Lettre ouverte à l’occasion de la conférence interministérielle

03/11/2006
Communiqué

A l’attention :
Des Ministres des Etats membres du Partenariat euro-méditerranéen participant à la conférence ;
De la Commissaire européenne aux relations extérieures,
Mme Benita Ferrero-Waldner ;
Du Haut représentant pour la PESC,
M. Javier Solana ;
Du Président du Parlement européen,
M. Josep Borell

Madame la Ministre,
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Haut Représentant,
Madame la Commissaire,
Monsieur le Président,

A l’occasion de la conférence interministérielle Euromed sur le renforcement du rôle des femmes dans la société, qui se déroulera à Istanbul du 13 au 15 novembre 2006, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) souhaite adresser à tous les Etats participants plusieurs recommandations visant à garantir le respect et la promotion des droits des femmes dans la région euro-méditerranéenne, en écho à la campagne lancée à Rabat, avec près de 40 organisations de la région.

Alors qu’un des trois thèmes retenus pour la conférence ministérielle concerne les « droits des femmes comme garantie des droits de l’Homme et de l’approfondissement de la démocratie », la FIDH est vivement préoccupée par le fait que sur les 35 Etats membres du Partenariat euro-méditerranéen1, 13 n’ont pas ratifié le protocole optionnel à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes (CEDAW). 4 des 25 Etats membres de l’UE n’ont pas ratifié le protocole (l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et Malte) et parmi les partenaires méditerranéens, seule la Turquie a ratifié ce protocole. .

La non ratification du protocole optionnel à la CEDAW, permettant des recours individuels devant le Comité pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes, est un obstacle majeur à la jouissance effective des droits garantis par la Convention que tous les Etats ont par ailleurs choisi de ratifier.

En outre, malgré la ratification de la CEDAW par l’ensemble des Etats membres du Partenariat Euromed, 19 d’entre eux ont émis des réserves plus ou moins importantes aux articles de la CEDAW qu’ils considèrent comme incompatibles avec leur législation nationale, en particulier les codes du statut personnel et/ou de la famille. En conséquence, dans de nombreux pays de la région, l’héritage, la transmission de la nationalité, le divorce, les droit de garde et de tutelle des enfants, etc. font ainsi l’objet d’une législation discriminatoire envers les femmes.
Face à cette situation, des organisations de la société civile des Etats de la rive Sud de la Méditerranée, membres du Partenariat Euromed ont à l’occasion d’une conférence régionale organisée par l’ADFM et la FIDH à Rabat en juin 2006, décidé de se mobiliser dans une démarche commune par le biais de campagnes régionales et nationales dont l’objectif consiste à encourager les Etats à lever les réserves à la CEDAW et à ratifier de son Protocole optionnel2.

Outre les discriminations identifiées ci-dessus, certaines catégories de la population et en particulier les femmes migrantes, sont l’objet de discriminations spécifiques et ce, dans l’ensemble des Etats membres du partenariat Euromed qu’il s’agisse des rives nord ou sud de la Méditerranée.

Au cours des derniers mois, à l’occasion notamment de la Conférence euro-africaine sur les migrations et le développement et du dialogue de Haut niveau des Nations unies sur les migrations et le développement, la contribution des femmes migrantes au développement économique et social des pays d’origine mais aussi d’accueil, ainsi que la proportion importante de femmes au sein des populations migrantes, ont été particulièrement reconnues et mises en avant.
Toutefois, les conclusions de ces rencontres internationales, corroborées par le rapport 2006 du Fonds des Nations unies pour la Population sur les femmes migrantes, ont mis en exergue une plus grande vulnérabilité des femmes aux violations des droits humains dans le cadre des migrations. En effet, celles-ci sont, plus que les hommes, victimes des trafics ou d’agressions sexuelles durant le processus de migration. Elles sont par ailleurs plus exposées que les hommes aux discriminations en terme d’emploi, de salaires et de reconnaissances de statut dans les pays de destination, notamment parce qu’elles sont largement confinées à des domaines d’activité peu couverts par les droits sociaux : travaux domestiques, gardes d’enfants, etc.

Face à cette situation particulièrement préoccupante qui touche particulièrement la région couverte par le partenariat euroméditerranéen en tant que zone de départ, de transit et de destination de femmes migrantes, la FIDH s’inquiète du fait que seuls 5 des 35 Etats du Partenariat, et parmi eux aucun Etat membre de l’Union européenne, aient à ce jour ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille3.

La FIDH appelle donc solennellement tous les Etats représentés à la conférence ministérielle d’Istanbul à :

ratifier le protocole facultatif à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes, outil indispensable à la mise œuvre effective des dispositions de la Convention et à la lutte contre les violations individuelles et collectives des droits des femmes ;

lever toutes les réserves aux dispositions de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et à procéder à l’harmonisation de leur législation avec les dispositions de la CEDAW ;

ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Dans l’espoir que la présente lettre retiendra toute votre attention, veuillez agréer Madame, Monsieur l’expression de mes sentiments distingués.

Cordialement,

Sidiki Kaba,
Président de la FIDH

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