Poursuite des actes de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme

15/06/2007
Communiqué

Genève-Paris, le 15 juin 2007. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), dénonce une nouvelle fois les actes de harcèlement à l’encontre de plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) tunisiennes et de leurs membres.

Ainsi, le 6 juin 2007, un nombre impressionnant de policiers en civil a empêché une délégation de représentants de la société civile d’accéder à l’immeuble hébergeant le Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) et le journal en ligne Kalima. Cette délégation, qui était venue exprimer sa solidarité à l’égard du CNLT, était notamment comprise de Me Mokhtar Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH), M. Ali Ben Salem, vice-président de l’Association de lutte contre la torture en Tunisie (ALTT) et président de la section de Bizerte de la LTDH, MM. Abdeljabbar Maddahi et Mohamed Ben Said, membres de la LTDH, Me Mondher Cherni, membre de l’ALTT, MM. Khelil Ezzaouia et Zakia Dhifaoui, dirigeants du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), M. Lotfi Hajji, président du Syndicat des journalistes tunisiens (SJT) et vice-président de la section de Bizerte de la LTDH, MM. Mahmoud Dhaouadi, Slim Boukhdhir et Sahbi Smara, journalistes, ainsi que des membres dirigeants du CNLT.

De surcroît, depuis le 8 juin 2007, date à laquelle la police tunisienne a saccagé les bureaux du CNLT, détruisant d’importants documents ainsi qu’une grande partie de son matériel informatique, les intimidations de la police politique envers les membres du CNLT et d’autres organisations de défense des droits de l’Homme ne cessent de s’intensifier.

Ces évènements font suite aux blocages systématiques de bureaux et autres lieux de travail des défenseurs des droits de l’Homme par les forces de police. Ainsi, les membres de l’Association internationale de doutien aux prisonniers politiques (AISPP) se voient interdits d’accès à leur local depuis le 1er juin, et le local de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD) est constamment surveillé par la police.

L’Observatoire rappelle en outre que l’immeuble hébergeant les locaux du CNLT et de Kalima est encerclé jour et nuit par un important dispositif d’agents de la police politique depuis le 18 mai 2007, empêchant de facto les membres du CNLT de mener à bien leurs activités [1].

Par ailleurs, le 9 juin 2007, M. Abderrahman Hedhili, membre du comité directeur de la LTDH, et M. Mongi Ben Salah, membre fondateur du CNLT, ont été interpellés par la police alors qu’ils s’apprêtaient à se rendre à une usine à Monastir (ville côtière à 160 km de Tunis), où des ouvrières étaient en grève, afin de leur exprimer leur solidarité. Le chef de la police et ses agents ont alors violemment frappé les deux hommes et les ont conduits au poste de police ; ils n’ont été relâchés que deux heures et demie plus tard.

Enfin, le 10 juin 2007, un important dispositif policier a été déployé sur l’ensemble du territoire afin d’empêcher des militants des droits de l’Homme et des syndicalistes d’atteindre la ville de Kairouan, où devait se tenir une journée de solidarité en faveur de la LTDH, organisée à l’initiative de l’Union régionale du travail de Kairouan. Dès la matinée, les forces de l’ordre ont ainsi harcelé M. Trifi, des membres du comité directeur de la ligue et des comités des sections ainsi que de simples militants et les ont empêchés de quitter leurs villes de résidence. D’autres ont été interceptés à l’entrée de la ville de Kairouan. De plus, les membres de la section locale ont été contraints de rester chez eux et le local de l’Union régionale a été assiégé par la police.

L’Observatoire souligne également que, depuis trois semaines, les forces de police imposent chaque samedi un blocus à l’encontre du siège central de la LTDH à Tunis. La police a ainsi empêché, les 26 et 27 mai 2007, la tenue d’une conférence sur le Forum social. De nouveau, la police a assiégé le local de la ligue les samedis 2 et 9 juin 2007.

L’Observatoire réitère sa profonde préoccupation à l’égard de ces faits, qui reflètent une recrudescence des actes de représailles à l’égard des défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie [2], et rappelle que la Tunisie est tenue de se conformer aux obligations internationales en matière de droits de l’Homme, en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel elle est partie.

En conséquent, l’Observatoire prie les autorités tunisiennes de garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique des membres du CNLT, ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie ; et de mettre un terme à toute forme de harcèlement à leur encontre, afin qu’ils puissent exercer leur profession et mener leurs activités de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave.

En outre, l’Observatoire demande aux autorités tunisiennes de se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, notamment à son article premier qui dispose que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international », à son article 5.a selon lequel « afin de promouvoir et protéger les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de se réunir et de se rassembler pacifiquement », et à son article son article 12.2, qui dispose que "l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration".

Plus généralement, l’Observatoire demande aux autorités tunisiennes de se conformer plus généralement aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et des instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme liant la Tunisie.

Pour plus d’informations, merci de contacter :
FIDH : Gaël Grilhot : + 33 1 43 55 25 18
OMCT : Delphine Reculeau : + 41 22 809 49 39

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