Conclusion du Forum "Démocratiser la Mondialisation"

05/03/2004
Rapport
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Le Forum « Démocratiser la Mondialisation » a terminé ses travaux le jeudi 4 mars au soir, et les premières conclusions et recommandations ont été rendues publiques. Plus de 350 défenseurs des droits de l’Homme se sont réunis durant deux jours pour échanger leurs expériences, leurs préoccupations et leurs déterminations à construire un monde plus juste, en focalisant leur attention autour de 4 thèmes.

Paix et démocratie : Pas de paix sans justice, pas de justice sans paix - Les participants de cet atelier se sont fondés sur des exemples précis de conflits armés (Colombie, République Démocratique du Congo ...) en s’attachant à examiner en détails les différents acteurs de la paix (Organisations non gouvernementales et Intergouvernementales, Institutions Financières Internationales, ...) sollicités à chaque période de crise. Les défaillances du système onusien qualifié de « schizophrénique » par Dan Van Raemdonck, rapporteur de l’atelier ont été mises en exergues. L’ONU - tout comme d’ailleurs les Institutions Financières Internationales - doit être reformé afin qu’une une place effective soit accordée à la société civile. Les victimes sont les premières laissées pour compte des règlements de conflits. Au nom de la paix, les crimes les plus graves sont souvent volontairement « oubliés », au détriment du droit des victimes. Celles-ci doivent pouvoir être entendues, et se voir garantir leur droit à un recours effectif devant les juridictions, qu’elles soient nationales ou internationales. Par ailleurs, si le succès important de l’entrée en vigueur de la CPI (représentée au sein de l’atelier, par son Greffier, Bruno Cathala) a été souligné, les participants ont néanmoins rappelé la nécessité pour son Procureur général de garantir l’effectivité et l’efficacité des procédures.

La situation des femmes dans les conflits armés a été soulevée par Yolanda Becerra de Colombie. Elle a insisté sur le fait que les femmes, et notamment les femmes colombiennes « sont réduites au rang d’objet ou d’outil, et le plus souvent d’outils sexuels ». Leur droit à porter plainte ou à dénoncer leur situation est la plupart du temps bafoué.

Sécurité et démocratie : « Dans mon pays, je suis considéré comme un terroriste » - Depuis plusieurs années, et particulièrement depuis le 11 septembre 2001, la multiplication des législations antiterroristes au niveau national, régional et international entraîne très souvent une érosion des libertés fondamentales. Raji Sourani, président du Palestinian Center for Human Rights (PCHR - Gaza) soulève ce paradoxe évident : « à 48 ans, en tant que président du PCHR, j’ai reçu plusieurs distinctions internationales pour nos activités de défense des droits de l’Homme, et je suis pourtant considéré comme un terroriste pour les américains, et interdit de séjour aux Etats-Unis ». De nombreux témoignages sont venus appuyer ces propos, et notamment celui d’Alirio Uribe, président du Collectivo de Abogados (Colombie), qui a rappelé que la politique de « sécurité démocratique du président Alvaro Uribe Velez criminalise les défenseurs des droits de l’Homme colombiens ». Certaines lois, comme le Patriot Act aux Etats-Unis, sont restrictives en matière de libertés fondamentales et notamment s’agissant du droit à un procès équitable (Peter Weiss, du Center For Constitutionnal Rights, Etats-Unis). Les défenseurs des droits de l’Homme sont particulièrement visés par ces législations « antiterroristes » sont notamment utilisées pour réduire leurs capacités d’action. En outre, ces lois, en stigmatisant certaines catégories de personnes en fonction de leur appartenance religieuse et/ou ethnique, sont souvent discriminatoires dans leurs modalités d’application. Dans leurs recommandations, les participants soulignent entre autres la nécessité de faire pression pour la mise en place d’un mécanisme de contrôle à la Commission des droits de l’Homme de l’ONU. Ils souhaitent également que la FIDH évalue avec une attention particulière le rôle de la Justice militaire et des Cours spéciales et réaffirme le caractère inacceptable de l’utilisation des juridictions d’exception dans des circonstances ordinaires. Enfin, la FIDH doit poursuivre ses efforts pour une mise en œuvre effective de la déclaration des Nations Unies sur les défenseurs des droits de l’Homme.

"Développement humain et démocratie : Tous les droits de l’Homme pour tous » - Le concept de développement humain a été dominé pendant de longues années par un discours strictement limité au domaine économique. L’atelier s’est attaché a redéfinir ce concept qui doit être considéré dans toute sa diversité. Ainsi, le rôle important des femmes et des enfants ont été successivement présentés par Souhair Belhasen (Tunisie) et Yoriko Yakusawa (Japon). Au cours de cet atelier, a été particulièrement rappelée la nécessité de renforcer la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels (DESC), réaffirmer la responsabilité des Etats et des acteurs non étatiques dans la mise en œuvre des droits de l’Homme, et accroître la participation de la société civile dans le processus de prise de décision. Les participants ont insisté sur la nécessité de réaffirmer la primauté des droits humains tant en ce qui concerne les accords commerciaux que les activités des institutions internationales (Banque mondiale, FMI, ...) et des entreprises transnationales. L’atelier a particulièrement insisté sur la problématique des migrations et de l’accroissement des cas de SIDA.

« Diversités culturelles et Universalité des droits de l’Homme - La diversité dans l’universalité : de nouvelles stratégies de luttes » - Les débats qui ont animé cet atelier ont fait ressortir de nombreux problèmes partagés par tous les participants, qu’ils soient Africains ou membres de communautés indigènes d’Equateur ou de Colombie. Les participants au débat ont partagé leurs expériences de luttes communautaires et/ou en matière de migrations. Ils se sont attachés en premier lieu à définir les nouvelles données en matière de mouvements culturels qu’il convient de prendre en compte afin de mieux appréhender cette notion de « Diversité culturelle » : les migrations Sud-Sud, les travailleurs migrants, la mondialisation de l’information, sont autant de thèmes qu’il faut mieux prendre en compte aujourd’hui. Ils impliquent par conséquent de développer de nouvelles stratégies de lutte. Comment aller vers une « culture universelle » en évitant l’universalité d’une culture ? Comment créer de nouvelles passerelles entre les cultures ? Les droits culturels doivent-ils être appréhendés collectivement par opposition à d’autres droits qui relèvent de l’individu ? Autant de questions qui ont amené les intervenants à proposer de nouvelles pistes. Ainsi Sharon Home (Chine, HRIC) a rappelé que si les communautés indigènes souhaitent être entendues à une plus large échelle, elles doivent développer des stratégies au niveau international, afin d’être plus efficaces dans leurs luttes. Cette solidarité internationale pourrait se concrétiser par exemple par une plate-forme Internet d’entraide. La FIDH doit continuer d’utiliser les moyens classiques de protection des droits de l’Homme et développer de nouveaux moyens d’action : la promotion du projet de Déclaration des droits des autochtones doit être impérativement renforcée, afin que celle-ci ne soit pas mise à l’indexe. De la même manière, elle doit promouvoir la Convention internationale sur les travailleurs migrants, afin qu’une assistance accrue soit apportée à ces populations fragilisées. La FIDH doit aussi s’investir dans l’élaboration de la convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle et consolider sa coopération avec l’Organisation Internationale de la Francophonie.

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