Les actes de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme se poursuivent

06/12/2006
Communiqué

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), exprime sa plus vive consternation à la suite de nouveaux actes de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme en Tunisie.

Ainsi, le 3 décembre 2006, un important dispositif policier a encerclé le siège de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) où devaient se réunir d’anciens dirigeants de la LTDH qui ont constitué un comité de soutien à la Ligue. En particulier, la police a bloqué tous les accès du local. L’Observatoire rappelle que la LTDH fait l’objet d’un harcèlement permanent. Ainsi, depuis le 24 avril 2006, les forces de police empêchent toute personne d’entrer dans les locaux de la LTDH à Tunis - exception faite de ses membres directeurs - par le barrage des rues environnantes, et le placement d’hommes en faction devant les portes de la ligue. De plus, la LTDH ne reçoit plus aucun courrier, ce dernier étant bloqué par les autorités (Cf. Communiqués de presse de l’Observatoire des 18 avril, 5 mai et 30 mai 2006).

Le même jour, plusieurs personnes, dont Me Néjib Hosni, avocat spécialisé dans les droits de l’Homme et membre fondateur du Conseil national des libertés en Tunisie (CNLT), Me Abderraouf Ayadi, ancien membre du Conseil de l’Ordre et ancien secrétaire général du CNLT, Me Abdelwahab Maatar, avocat à Tunis et membre du Congrès pour la République (CPR, parti politique non autorisé), M. Tahar Laabidi, journaliste, et M. Ali Ben Salem, président de la section de Bizerte de la LTDH et vice-président de l’Association de lutte contre la torture en Tunisie (ALTT), ont décidé de se rendre à Sousse afin de rendre visite à M. Moncef Marzouki, ancien président de la LTDH, ancien porte-parole du CNLT et dirigeant du CPR. Ce dernier est inculpé d’« incitation à la désobéissance civile » pour avoir appelé le peuple tunisien, lors d’une interview diffusée par la chaîne Al-Jazira le 14 octobre 2006, à protester pacifiquement contre les restrictions imposées à leurs droits fondamentaux. M. Marzouki est passible de trois ans de prison.

Sur la route de Tunis à Sousse, les militants ont rencontré de nombreux barrages policiers, et ont été soumis à des contrôles d’identité qui ont parfois duré plusieurs heures. Une fois arrivés devant le domicile de M. Marzouki, ils se sont heurtés à un important déploiement de policiers et de membres des services de renseignements qui leur en a interdit l’accès. Ils ont aussi été insultés, menacés, et parfois malmenés.

De surcroît, en fin d’après-midi, M. Marzouki a été empêché de quitter son domicile pour repartir avec ses collègues à Tunis. Le chef de la police lui aurait clairement signifié qu’il avait reçu des instructions en ce sens.

Par ailleurs, le 8 novembre 2006, à l’initiative de la présidence finlandaise de l’Union européenne (UE), plusieurs missions diplomatiques européennes ainsi qu’un représentant de la délégation de l’UE à Tunis ont invité des représentantes du CNLT et de la LTDH, dont Mme Naziha Rjiba (alias Om Zied), membre fondatrice et responsable de la communication du comité de liaison du CNLT, et rédactrice en chef du journal en ligne Kalima, Mme Sihem Bensedrine, porte-parole du CNLT et également rédactrice en chef de Kalima, et Mme Souhayr Belhassen, vice-présidente de la LTDH, afin d’échanger sur les problèmes auxquels elles doivent faire face en tant que femmes défenseurs des droits de l’Homme. Peu de temps après, ces missions diplomatiques auraient reçu une mise en garde du ministère des Affaires étrangères tunisien, manifestant ouvertement son mécontentement. D’autres ambassades qui avaient invité ou tenté d’inviter des défenseurs tunisiens auraient reçu la même mise en garde. De même, une note écrite aurait été envoyée à toutes les ambassades pour leur signifier de ne pas prendre contact avec les membres du comité directeur de la LTDH, au prétexte que celle-ci était sous le coup d’une procédure judiciaire. En réaction, certaines ambassades se sont rendues au siège de la Ligue en signe de soutien.

L’Observatoire exprime sa plus vive préoccupation au regard de ces nouveaux actes de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie, qui s’inscrivent dans un contexte de répression systématique à leur encontre, et demande aux autorités tunisiennes d’y mettre un terme immédiat.

De plus, l’Observatoire demande aux autorités tunisiennes de se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, notamment à son article premier qui dispose que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international » et son article 12.2 selon lequel « l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration ». .

Plus généralement, l’Observatoire demande aux autorités tunisiennes de se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et aux instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme liant la Tunisie.

Pour plus d’informations, merci de contacter :
OMCT : Delphine Reculeau : + 41 22 809 49 39
FIDH : Gaël Grilhot : + 33 1 43 55 25 18

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