Un rwandais suspecté de génocide se voit accorder l’asile par la Commission de recours des réfugiés en France

La FIDH, la LDH, la Cimade et Survie sont stupéfaits par la reconnaissance de la qualité de réfugié, le 7 janvier 2003 par la Commission des Recours des Réfugiés pour une personne de nationalité rwandaise qui avait fait l’objet d’une décision d’exclusion par l’OFPRA. Cette décision était fondée sur l’article 1.f.a qui exclut de la protection garantie par la Convention de Genève " les personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité (…) "

En effet, dans sa décision d’une section présidée par M.VIDEAU, la commission des Recours des Réfugiés a estimé que " si dans un rapport édité en 1993, d’une commission internationale d’enquête sur les violations des droits de l’Homme , l’intéressé est cité comme l’un des principaux organisateurs de massacres d’octobre 1990 à Kibilira et qu’il figure en outre sur les listes de " génocidaires " établie en 1994 par le gouvernement rwandais, ces imputations, à défaut de témoignages circonstanciés et directs, sur les initiatives qu’il aurait prises ou sa participation effective dans les atrocités dont a été victime, tant en 1990 qu’en 1994, la communauté tutsie, sont insuffisantes pour convaincre de ses responsabilités dans les exactions et les crimes alors commis, qu’il en est de même de la mise en cause dont il a été l’objet, à raison des mêmes faits criminels, par l’avocat d’un inculpé au cours d’un procès d’assise tenu en mai 2001 en Belgique […] qu’enfin il n’a été à aucun moment, cité ou mise en cause devant le tribunal pénal international sur le Rwanda" et a reconnu la qualité de réfugié à l’intéressé.

Cette décision fait montre avec désinvolture, d’une méconnaissance de la situation rwandaise, qui flirte ave le négationnisme puisque la décision ne parle que d’exactions ou d’atrocités contre la communauté Tutsi et omet d’utiliser le terme de génocide et d’un mépris vis-à-vis du travail des organisations des droits de l’Homme.

Cette décision repose encore une fois la question de l’ambiguïté des Pouvoirs publics français vis-à-vis de la présence sur le sol français, de personnes suspectées d’avoir participé à l’organisation ou l’exécution de ce génocide. Depuis 1996, la Commission des Recours des Réfugiés a prononcé, nonobstant sa décision récente, une dizaine de décisions définitives d’exclusion du statut de réfugié à l’encontre de ressortissants rwandais. Malgré les soupçons exprimés par la CRR, aucune des personnes visées par l’exclusion n’a fait l’objet d’un début d’information judiciaire en France, sauf quand des associations dont la FIDH ou les victimes elles-mêmes ont déposé des plaintes à leur encontre. Celle-ci est pourtant rendue possible par la loi du 22 mai 1996, qui par adaptation en droit interne du Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda donne compétence aux procureurs et aux tribunaux français pour connaître des crimes commis sur le territoire rwandais lors du génocide de 1994.
Cette situation est également préjudiciable aux personnes mises en cause. Exclues de la convention de Genève parce que des sérieux soupçons d’avoir participé à un génocide pesaient contre elles, elles sont laissées dans une situation juridique intolérable : non expulsables en raison des craintes de traitements inhumains et dégradants qu’elles pourraient subir en cas de retour au Rwanda, ni régularisables mais également non justiciables puisqu’aucune instruction n’est entamée pour chercher à établir pénalement les faits dans le respect des droits de la défense et de la présomption d’innocence.

A l’heure où les pouvoirs publics affirment qu’aucun délit ou crime ne demeurera impuni, l’inertie et l’indifférence des autorités politiques et judiciaires vis-à-vis de ces personnes s’apparentent à un déni de justice ou pis à l’organisation de l’impunité.
Cette situation n’est plus supportable. Nous demandons que les autorités politiques et judiciaires, à l’instar des autorités belges et suisses, prennent les mesures adéquates afin que les personnes suspectées d’avoir participé au génocide de 1994 soient jugées, avec les garanties de la procédure française.

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