Tunisie : La société civile se mobilise pour l’adoption d’un Code des Libertés Individuelles

30/01/2020
Déclaration
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Fortes des conclusions du rapport publié ce jour, qui montre que la majorité des partis politiques tunisiens sont prêts à rouvrir les débats sur l’adoption d’un Code des Libertés individuelles, les organisations de la société civile se mobilisent à nouveau pour relancer son adoption, un peu plus d’un an après qu’une proposition de loi ait été déposée à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP). Si certains sujets ont suscité de vives oppositions, il est nécessaire de reprendre les débats de manière progressive et constructive. Dans cette optique, les associations se réuniront les 30 et 31 janvier à Tunis pour préciser leur feuille de route et remobiliser journalistes, décideurs, et grand public, jusqu’à l’adoption du Code.

Sous l’impulsion des efforts de la société civile du temps de l’ancien Président Béji Caïd Essebsi, la situation des libertés individuelles en Tunisie a fait l’objet d’intenses travaux et débats, afin de rendre la législation tunisienne conforme aux principes de la constitution de 2014 et aux engagements internationaux de la Tunisie en matière de droits humains. Ainsi, la Commission des libertés individuelles et de l’égalité (COLIBE) remettait son rapport (1) au Président le 8 juin 2018. Puis, le 11 octobre 2018, 16 députés issus de plusieurs groupes parlementaires déposaient une proposition de Code des libertés individuelles.

De vifs débats sont apparus sur plusieurs sujets emblématiques, comme sur les questions de l’égalité hommes / femmes devant l’héritage ou l’abolition de la peine de mort.

Le décès le 25 juillet 2019 de l’ancien Président Béji Caïd Essebsi a entraîné de nouvelles élections, l’arrivée du nouveau Président Kais Saied et d’une nouvelle majorité plus conservatrice, mais toujours pas de nouveau gouvernement. Si ces événements ont pu retarder la mise en place du nouveau Code, ils ne sauraient interrompre les dynamiques engagées.

Il y a plusieurs mois, le rapport « Bas les masques » (2), publié par le Collectif civil pour les libertés individuelles (CCLI), qui réunit 40 associations tunisiennes de défense des droits humains, établissait un état des lieux toujours problématique des libertés individuelles en Tunisie (3). Complémentaire, l’étude publiée ce jour apporte des résultats encourageants. Fruit d’une enquête auprès des membres actifs dans les plus importants partis représentés à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), elle démontre notamment que :
- des questions comme la protection de la vie privée ou la dépénalisation de l’homosexualité font presque l’unanimité des acteurs politiques et peuvent donc faire l’objet d’un travail.
- si la garantie de la liberté de conscience ne semble pas faire en soit l’unanimité, la majorité des acteurs est en faveur de son amélioration.
- l’abolition de la peine de mort ne constitue plus un tabou pour la majorité écrasante des partis politiques, ce qui ouvre des brèches pour approfondir un dialogue constructif autour de cette question.
- la majorité des acteurs politiques n’a pas une connaissance précise du contenu de la proposition de Code, ou sur la position des autres acteurs politiques, trop souvent jugée hostile par nature, ce qui n’est pas le cas et a pu renforcer les préjugés à l’égard de la proposition.
- si certains sujets sont clivants, il est nécessaire d’engager le débat de manière progressive en priorisant et en commençant par les sujets les moins conflictuels.

Forts de ces constats, le séminaire des 30 et 31 janvier prochain, qui réunira de nombreux acteurs de la société civile tunisienne, mais également des invités d’autres pays, dont Alice MOGWE, Présidente nouvellement élue de la FIDH, visera à déterminer collectivement les stratégies à venir pour :
- Engager un travail de sensibilisation des décideurs, de la société civile et des médias autour du contenu de la proposition de Code des Libertés individuelles, afin de déconstruire fantasmes et préjugés et s’en tenir aux faits.
- Le décliner dans des campagnes de sensibilisation dans les régions, avec les acteurs politiques et sociaux locaux.
- Proposer des sessions de formation sur le contenu de la proposition de Code pour les cadres des partis politiques et les députés.
- Attendre la formation d’un nouveau gouvernement pour engager un travail constructif d’appui à la mise à l’agenda de l’ARP de la proposition de code.

Téléchargez les rapports :

[EN - FR - AR] Code des libertés individuelles - Résumé Etude juridique
Code des libertés individuelles - Etude juridique
Code des libertés individuelles - Etude Sociologique
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