Un criminel de guerre présumé revient à Bangui en toute impunité

06/02/2007
Communiqué

Abdoulaye Miskine, chef d’état-major du mouvement rebelle, l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR) a atterri à Bangui le 3 février dernier, quelques heures après avoir signé en Libye un accord de paix avec les autorités centrafricaines.

Abdoulaye Miskine avait conquis en novembre 2006 plusieurs localités du nord-est de la République centrafricaine (RCA), avant d’être refoulé un mois plus tard par l’armée nationale soutenue par l’armée française. Ses troupes s’étaient rendues coupable de déplacements forcés de population et autres crimes de droit international. Déjà en 2002, la responsabilité d’Abdoulaye Miskine, alors chef de l’Unité de la sécurité présidentielle (USP), et de ses hommes était engagée dans la perpétration, en sa présence, de massacres contre des civils, notamment au « marché à bétail », les 30 et 31 octobre au PK13.(1)

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et la Ligue centrafricaine des droits de l’Homme (LCDH), son organisation affiliée en RCA, se félicitent certes de la signature de l’accord de paix censé instaurer un cessez-le-feu immédiat et mettre fin aux graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire perpétrées depuis 2005 par les rebelles et les forces armés centrafricaines contre la population civile. Cependant, la FIDH et la LCDH exigent, conformément au droit international des droits de l’Homme, que cet accord exclue toute amnistie pour les auteurs des crimes les plus graves et que ces derniers soient poursuivis et jugés.

A cet égard, chargé de l’instruction de l’« affaire Patassé, Miskine et autres », présumés responsables des crimes les plus graves lors de la tentative du coup d’Etat du général Bozizé en 2002 et 2003, un juge centrafricain affirmait dans son ordonnance de renvoi du 16 septembre 2004 qu’"[A] la lumière des pièces du dossier, ils [Miskine et ses hommes] se sont rendus coupables de nombreuses exécutions sommaires et autres infractions. Considérant les faits incriminés, la Chambre d’accusation en décembre 2004, confirmée par la Cour de cassation centrafricaine le 11 avril 2006 ont transféré le dossier Miskine devant la Cour pénale internationale (CPI). L’Etat lui-même avait saisi le Procureur de la CPI le 21 décembre 2004, saisine restée sans suite jusqu’à aujourd’hui.

« Le retour libre d’Abdoulaye Miskine à Bangui est en contradiction avec la nécessaire lutte contre l’impunité des crimes les plus graves, base d’une paix durable en RCA. Ce retour est une menace supplémentaire pour la sécurité des victimes de crimes internationaux qui plaident depuis 2002 pour leur droit à la justice devant les instances judiciaires nationales et internationales. » affirme Sidiki Kaba, président de la FIDH qui rappelle aussi qu’« aucune immunité ni loi d’amnistie n’est opposable à la CPI pour l’ouverture d’enquêtes et de poursuites contre les auteurs des crimes les plus graves. Il est aujourd’hui impérieux que le Procureur de la CPI décide l’ouverture d’une enquête sur la situation centrafricaine et juge les auteurs présumés, dont Abdoulaye Miskine, des crimes internationaux qui ravagent ce pays depuis octobre 2002. »

La FIDH et la LCDH demandent :

 Aux parties signataires de l’accord de paix, l’application immédiate du cessez-le-feu et l’exclusion de toute clause d’amnistie pour les principaux auteurs des crimes les plus graves ;

 aux autorités judiciaires nationales compétentes, d’engager des poursuites contre les principaux auteurs, élément rebelle ou membre des forces centrafricaines, de crimes internationaux contre la population civile ;

 au procureur de la Cour pénale internationale, d’ouvrir sans délai une enquête sur la situation en RCA considérant la saisine du procureur de la CPI par l’Etat centrafricain en décembre 2004 et le renvoi devant la CPI de l’affaire Patassé, Miskine et autres par la Cour centrafricaine de cassation , y compris en examinant la responsabilité pénale internationale d’Abdoulaye Miskine dans la commission des crimes commis depuis juillet 2002 jusqu’à ce jour.

 aux autorités nationales, d’assurer la sécurité des défenseurs des droits de l’Homme et des victimes des crimes les plus graves qui plaident pour le droit à la justice devant les instances judiciaires nationales et internationales, et alors que ceux-ci sont l’objet de menaces particulièrement préoccupantes.

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