L’Assemblée générale de l’ONU va examiner l’utilisation du droit de véto par le Conseil de sécurité

27/04/2022
Communiqué
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Nicolas Ferellec / Creative Commons

27 avril 2022 . À l’initiative du Liechtenstein, soutenue par un groupe de 85 États, l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) a décidé à l’unanimité d’améliorer sa réponse aux situations portées à l’attention du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU), lorsque ce dernier ne parvient pas à donner suite à une résolution en raison de la pratique du droit de véto par l’un de ses cinq membres permanents (P5). La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) rappelle que le droit de véto a été exercé pour protéger les gouvernements de Syrie, d’Israël ou de Russie, contre des résolutions destinées à traiter des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis contre les populations civiles de Syrie, de Palestine ou d’Ukraine.

La résolution 76/262 de l’Assemblée générale, intitulée « Mandat permanent pour un débat de l’Assemblée générale lorsqu’un véto est exercé au Conseil de sécurité  », donne le mandat à l’Assemblée générale des Nations unies (AGNU) d’examiner minutieusement l’utilisation du véto par les membres permanents du CSNU, en convoquant automatiquement dans les 10 jours suivants, un débat pour entendre les points de vue qui ont justifié son recours.

« Le vote de l’Assemblée générale des Nations unies est une initiative encourageante. Il est crucial que la communauté internationale trouve des moyens de contourner les blocages du CSNU. »

Alice Mogwe, présidente de la FIDH

« Désormais, le P5 ne pourra plus utiliser son droit de véto sans que la question soit ensuite discutée par l’Assemblée générale. Cela pourrait avoir un poids politique important et contribuer à réaffirmer le rôle des États membres de l’ONU dans leur ensemble, par rapport aux actions unilatérales des cinq États les plus puissants. Cela se fera pendant cette période intérimaire, dans l’attente de réformes du Conseil de sécurité portant sur les catégories de membres, la représentation régionale, la taille du Conseil de sécurité, la relation entre le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale et le droit de véto », a poursuivi Alice Mogwe, présidente de la FIDH.

Dans certains exemples les plus tragiques de notre époque moderne, le droit de veto a été exercé à de trop nombreuses reprises par certains des membres permanents du Conseil de sécurité, pour protéger les gouvernements de Syrie, d’Israël ou de Russie, contre des résolutions destinées à traiter des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis contre les populations civiles de Syrie, de Palestine ou d’Ukraine.

Lorsque les membres du P5 ont utilisé leur droit de véto pour protéger des intérêts nationaux contre des crises des droits humains, notamment face à des génocides, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre, cela a constitué une violation du droit international en vigueur. En effet, tous les États sont tenus de respecter les normes de jus cogens. En outre, l’article 24(2) de la Charte des Nations unies prévoit que le CSNU doit agir « conformément aux buts et principes » de l’ONU. L’exercice de leur droit de veto a empêché plusieurs membres du P5 de mettre en œuvre leurs obligations d’agir pour la protection de la paix et de la sécurité mondiales.

Contexte

Depuis la création du CSNU en 1946 jusqu’à aujourd’hui, le droit de veto a été utilisé 263 fois : 120 par la Russie, 82 par les États-Unis, 29 par le Royaume-Uni, 16 par la France et la Chine. Ce pouvoir a historiquement empêché le Conseil de sécurité d’intervenir dans les situations dans les territoires palestiniens occupés et dans les conflits israélo-arabes (34 résolutions bloquées par les États-Unis), dans l’Afrique du Sud de l’apartheid, et plus récemment dans les guerres en Syrie (véto de la Russie et de la Chine) et au Yémen ; ou à la suite des invasions russes en Ukraine en Crimée et dans la région du Donbass en 2014, 2015 et début 2022 (véto de la Russie).

Le P5 a toujours exercé son droit de véto - principalement pour protéger ses intérêts nationaux - négligeant ainsi sa responsabilité première de maintenir la paix et la sécurité internationales par la protection des droits humains.

L’Assemblée générale des Nations unies a le pouvoir de prendre des mesures pour maintenir la paix et la sécurité internationales, notamment dans les cas où le Conseil de sécurité, faute d’unanimité entre ses cinq membres permanents, ne parvient pas à agir. Pour ce faire, l’Assemblée générale des Nations unies applique la résolution A/RES/377 « Unis pour la paix  », qui a été invoquée 13 fois entre 1951 et 2022. L’invocation la plus récente a eu lieu à la suite du véto opposé par la Russie à une résolution sur l’invasion de l’Ukraine. Cela a conduit à un débat et à la résolution de l’AGNU le 28 février 2022.

En prenant des mesures sur ces questions, l’Assemblée générale peut émettre des recommandations appropriées aux membres de l’ONU pour des mesures collectives, y compris l’utilisation de la force armée si nécessaire.

Deux autres initiatives déployées depuis 2015 ont encouragé les membres du Conseil de sécurité à « s’abstenir » d’utiliser le veto dans des situations de crimes graves et d’atrocités de masse. En 2015, la France et le Mexique ont encouragé le P5 à s’abstenir d’utiliser leur droit de veto dans les cas d’atrocités de masse. Le groupe ACT (Accountability, Coherence, Transparency), composé de 27 membres, a appelé à l’adoption d’un code de conduite par tous les États membres de l’ONU. Celui-ci les engagerait à ne pas voter contre un projet de résolution présenté au Conseil de sécurité visant à prévenir ou à répondre aux atrocités de masse, aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité. Si la France et le Royaume-Uni ont depuis cessé d’utiliser leur droit de véto, il est décevant de constater qu’aucune de ces initiatives n’a empêché les trois autres membres permanents d’y recourir dans les situations où le code de conduite s’appliquait.

Si cet examen permet de renforcer le contrôle politique du CSNU, les décisions de l’AGNU ne sont pas juridiquement contraignantes. Il s’agit d’un pas vers une plus grande responsabilisation du P5, mais le déséquilibre structurel du pouvoir en faveur des membres permanents du CSNU reste essentiellement inchangé.

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