élections présidentielles : présidence à vie pour EYADEMA ?

06/05/2003
Communiqué

La FIDH et son organisation membre, la Ligue Togolaise des droits de l’Homme (LTDH), sont vivement préoccupées par les conditions dans lesquelles vont se tenir les élections présidentielles le 1er juin prochain au Togo. Le Général Eyadema, à la tête de l’Etat depuis 1967 à la suite d’un coup d’Etat fomenté en 1963, brigue un nouveau mandat. Depuis plusieurs mois, le pouvoir multiplie les manipulations législatives et constitutionnelles, muselle l’opposition, menace et opprime les représentants de la société civile dans le seul but de rester en place.

L’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par le Togo en 1984 précise que « tout citoyen a le droit et la possibilité, sans discriminations et sans restrictions déraisonnables de voter, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs ».

Se fondant sur cette exigence, les accords de Lomé, signés en 1999 par les différentes parties politiques en présence, sous l’égide de l’Union européenne, la France, l’Allemagne et la Francophonie, prévoyaient la création de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), destinée à garantir le respect des règles démocratiques et de la transparence pour la tenue d’élections futures.

Pourtant, dès février 2001, le code électoral a été modifié pour interdire aux candidats en exil et/ou de double nationalité de se présenter. En décembre 2002, c’est la Constitution qui a été révisée pour permettre au Président Eyadema de se représenter.

En février 2003, le statut indépendant de la CENI a été remis en cause par le gouvernement après l’adoption du nouveau code électoral (loi No 2003-01/PR), qui a transféré la responsabilité de la préparation et de l’organisation des élections de la CENI au ministère de l’Intérieur. De plus, cette loi prévoit que le président de la CENI est nommée par le pouvoir exécutif, et que les membres de la CENI seront nommés par l’Assemblée Nationale.

Comme première conséquence de la politisation de la CENI, la Commission a publié le 1er mai 2003 la liste des candidats éligibles aux présidentielles, écartant Monsieur Gilchrist Olympio, dirigeant l’Union des Forces du Changement (UFC) et président de la Coalition des forces démocratiques (CFD), principale force d’opposition. La raison invoquée fut que son dossier est incomplet pour non production de l’acte de domiciliation et du quitus fiscal prescrit par l’article 170 du code électoral.

Le 06 mai 2003 la Cour constitutionnelle a rendu une décision de rejet de la requête de Monsieur Gilchrist Olympio au motif que les dispositions de l’article 62 révisé relatives à l’obligation de résidence sont d’application immédiate, le législateur n’en ayant prévu aucune période transitoire.

La FIDH et la LTDH sont d’autant plus préoccupées que cette décision a été adoptée dans un contexte de violation manifeste des libertés fondamentales ayant pour finalité d’entraver l’expression libre de la volonté des électeurs. Le Comité des droits de l’Homme des Nations unies condamnait déjà dans ses observations finales sur le Togo le 28 novembre 2002 les arrestations et détentions arbitraires des membres des partis d’opposition et des défenseurs des droits de l’Homme, une pratique courante de la torture, le harcèlement des journalistes, la censure de publications et radios indépendantes, et l’interdiction de nombreuses manifestations.

La FIDH et la LTDH condamnent ces violations manifestes aux libertés fondamentales et craignent fortement que cette situation alarmante ne débouche sur des violations massives des droits de l’Homme, comme ce fut le cas lors des échéances électorales précédentes. Persuadées que la tenue d’élections démocratiques est une condition fondamentale à la garantie d’un avenir pacifique au Togo, la FIDH et la LTDH :

 Condamnent l’attitude répressive et liberticide du gouvernement togolais tendant à museler les forces d’opposition en vue des élections présidentielles ;

 S’inquiètent des risques de manipulation par la CENI compte tenu du caractère partisan de sa composition ;

 Demandent aux autorités togolaises de se conformer aux dispositions internationales relatives à la protection des droits de l’Homme, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples concernant les processus électoraux, les libertés d’expression, de réunion et de manifestation, ainsi qu’aux recommandations émises par le Comité des droits de l’Homme le 28 novembre 2002 ;

 Demandent aux autorités togolaises de se conformer aux dispositions de la Déclaration de l’ONU sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale le 9 décembre 1998 ;

 Demandent aux autorités togolaises d’assurer la sécurité de tous les membres de la société civile ainsi que celle des membres des partis d’opposition lors des élections ;

 Demandent à la communauté internationale de faire pression politiquement et diplomatiquement sur le gouvernement togolais pour qu’il respecte ses obligations souscrites en droit international ;

 Appellent la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples, dont la 33ème session se tient du 15 au 20 mai 2003 à Niamey, Niger, à adopter une résolution sur la situation des droits de l’Homme au Togo dans le contexte des futures élections présidentielles.

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