table ronde de Paris : pour la primauté des droits de l’Homme dans les négociations

14/01/2003
Communiqué

A la veille de l’ouverture en France d’une table ronde où devraient être présents tous les belligérants de la crise Ivoirienne sous l’arbitrage de la diplomatie française et des représentants de la CEDEAO, de l’Union africaine, des Nations unies et de l’Organisation Internationale de la Francophonie, la FIDH encourage cette nouvelle tentative de négociation et rappelle l’impérieuse nécessité de trouver un règlement pacifique au conflit.

Trouver une solution à la crise ivoirienne, c’est d’abord mettre un terme immédiat aux affrontements armés et assurer la sécurité des populations civiles, premières victimes du conflit. Ceci suppose l’établissement d’un cessez-le-feu effectif entre les belligérants, le désarmement des rebelles, la dissolution des milices et autres groupes " d’autodéfense ", et le départ sans délai des mercenaires appelés en renfort en particulier par le régime en place. Cela implique également le démantèlement immédiat et effectif des escadrons de la mort.
La FIDH estime par ailleurs qu’une solution politique durable à la crise ne pourra être trouvée sans faire prévaloir dans les négociations les normes des droits de l’Homme. La crise actuelle procède en effet de violations systématiques et flagrantes des normes universelles depuis octobre 2000, violations caractérisées notamment par le massacre de Yopougon et l’exploitation de " l’ivoirité " comme instrument politique et de gouvernement.
Prendre en compte la primauté des droits de l’Homme, c’est en premier lieu dénoncer le plus fermement possible toute tentative de prise de pouvoir par la force contre un régime démocratiquement élu. Le respect du choix des électeurs, dans les conditions garanties par les instruments internationaux de protection des droits de l’Homme, s’impose à tous citoyens. Néanmoins, toute contestation non violente de la part de l’opposition politique doit pouvoir être entendue par les autorités en place. La constitution d’un gouvernement d’union nationale puis la tenue d’élections législatives anticipées dans des conditions démocratiques et transparentes pourraient ainsi répondre aux attentes d’une partie de la population privée de ses droits politiques.
Consacrer la primauté des droits de l’Homme dans les négociations politiques, c’est aussi, pour le pouvoir en place, affirmer l’importance d’une République ivoirienne une et indivisible garantissant l’égalité de tous les citoyens devant la loi. Le concept de " l’ivoirité " et ses instruments légaux, notamment la loi sur la nationalité et la loi foncière excluant les étrangers du droit à la propriété, violent manifestement les droits civils, politiques, économiques sociaux et culturels, protégés par les Pacte internationaux de 1966 ratifiés par la Côte d’Ivoire. La FIDH a dénoncé ce système xénophobe et considère indispensable une réforme urgente de ces instruments législatifs. L’examen des projets de réformes pourrait ainsi être le mandat prioritaire du législatif nouvellement élu.
Placer les droits de l’Homme au centre du règlement politique du conflit c’est enfin répondre aux attentes et aux droits des victimes à la vérité et à la justice au regard des crimes internationaux perpétrés par toutes les parties au conflit. La FIDH appelle celles-ci à accepter la mise en place d’une Commission internationale d’enquête indépendante, composée des organes spécialisés des Nations unies - mécanismes indépendants de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU sur les exécutions sommaires, les arrestations et détentions arbitraires, la torture, etc. -. Celle-ci devrait avoir mandat de faire la lumière sur l’ensemble des violations du droit international des droits de l’Homme et du droit international humanitaire perpétrées depuis l’année 2000, et d’établir les responsabilités.
Cette Commission devrait en outre avoir mandat de préconiser la solution lui paraissant la plus appropriée pour que soient jugés les responsables identifiés, y compris la saisine, par le Conseil de sécurité, de la Cour pénale internationale, ou encore la création par celui-ci d’un Tribunal pénal international ad hoc ou d’un Tribunal pénal à caractère international, précédé le cas échéant de l’instauration d’une " Commission vérité " sous garantie internationale.
La Commission internationale d’enquête devrait entamer ses activités sans délai et rendre son rapport avant la tenue des élections législatives, et en tout état de cause dans les prochains mois.
La FIDH insiste sur l’impératif de mettre fin, en Côte d’Ivoire, au fléau de l’impunité des auteurs de violations des droits de l’Homme. Celle-ci hypothèque l’instauration d’un véritable Etat de droit, attise les haines et, faute d’y remédier effectivement à l’occasion des négociations en cours, hypothèquera également toute perspective d’une paix durable en Côte d’Ivoire.

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