Contexte pré-électoral : Lansana Conté s’accroche au pouvoir

Retour d’une mission internationale d’enquête de la FIDH

19/11/2003
Communiqué

A quelques semaines des élections présidentielles prévues le 21 décembre 2003, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) a mandaté une mission internationale d’enquête en Guinée-Conakry, du 8 au 15 novembre 2003.

La mission a eu pour objectif de : dresser un état des lieux de la situation politique et sociale au regard des droits de l’Homme ; s’informer de la situation de l’administration de la justice ; s’enquérir de la situation des défenseurs des droits de l’Homme, ainsi que du sort des réfugiés.

Les chargés de mission ont rencontré les représentants des autorités officielles, les dirigeants des partis politiques d’opposition, les acteurs de la société civile et les représentants de missions diplomatiques.

Au cours de sa mission, la FIDH a pu constater de vives crispations et tensions à la veille des élections présidentielles :

 Le 10 novembre, les enseignants sont entrés en grève après l’échec des négociations visant à la mise en œuvre des promesses signées en janvier 2002 par les autorités guinéennes compétentes. Il s’agissait d’une revalorisation salariale sensible pour faire face à l’augmentation du coût de la vie. Dès le premier jour de la grève, Louis M’Bemba Soumah, dirigeant syndical, a été interpellé par la police afin d’être entendu. Le lendemain, six dirigeants syndicaux (membres du SLECG et de la FSPE ont été interpellés. Ils ont passé une nuit au poste de gendarmerie avant d’être libérés.

 Le 13 novembre 2003, Jean-Marie Dore, président de l’Union pour le Progrès de la Guinée (UPG - opposition, a été arrêté. Cette interpellation a fait suite à une interview sur Radio France International le matin même, lors de laquelle M. Jean-Marie Dore a évoqué la maladie du Président Lansana Conte et accusé ses médecins d’avoir produit un faux certificat médical pour son dossier de candidature.
L’annonce de cette interpellation, illégale au regard du droit guinéen, a provoqué un début de rassemblement qui a été promptement dispersé par les forces de l’ordre.
Le 14 novembre, une demande de levée d’immunité parlementaire de Jean-Marie Dore a été adressée au Président de l’Assemblée Nationale. Toutefois, cette question n’a pas été mise à l’ordre du jour de l’Assemblée. Jean-Marie Dore a été libéré dans la nuit du 14 au 15 novembre, à la suite d’une forte mobilisation.

 S’agissant de la préparation des élections, la FIDH a constaté la décision des partis d’opposition de boycotter l’élection présidentielle. Cette situation est le résultat direct de la rupture du dialogue national, initié en juillet 2003, sur les questions électorales et générales. Ce dialogue, auquel avait pris part des membres du gouvernement, des représentants des partis politiques (mouvance présidentielle et opposition et des représentants de la société civile, a été définitivement suspendu fin octobre après l’annonce unilatérale, par les autorités, de l’adoption d’un décret fixant la date des élections présidentielles pour le 21 décembre 2003.

Enfin, sur huit candidatures présentées (pratiquement toutes issues de la mouvance présidentielle, la Cour Suprême n’en a retenu que deux écartant les autres arguant de vices de procédure.
Ainsi, cette élection se jouera uniquement entre Lansana Conte, président actuel, et Mamadou Boyhé Barry, député de l’Assemblée Nationale.

Cette situation confirme les craintes de la FIDH s’agissant de la volonté du pouvoir actuel de se maintenir en place à tout prix. Les quelques signes positifs que constituaient l’amorce de dialogue national et la loi d’amnistie du 9 novembre 2003 - au bénéfice des opposants politiques et notamment d’Alpha Condé, leader du Rassemblement du peuple de Guinée - seront restés au final lettre morte.

Les récents événements témoignent d’un climat de vive tension politique, aggravé par une situation économique préoccupante (pauvreté croissante, inflation en forte augmentation…) et un climat de violence lié la présence de groupes armés en Guinée forestière.

Cette situation est d’autant plus inquiétante qu’elle s’inscrit dans un contexte particulièrement tendu dans la sous-région, dû notamment aux conflits en Côte d’Ivoire, Libéria et Sierra Leone [, la Guinée devant en outre accueillir chaque jour un nombre croissant de réfugiés] (partie supprimée).

La FIDH craint, au regard des faits constatés au cours de sa mission, une dégradation de la situation à l’approche de l’élection présidentielle.

La FIDH appelle les autorités guinéennes à instaurer les conditions nécessaires à la reprise du dialogue national et à garantir le déroulement d’élections présidentielles libres et démocratiques dans le respect des valeurs inhérentes à un Etat de droit. La FIDH les appelle en outre à garantir, en toutes circonstances, le respect des droits de l’Homme et des libertés fondamentales en Guinée.

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