Une irrecevabilité peu recevable

29/11/2006
Communiqué

Décision de la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples sur la loi d’amnistie au Sénégal

La FIDH et ses deux affiliées au Sénégal, l’ONDH et la RADDHO, déplorent la décision rendue hier par la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples (Commission) déclarant irrecevable la Communication No 304/05 initiée en mai 2005 par nos trois organisations contre la République du Sénégal.

Par cette Communication, nos organisations demandaient à la Commission de s’exprimer sur la compatibilité de la « Loi Ezzan » - Loi promulguée le 17 février 2005 qui amnistie « toutes les infractions criminelles commises, tant au Sénégal qu’à l’étranger, en relation avec les élections générales ou locales ou ayant eu une motivation politique, situées entre le 1er janvier 1983 et le 31 décembre 2004 » - avec les dispositions de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples qui lient le Sénégal, notamment son article 7.1.a qui stipule que « [T]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. »

La FIDH, l’ONDH et la RADDHO s’étonnent en premier lieu d’apprendre la décision d’irrecevabilité via les déclarations des autorités sénégalaises sans en avoir été notifié par la Commission et sans connaître les arguments développés par celle-ci.

Il semblerait néanmoins que la Commission ait pris sa décision en se fondant sur l’absence d’épuisement des voies de recours internes, condition d’irrecevabilité d’une communication. En l’espèce, la FIDH, l’ONDH et la RADDHO rappellent que le Conseil constitutionnel sénégalais, seule juridiction compétente pour statuer sur la constitutionnalité d’une loi et ainsi sur sa compatibilité avec le droit international des droits de l’Homme, avait été saisi par un groupe de parlementaires et s’était prononcé le 12 février 2005 sur la Constitutionnalité partielle de la Loi Ezzan. Par ailleurs, l’alinéa 1er de l’article 96 de la Constitution sénégalaise impose que « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucune voie de recours (et) s’imposent aux pouvoirs publics à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. » Les arguments apportés par la République du Sénégal dans son mémoire sur l’absence d’épuisement des voies de recours interne étaient quant à eux non seulement peu étayés mais surtout présentés hors délais à la Commission.

Aussi, la FIDH, l’ONDH et la RADDHO s’interrogent vivement sur le fondement de la position de la Commission sur la question de l’épuisement des voies de recours interne, en contradiction avec sa nombreuse jurisprudence en la matière. En l’absence de la communication de la décision, nos organisations ne peuvent qu’exprimer le souhait que celle-ci ait été rendue sans contingence politique ou arrangements diplomatiques.

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