcées. Alors que le Liberia est engagé dans un processus de réforme constitutionnelle, la FIDH et la FIACAT l’appellent à saisir cette opportunité pour procéder à l’abolition de la peine capitale pour tous les crimes.

Madame la présidente,

La FIDH et la FIACAT souhaitent féliciter l’État du Gabon qui a procédé à la ratification du deuxième Protocole facultatif au Pacte international sur les droits civils et politiques. Il s’agit là d’un pas important en faveur de l’abolition de la peine de mort sur le continent. Pour renforcer cette tendance en faveur de l’abolition, nos organisations invitent les États africains qui ont signé le Protocole, à savoir, l’Angola, Madagascar, Sao Tomé et Principe à le ratifier dans les meilleurs délais. Nous invitons également les États qui ont déjà aboli la peine de mort mais n’ont pas signé ni ratifié le Protocole, à savoir le Burundi, la Côte d’Ivoire, Maurice, le Sénégal et le Togo, à le faire pour démontrer l’engagement du continent en faveur de l’abolition.

Cet engagement devra être réitéré en décembre prochain, lors du 5ème vote sur la Résolution de l’Assemblée générale des nations unies appelant à l’adoption d’un moratoire sur la peine de mort. En décembre 2012, 23 États africains avaient voté en faveur de l’adoption de cette résolution, 22 d’entre eux, dont le Liberia, s’étaient abstenus et 8, dont l’Égypte, avaient choisi de voter contre. La FIDH et la FIACAT appellent les États africains à démontrer leur engagement à garantir les droits par la Charte africaine, le Pacte international sur les droits civils et politiques et son deuxième Protocole facultatif en votant en faveur de l’adoption de cette résolution. Sur cette question, le rôle de la Commission africaine dans la mobilisation des États sera déterminante.

Je vous remercie.

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