Intervention de la FIDH au nom des ONG à l’ouverture de la CAHP

Intervention du Professeur Mabassa FALL, represantant de la FIDH aupres de l’Union Africaine, au nom de la société civile a l’ouverture de la 40ème session ordinnaire de la Commission affricaine des droits de l’Homme et des peuples

Madame la présidente,
Madames et messsieurs les Commissaires,
Vos excellences,
Mesdames et messieurs les représentants,

Je vous remercie de l’occasion qui m’est donné içi de présenter les préoccupations de la société civile qui s’est réunie au sein du Forum de participation des ONG à l’occasion de la 40ème session ordinaire de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples.

Le Forum des ONG a, au cours des trois derniers jours, étudié la situation des droits de l’Homme dans de nombreux pays et sur de nombreux thèmes. Le Forum se félicite de la grande implication dont la Commission a fait preuve au cours de ce forum en participant activement à ses travaux par l’intermédiaire des commissaires présents.

Grace au travail du Centre africain pour la démocratie et les études des droits de l’Homme et de sa directrice exécutive, Hannah Foster, plus de 100 ONG ont pu discuter et échanger sur la promotion et la défense des droits de l’Homme sur le continent africain.

Les 17 groupes d’intéret du Forum se sont penchés sur autants de préocupations que la situation au Darfour, en République centrafricaine, en Ethiopie, à Djibouti, sur la lutte contre l’impunité, la question de la peine de mort, la pratique de la torture, l’accès au système judiciaire, les élections libres et démocratique, les défenseurs des droits de l’Homme, la situation des femmes en Afrique, les droits économiques, sociaux et culturels, les droits des populations indigènes, le droit international humanitaire, la questions des réfugiés, et l’avenir de la Cour et de la Commission africaine des droits de l’Homm et des peuples.

Responsabilité de protéger les populations civiles, luter contre l’impunité et les graves violations des droits de l’Homme

La société civile africaine et internationale présente est unanimement et gravement préoccupée par les graves violations des droits de l’Homme commises au Darfour où malgré la signature de l’Accord de paix en mai 2006, les combats et les déplacements de populations n’ont fait qu’augmenter au Soudan. La Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS) n’a pas été en mesure de protéger efficacement les civils, se révélant impuissante devant les attaques des forces gouvernementales et des Janjawids ; en outre, elle n’a pas enquêté sur les violations du cessez-le-feu, pourtant une priorité de son mandat.

Le Forum des ONG exhorte donc la CADHP à se joindre aux efforts menés par le Conseil de sécurité des Nations unies pour obtenir du Soudan l’autorisation du déploiement d’une force de maintien de la paix de l’ONU, sa pleine coopération avec la Cour pénale internationale et d’appeler au renforcement des moyens de la MUAS en adoptant une résolution sur le Darfour, sur la responsabilité de proteger les populations civiles et sur les réfugiés.

Les répercussions de la crise soudanaise au Tchad et en Centrafrique demeurent particulièrement préoccupantes en ce qu’elles renforcent l’impunité des auteurs des crimes les plus graves commis dans ces états lors des crises précédentes. Ainsi, dans le nord de la République centrafricaine les attaques des groupes armés et les représailles des forces gouvernementales s’accompagnent de nombreuses exactions contre les populations civiles et provoquent leurs départ forcé vers le Tchad et la Cameroun. Les témoignages de civils, victimes de viols, d’esclavage sexuel, de mauvais traitements, de pillages ou témoins de meurtres permettent de considérer cette situation comme relavant de la compétance de la Cour pénale internationale.

Dans ce contexte, le Forum des ONG demande à la CADHP d’appuyer la saisine de la CPI par l’Etat centrafricain en adoptant une résolution demandant au Procureur de la Cour pénale internationale d’ouvrir, dans les plus brefs délais, une enquête sur les crimes commis en RCA depuis le 1er juillet 2002, et demandant au Conseil de sécurité Nations unies de se saisir de la situation en RCA sous le chapitre VII de la Charte qui menace la paix et la sécurité dans la région.

La lutte contre l’impunité des auteurs des violations des droits de l’Homme consiste aussi à défendre les droits des vicitimes à la vérité, la justice et à réparation. La société civile demande à la Commission de se saisir du cas emblématique de l’ex-président tchadien Hisen Habré en exhortant le Sénégal à accéllérer le processus d’intégration dans son droit national des dispositions nécessaires à l’organisation rapide d’un proces juste et équitable.

Le Forum des ONG est extrêmement préoccupé par les graves atteientes aux libertés d’expression, de manifestation et de rassemblement pacifique qui ont suivi la contestation des élections législatives de mai 2005 en Ethiopie. La répression de ces manifestations par les forces de sécurité éthiopiennes se sont soldées par la mort d’au moins 193 personnes et par plusieurs dizaines d’arrestation et de détention arbitraires d’opposants politiques, de journalistes et de défenseurs des droits de l’Homme dont certains risques la peine capitale.


Les organisations de la société civile appelent la Commission à se saisir de cette situation en adoptant des résolutions sur l’Ethiopie et sur les normes relatives à l’organisation et la tenue d’élections libres, transparantes et régulière.

Le Forum des ONG, extrêmement préoccupé par la répression dont sont l’objet les défenseurs des droits de l’Homme dans un grand nombre de pays du continent, demande à la Commission de mettre les moyens suffisants à la disposition de la Rapporteure de la Commission africaine sur les défenseurs des droits de l’Homme en vue du bon accomplissement de son mandat et d’appeller solanellement les Etats africains à soutenir le renouvellement du mandat de la Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’Homme. Le Forum attire par ailleurs l’attention particulière de la Commission sur la situation des femmes défenseurs des droits de l’Homme et sur la nécessité pour les Etats de respecter les dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l‘Homme, ainsi que le plan d‘action de la Grand Baie et la Déclaration de Kigali.


Garantir le respect des droits économiques, sociaux et culturels

Les participants aux forum des ONG, constatent que le continent continue d’être pillé pour ses ressources naturelles, et qu’un grand nombre de violations des droits de l’Homme sont directement liées à l’exploitation des ressources minières, alors que les revenus - souvent très élevés - tirés de ces ressources, ainsi que de la manne pétrolière pourraient être consacrées à lutter efficacement contre la pauvreté qui demeure une des principales violations des droits de l’Homme dans le monde.

Par ailleurs, les personnes qui s’élèvent pour faire respecter les droits des peuples à disposer de leurs ressources sont la cible d’attaques et de représailles. Ainsi, à Djibouti, les défenseurs des droits économiques et sociaux au premier rang desquels les syndicalistes, sont dans la ligne de mire des autorités.
Consciente de ces enjeux, la Commission africaine a mis en place un Groupe de travail qui devrait aboutir à l’adoption de Lignes directrices sur les droits économiques, sociaux et culturels. La société civile se félicite de ce que la Commission accorde son attention à cette question et demande d’intensifier ses efforts en se dotant d’un mécanisme spécifique permettant de suivre et d’évaluer le respect de ces droits par les Etats. A cet égard une attention particulière doit être portée aux mesures adoptée par les Etats, afin de lutter contre la pandémie du SIDA et la prise en charge adéquate des malades.

L’UA soit soutenir et garantir l’indépendance de la CADHP

L’énonciation de toutes ces violations nous renforce dans notre conviction que le système de protection et de justiciabilité des droits en Afrique doit être défendu et renforcé. A cet égard, les enjeux liés à l’avenir de la Cour et de la Commission africaines des droits de l’Homme et des peuples, sont de notre point de vue primordiaux. Ainsi, il est essentiel que Comité d’expert chargé de travailler au Protocole unique de la future Cour africaine de justice et des droits de l’Homme, puisse prendre en compte les observations de la société civile pour garantir l’accès des ONG et des victimes devant cette juridiction.

La Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples est aujourd’hui à un tournant de son histoire. En l’espace de quelques années, elle s’est affirmée, a gagné en efficacité et en indépendance. Les commissaires se sont prononcés de façon déterminé sur de nombreuses situations qui nécéssiataient un engagement ferme de l’unique organe de protection des droits de l’Homme en Afrique.

Fortes de ces succès, elle doit maintenant faire face aux vélléités de certains états visant à étouffer toute critique concernant la situation des droits de l’Homme dans leurs pays et sur le continent africain. Des états concernés par les décisions de la Commission africaine ont réussi à faire adopter à la Conférence des chefs d’états de l’Union africaine que les recommandations de la Commission soit assujetis à leur approbation.

Les ONG et la société civile qui ont considérablement contribué à l’effectivité de la Commission via le Forum des ONG considèrent que cette décision de l’instance politique de l’Union africaine porte grandement atteinte à l’indépendance de la Commission et lui enlèvent par la même sa raison d’être, notamment sa capacité de réagir rapidement aux situations urgentes de graves violations des droits de l’Homme.

Alors que de nouveaux instruments - tel que le protocole additionnel pour la promotion et la défense des droits de femmes - et de nouvelles possibilitées s’offrent à l’Afrique afin d’améliorer le système africain de protection des droits de l’Homme, la centaine d’organisation de la société civile réuni dans le Forum des ONG a souhaité apporter son soutien au travail de la Commision en adoptant le 14 novembre 2006 une résolution demandant à l’Union Africaine de soutenir plus efficacement la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples et de garantir pleinement son indépendance conformément à l’esprit et à la lettre de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, 25 ans après son adoption.

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