Répression sanglante des manifestations au Soudan. La FIDH et l’ACJPS appellent l’Union africaine à dépêcher une commission d’enquête

02/10/2013
Communiqué
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Depuis le 23 septembre, date de début des manifestations au Soudan, au moins 170 personnes ont été tuées par les forces de l’ordre, des centaines ont été blessées et quelques 800 autres ont été arrêtées. Plusieurs journaux et organes de presse ont été suspendus ou censurés et des membres notoires de partis politiques de l’opposition, des activistes et journalistes ont également été mis en détention. La FIDH et son organisation membre soudanaise, l’ACJPS, condamnent fermement les exécutions et restrictions graves des libertés et des droits fondamentaux par les autorités soudanaises. Nos organisations appellent l’Union africaine à dépêcher d’urgence une commission d’enquête au Soudan pour faire la lumière sur les allégations de violations graves des droits de l’Homme - en particulier sur les exécutions illégales - pour s’assurer que les responsables soient traduits en justice et prévenir d’autres violations.

«  La communauté internationale a trop souvent fourni des réponses inadaptées aux graves violations des droits de l’Homme perpétrées au Soudan. L’Union africaine doit assumer un rôle de leadership et réagir à la gravité de la crise en cours avec le sérieux qui s’impose. Cela passe notamment par l’envoi d’une commission d’enquête dans les plus brefs délais  », a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH.

Des manifestations ont éclaté au Soudan à la suite de l’annonce du Président Omar Al-Bashir, le 22 septembre, du projet de levée des subventions sur le carburant, décision qui s’est traduite par une hausse brutale du prix de l’essence et du gaz. En guise de contestation, des milliers de manifestants sont descendus dans les rues de plusieurs villes, notamment à Wad Madani, Khartoum, Omdurman, Port-Soudan, Atbara, Gedaref, Nyala, Kosti et Sannar. L’ACJPS a confirmé que 170 personnes ont été tués depuis le début des manifestations. Plusieurs informations concordantes, recueillies par nos organisations dans les morgues, les hôpitaux ou auprès de témoins ou familles des victimes, laissent entendre que les Forces de réserve centrales (Central Reserve Forces) et les Services de Renseignements et de Sécurité (National Intelligence and Security Services, NISS) ont eu recours à la force de manière excessive et disproportionnée, en faisant notamment usage de tirs à balles réelles et de gaz lacrymogène pour disperser les manifestants. La plupart des victimes sont décédées à la suite de blessures par balle à la tête et au buste.

«  L’Union africaine doit condamner d’urgence ces exécutions et les graves violations des droits de l’Homme commises au Soudan et envoyer une commission d’enquête pour établir les faits et les circonstances qui ont mené à cette tragédie. La lumière doit être faite sur chaque exécution. Les coupables devront rendre des comptes et la justice devra être rendue aux familles des victimes,   » a déclaré Osman Hummaida, directeur exécutif de l’ ACJPS.

800 personnes au moins ont été arrêtées par la police et les services de sécurité (NISS) à la suite des manifestations. Parmi les personnes détenues, on compte des manifestants ainsi que des activistes notoires, des membres de partis politiques de l’opposition et des journalistes. Le ministre de la Justice soudanais, Mohammed Bushara Dousa, aurait déclaré qu’aucun détenu arrêté à la suite des manifestations ne sera libéré sous caution.

Les autorités ont suspendu et censuré plusieurs journaux et autres organes de presse et leur ont ordonné de ne rapporter aucune information sur les manifestations sans leur aval. Les bureaux des stations de télévision de Al-Arabiya et de Sky New Arabic Service ont été fermés et la publication de la presse quotidienne et notamment des journaux Al-Sudani, Al-Meghar, Al Gareeda, Almash’had Alaaan, Al-Siyasi et du journal proche du gouvernement Al-Intibaha a été interdite. Les autres organes de presse, dont Al Ayaam et le Citizen ont suspendu toute publication concernant les manifestations.

La FIDH et l’ACJPS appellent le Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine (CPS) et la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples (CADHP), tous deux mandatés pour protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales sur le continent, à condamner l’usage excessif de la force et les restrictions des droits fondamentaux par les autorités soudanaises. Le CPS et la CADHP doivent envoyer d’urgence une commission pour enquêter sur les allégations de l’usage excessif de la force dans l’intention de tuer par les autorités soudanaises et les circonstances qui ont conduit au décès de manifestants. Une telle commission pourrait être menée en étroite collaboration avec l’Expert indépendant des Nations Unies sur la situation des droits de l’Homme au Soudan et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.

Ces événements récents sont le reflet d’une crise profonde que connaît le Soudan en matière de respect des droits de l’Homme, et requièrent une réponse urgente et coordonnée. Ils surviennent dans un contexte de restrictions croissantes des libertés et des droits fondamentaux sur l’ensemble du territoire, et de poursuite des violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire à l’encontre de milliers de civils dans les provinces du Darfour, du Sud Kordofan et du Nil Bleu.

La FIDH et l’ACJPS appellent l’UA et les Nations unies à adopter une approche globale face à la situation au Soudan et à coordonner leurs efforts pour que le pays trouve le chemin de la paix, de la justice, de la responsabilité et de l’État de droit.

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