Visites diplomatiques des généraux soudanais Hemedti et Burhan : la communauté internationale doit donner priorité à la volonté des civil·es

31/01/2024
Déclaration
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AFP

Le monde entier observe les généraux Hemedti et Burhan, leaders des deux forces armées en guerre au Soudan, entamer des initiatives diplomatiques sur le continent africain. Il est primordial que les pays qui les accueillent mettent la priorité ferme sur les besoins fondamentaux du peuple soudanais, notamment l’appel sincère à l’arrêt des hostilités, l’accès sans encombre à l’aide humanitaire et la restauration de la démocratie et des règles civiques.

Paris, Nairobi 31 janvier 2024. Depuis quelques mois, le monde est témoin de l’activité accrue du chef de l’armée soudanaise (SAF), Abdel Fattah al-Burhan et du leader des Rapid Support Forces (RSF), Mohamed Hamdan Daglo (dit Hemetdi). Entre septembre 2023 et janvier 2024, le général Burhan s’est rendu aux États-Unis lors de l’Assemblée générale des Nations unies et dans certains pays d’Afrique de l’Est et du Moyen-Orient, afin de consolider sa position de leader de facto du pays. De même, ces dernières semaines, le général Hemedti s’est déplacé en Ouganda, à Djibouti, en Éthiopie, en Afrique du Sud et au Rwanda, où personnalités politiques et chefs d’État l’ont reçu dans leur capitale. Le 2 janvier 2024, le général Hemedti et Abdalla Hamdok (ancien Premier ministre soudanais, destitué lors du coup d’État militaire du 25 octobre, représentant actuellement la Coordination des forces démocratiques civiles, Taqaddum) ont signé la Déclaration d’Addis Abeba, base supposée de négociations ultérieures en vue d’une stabilisation politique.

Parallèlement, SAF et RSF continuent d’ignorer ostensiblement la vie de la population civile en nourrissant la lutte armée au Soudan. RSF contrôle désormais des zones importantes au Soudan, dont les rues de Khartoum et la quasi-totalité de la région du Darfour tout en gagnant du terrain dans l’État de Gezira. L’organisation armée est accusée d’avoir perpétré des crimes de guerre, un nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité, dont des meurtres et des pillages massifs de propriétés privées, d’avoir déporté, persécuté, violé et commis d’autres formes de violences sexuelles. Ces actions inquiètent quant à la navette diplomatique du général Hemedti qui cherche à gagner en légitimité internationale pour se positionner comme leader politique et redéfinir RSF comme une force de sécurité légitime.

De même, le général Burhan et les forces armées soudanaises, qui tiennent leurs positions à l’est du pays, continuent de bombarder la population civile sans distinction. Leurs récents raids aériens brutaux sur la région densément peuplée de Nyala, au Sud-Darfour, ont causé la mort de nombreuses personnes, dont des femmes et des enfants, selon le Sudanese Human Rights Monitor (SHRM).

La population civile soudanaise continue de payer le prix fort du conflit en cours. Il est urgent de mettre fin à cette crise. Le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires estime que depuis avril 2023, près de 12 000 personnes ont péri dans les combats et 8 millions ont été déplacées. Les attaques incessantes visant les infrastructures civiles et les établissements médicaux rendent quasiment impossible toute aide d’urgence et toute assistance médicale à la population concernée. Mossaad Mohamed Ali, directeur exécutif du Centre africain d’études sur la paix et la justice (ACJPS) explique cependant que, «  la véritable ampleur de cette tragédie est vraisemblablement plus tragique du fait de l’intensité des combats et des difficultés pour documenter et confirmer les pertes humaines. »

La réalité poignante traversée par la population soudanaise impose aux leaders qui entament des discussions avec les deux protagonistes de respecter les souffrances des victimes soudanaises, en plaçant la priorité absolue sur ses intérêts et ses demandes. Cela inclut l’appel sincère à l’arrêt des hostilités, l’accès sans encombre à l’aide humanitaire et la restauration de la démocratie et des règles civiques. Ahmed Elzobier, directeur exécutif du SHRM explique que «  bien trop souvent, les négociations diplomatiques se déroulent sur des scènes éloignées, détachées des inquiétudes réelles et des aspirations des communautés concernées. La paix durable au Soudan exige un effort délibéré d’intégrer les voix des personnes directement concernées afin que les conditions négociées reflètent les désirs authentiques de la population, plutôt que les seuls intérêts stratégiques d’une poignée de personnes, Hemedti, Burhan ou d’autres.  »

La FIDH et ses organisations membres soudanaises, SHRM et ACJPS, appellent les puissances régionales à déployer un effort diplomatique coordonné de haut niveau pour :

 rester fermes face aux généraux Hemedti et Burhan en mettant la priorité sur la résolution du conflit et le retour du pouvoir entre les mains du peuple soudanais, comme ils s’y sont engagés lors de la 42e Assemblée extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de l’IGAD ;
 convaincre les généraux Burhan et Hemedti de tenir leurs engagements pris le 9 décembre 2023 lors du Sommet de l’IGAD à savoir : engager un dialogue direct sans condition préalable ;
 poursuivre l’appel à un cesser-le-feu immédiat et total des parties ;
 plaider pour l’acheminement de l’aide humanitaire et la gestion des besoins immédiats de la population concernée (nourriture, assistance médicale et abri) ;
 promouvoir des processus politiques inclusifs et transparents impliquant toutes les parties prenantes, dont les comités de résistance, les groupes opposants, les groupes de femmes et de jeunes, en reconnaissant que la paix désigne, par essence, une démarche qui vient de la base et résonne auprès des personnes les plus touchées par le conflit ;
 encourager les généraux Burhan et Hemedti à coopérer pleinement avec les mécanismes internationaux de justice, à savoir : (1) la Cour pénale internationale, conformément à la résolution des Nations unies 1593 (2005), y compris pour l’arrestation et la remise des quatre suspects encore en fuite ; (2) la Mission internationale indépendante d’établissement des faits au Soudan, en veillant à lui ouvrir ses frontières et à lui donner accès à toutes les ressources nécessaires à l’accomplissement de son mandat.

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