La FIDH dénonce les silences complices de la Communauté internationale et appelle à diligenter une enquête internationale sur les crimes de guerre en Irak

28/04/2004
Rapport
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En réaction au meurtre odieux de quatre civils américains, le 31 mars 2004, dans la ville de Fallouja, les forces américaines ont organisé une campagne militaire d’envergure pour "écraser" les "mouvements rebelles" se trouvant dans la ville, le général américain Mark Kimmit, directeur adjoint des opérations de l’armée américaine en Irak promettant de son côté une réaction "gigantesque" ("overwhelming"). Le 6 avril, l’opération "Vigilant resolve" était déployée, mobilisant 2000 marines américains, deux bataillons des forces de sécurité irakiennes, des chars, véhicules blindés, snipers, hélicoptères de combat et avions F16.

Selon les informations disponibles, pendant trois semaines de siège, les forces armées ont bloqué les issues de la ville, empêchant les hommes âgés entre 18 à 49 ans de quitter les lieux. Des tirs de mortier ont visé des habitations civiles. Une bombe de 900 kilos a été lâchée d’un F.16 américain sur un quartier d’habitations, pendant qu’une autre bombe a visé un centre religieux, tuant à elle seule quarante civils. Les snipers ont visé les passants. Plusieurs civils tentant de fuir les tirs, parfois munis de drapeaux blancs ont été leur cible directe. Des ambulances clairement identifiées transportant des blessés ont également été la cible de tirs. Des ambulanciers ont ainsi été tués.

Les infrastructures médicales ont été utilisées comme base pour les opérations militaires. L’hôpital de Fallouja a ainsi été fermé, les patients expulsés, et l’hôpital occupé par les forces de la "coalition" comme base stratégique. Les organisations humanitaires présentes sur le terrain déplorent qu’en conséquence du siège et de l’occupation de l’hôpital, l’accès de personnes blessées aux services de soins a été clairement obstrué, ce qui a couté plusieurs vies.

Le premier bilan de cette opération, dressé par le directeur de l’hôpital de Fallouja, Rafie Al Issawi, fait état de plus de 600 victimes irakiennes, parmi lesquelles plus de la moitié seraient des femmes, des enfants et des personnes agées, et près de 1200 blessés graves. Il y aurait également 80 tués parmi les forces américaines. La nature de ce bilan est ouvertement contestée par le Commandant des Marines américains, le Lieutenant Colonel Bennan Byrne, selon lequel 95% des victimes irakiennes n’auraient été que des "cibles légitimes", soit, "des hommes en âge militaire". Près d’un tiers de la population a quitté la ville pour se réfugier dans les villes et camps avoisinants.

La FIDH condamne une telle opération qui constitue un acte de représailles de nature excessive, ayant visé directement une population civile. L’usage disproportionné de la force contre des civils non-armés, l’exécution de plusieurs d’entre eux, les destructions de maisons, les tirs ciblés contre du personnel et des infrastructures médicales, l’obstruction de l’accès aux soins constituent autant de violations graves de la IV Convention de Genève sur la protection des populations civiles en tant de guerre, qui rendent les auteurs de ces actes coupables, à tout le moins, de crimes de guerre.

La FIDH déplore par ailleurs la faiblesse de la réaction de la Communauté internationale, restée dans son ensemble muette . Les seuls appels "à la restriction" du Secrétaire général de l’ONU et, en dépit de leur obligation de réserve, les quelques communiqués du CICR ne peuvent suffire. La FIDH est particulièrement préoccupée du silence de l’Union européenne, des Etats siégeant au Conseil de Sécurité, de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU, du Haut Commissariat aux droits de l’Homme de l’ONU, des Hautes parties contractantes à la IV Convention de Genève, autant d’enceintes et d’organes qui constituent les seuls recours des victimes irakiennes.

Si la FIDH apprécie le travail effectué par l’ONU sur les modalités du transfert de l’autorité aux irakiens, ce travail ne peut se faire sans réaction aux violations graves du droit international qu’elle a mandat de protéger, au risque de perdre toute légitimité à agir dans ce pays.

La FIDH appelle donc de toute urgence la communauté internationale à diligenter dans les plus brefs délais une enquête internationale indépendante sur les crimes commis à l’occasion du siège de la ville de Fallouja et de traduire les responsables de ces actes devant une juridiction indépendante et impartiale.

Par ailleurs, la FIDH appelle le Gouvernement Suisse à convoquer les Hautes parties contractantes à la IVème Convention de Genève, afin d’examiner les remèdes à apporter aux graves violations du droit international humanitaire constatées en Irak depuis le déclenchement des opérations militaires en Irak.

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