Lettre ouverte à M. Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal

09/01/2004
Communiqué
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Monsieur le Président,

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) a pris connaissance avec indignation des menaces de mort adressées par courrier le 9 décembre 2003 à Mgr Théodore Adrien Sarr, archevêque de Dakar, ainsi qu’à l’ensemble des évêques du Sénégal.

Ces menaces, signées par un groupe dénommé le « Cercle de l’acier », sont semble-t-il une réaction à une déclaration faite par des évêques sénégalais lors de la conférence épiscopale qui s’est tenue à Tambacounda à la fin du mois de novembre 2003 dans laquelle ils exprimaient leurs préoccupations quant à la situation politique et sociale du pays.

Ces menaces sont prises particulièrement au sérieux par la FIDH car elles visent tout citoyen sénégalais qui exprime une opinion divergente ou critique à l’égard du pouvoir. Plusieurs acteurs de la société sénégalaise sont concernés : journalistes, avocats, opposants, hommes d’Eglise...La FIDH rappelle qu’elle avait déjà condamné, en août et octobre 2003, les menaces de mort proférées à l’encontre du journaliste Abdou Latif Coulibaly et de son avocat, Me Ousmane Seye, également Vice-Président de l’Organisation nationale des droits de l’Homme (ONDH), organisation membre de la FIDH, ainsi que l’agression de M. Talla Sylla, Président du parti sénégalais d’opposition l’Alliance Jëf Jël et ancien Vice-président de l’Assemblée nationale du Sénégal (cf. communiqués de presse de la FIDH datés du 1er août et du 7 octobre 2003). A ce jour, la lumière n’a toujours pas été faite sur toutes ces affaires qui ont provoqué une vive émotion dans le pays.

Aussi, la FIDH prend note avec satisfaction de votre déclaration du 8 janvier, dans laquelle vous rappelez l’attachement du Sénégal au droit à la liberté d’expression et condamnez avec la plus grande fermeté les menaces proférées à l’encontre de Mgr Théodore Adrien Sarr. Il s’agit à présent de joindre l’acte à la parole. La FIDH rappelle en effet que le droit à la liberté d’expression, élément fondamental constitutif d’un Etat de droit, est notamment garanti par l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples, ratifiés par le Sénégal.

En outre, la FIDH prend acte des instructions qui ont été données au Ministre de l’Intérieur et aux forces de sécurité afin de retrouver les auteurs de cette lettre et de les traduire en justice. Ne souhaitant pas que ces intentions restent lettre morte, la FIDH rappelle qu’il est de votre devoir de garantir la sécurité de vos concitoyens, conformément à l’article 9 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, ratifié par le Sénégal. La FIDH demande ainsi aux autorités sénégalaises de faire effectivement toute la lumière dans les plus brefs délais sur cette nouvelle violation du droit à la liberté d’expression et de saisir la justice aux fins de prendre des sanctions appropriées contre ses auteurs, conformément aux dispositions internationales relatives aux droits de l’Homme.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de ma haute considération.

Sidiki Kaba

Président de la FIDH

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