« Protégez les droits des migrants et des réfugiés ! »

Dialogue de haut niveau des Nations unies sur les migrations internationales et le développement

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) adresse un appel aux ministres participant au Dialogue de haut niveau des Nations unies sur les migrations internationales et le développement afin que les politiques migratoires garantissent, préservent et protègent les droits des migrants et des réfugiés tels qu’ils sont universellement reconnus dans les Conventions des Nations unies.

A l’heure de l’ouverture de ce dialogue de haut niveau, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) rappelle fermement que les politiques migratoires doivent être fondées sur le respect des normes universelles des droits de l’Homme et des conventions relatives aux droits des migrants -qu’ils soient « réguliers » ou « irréguliers »- et des réfugiés.

Comprendre les phénomènes migratoires
Les migrations sont devenues un phénomène international qui intéresse la planète entière. Elles ne sont plus cantonnées aux flux sud/nord mais concernent aussi des pays d’émigration, devenus pays de transit ou d’accueil (1).

Elles sont la conséquence, d’abord, des conflits armés de toute nature, ce qui explique que ceux et celles qui fuient ces situations cherchent d’abord refuge dans des pays limitrophes. Elles sont aussi la conséquence des persécutions ou discriminations en raison d’une appartenance ethnique, religieuse ou politique. Elles résultent, encore, de l’impossibilité, quelles qu’en soient les raisons, de construire un avenir.

Les migrations iront s’amplifiant tant il est vrai que ces raisons d’émigrer ne disparaîtront pas ; qu’elles s’inscrivent dans une évolution des échanges difficilement compatible avec les entraves de plus en plus nombreuses à la circulation des hommes ; et qu’elles sont un des éléments qui peuvent permettre un meilleur accès au savoir et aux richesses.

Il convient donc de cesser de réserver aux migrations un traitement purement policier ou répressif et de les prendre en compte comme un élément naturel des échanges entre les diverses sociétés. Le droit des Etats à décider de l’accueil des étrangers ne saurait se traduire en une quasi-interdiction de circuler entre les pays, ne serait-ce que pour des raisons professionnelles, familiales ou touristiques.

Enfin, la situation des femmes migrantes est particulièrement préoccupante du fait du nombre important de discriminations spécifiques dont elles sont victimes en situation de clandestinité, notamment dans le cadre des réseaux de trafic des êtres humains, qui s’ajoutent à celles encourues par tous les migrants. Ceci alors que, comme le reconnaît un rapport des Nations unies, leur contribution aux développement de leur pays d’origine est plus important.

Des droits violés
Le Dialogue de haut niveau doit aujourd’hui conduire à une évaluation critique des politiques migratoires. En Europe notamment, de nombreux pays ont adopté des mesures qui violent directement les droits des migrants et des demandeurs d’asile. Les législations sur l’entrée et le séjour des étrangers deviennent de plus en plus coercitives.

Dans leur approche de l’immigration, la plupart des Etats font l’amalgame entre lutte contre les trafics et la criminalité transnationale, lutte contre le terrorisme et lutte contre les migrations irrégulières.

Assurer la primauté des normes universelles des droits des migrants
Pourtant, Kofi Annan a souligné dans son rapport sur les migrations et le développement le « caractère primordial des droits de l’homme »(2) dans l’élaboration des politiques migratoires et affirmé que le droit des Etats « de décider qui entre sur leur territoire et y séjourne » restait soumis « au respect des obligations conventionnelles et de celles qui découlent du droit international coutumier ».

Nous appelons les Etats participant au Dialogue de haut niveau à revenir à un « droit commun » qui garantisse aux migrants, quelle que soit leur situation, le respect effectif des droits et libertés dont quiconque ne saurait être privé.

Ce « droit commun », est reconnu aujourd’hui dans une Convention des Nations unies sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui reste aujourd’hui d’application marginale. En effet, seuls 34 (3) des 192 Etats membres des Nations unies participant à la conférence, l’ont ratifiée. Aucun des « Etats du Nord » qui se prévalent pourtant de la défense et de la promotion des droits humains ne l’a fait.

Le droit d’asile victime des aléas des politiques migratoires
De nombreuses régions du monde ont connu et vivent encore des crises politiques et des conflits qui débouchent sur de graves violations des droits de l’Homme aux « effets dévastateurs ». Loin d’être uniquement des migrants économiques fuyant la misère et l’extrême pauvreté, les migrants d’aujourd’hui sont souvent des réfugiés fuyant l’oppression, accueillis d’abord et pour l’essentiel dans les pays voisins. L’accueil de ceux et celles d’entre eux qui entament au risque de leur vie le périple qui les amène dans un nouveau pays, souvent très loin de chez eux, -et qui ne constituent qu’une minorité- est une obligation internationale et un devoir humain élémentaire. La FIDH constate à cet égard que nombre des personnes concernées ne peuvent accéder à la détermination du statut de réfugié et que la reconnaissance de ce statut n’implique pas toujours l’attribution de droits égaux à ceux des nationaux.

Nous entendons rappeler la spécificité du droit d’asile qui ne saurait être tributaire des politiques migratoires. Ceci doit conduire à respecter pleinement la Convention de Genève sur les réfugiés et les obligations qui en découlent. Les Etats doivent reconnaître le rôle et l’autorité du Haut commissariat aux réfugiés (HCR) en même temps que ce dernier doit remplir ses fonctions conformément à la mission qui est la sienne et non au regard des intérêts des Etats. Pour cela, il est nécessaire de revoir à la hausse le budget du HCR afin qu’il puisse mener à bien les missions qui lui sont confiées. Dans nombre d’Etats parties à la Convention ou liés au HCR par un accord de siège, les moyens institutionnels de gestion et de traitement individualisé des demandes d’asile ainsi que des dispositifs humanitaires de base manquent de façon criante.

Ce n’est que si les droits des migrants et de leurs familles sont respectés que les migrations bénéficieront durablement aux migrants, mais aussi aux pays d’origine et des pays d’accueil. A cet égard, la FIDH s’associe au Secrétaire général des Nations unies qui souligne dans son rapport, que « pour que les migrations internationales portent pleinement leurs fruits, il faut que les droits des migrants soient respectés ».

La FIDH appelle donc tous les Etats participants au dialogue à :
ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
modifier leurs législations pour permettre aux migrants d’exercer leurs droits. Nous demandons notamment qu’aucun accord inter étatique ne puisse être conclu sans s’assurer que ces droits seront pleinement respectés.
à accorder une place primordiale au sein de leurs débats sur les migrations à la question des droits de l’Homme, ne saurait-ce qu’au regard des engagements internationaux déjà souscrits par les Etats dans le domaine des droits de l’Homme
inscrire la question de l’asile au coeur de leurs discussions et plus particulièrement lors de la table ronde n°2 sur les « mesures permettant d’assurer le respect et la protection des droits de l’Homme de tous les migrants ».
aborder la question fondamentale de la création d’ une agence internationale de réflexion, de régulation et d’action sur les migrations dans le monde.
prendre acte de la nécessité d’augmenter les moyens du HCR de manière à ce qu’il puisse répondre de manière satisfaisante aux missions qui lui sont confiées.

Contact presse : Karine Appy + 33 1 43 55 14 12/ + 33 1 43 55 25 18 /kappy@fidh.org

(1) En témoigne le rapport de Kofi Annan sur les migrations internationales et le développement : « Sur près de 200 millions de migrants dans le monde, un tiers environ a quitté un pays en développement pour un autre, tandis qu’un autre tiers s’est rendu d’un pays en développement vers un pays développé ; en d’autres termes, ils sont à peu près aussi nombreux à aller du Sud vers le Sud que du Sud vers le Nord ».
(2) Rapport du Secrétaire général sur les migrations et le développement, A/60/871, 18 mai 2006. Pages 18-19.
(3) Voir ci-après note de contexte.

Contexte : la Convention des Nations unies sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille

Adoptée en 1990 par l ’Assemblée générale des Nations unies, la Convention des Nations unies sur la protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille fournit un cadre universel de référence en matière de droits des migrants.

Elle détaille l’ensemble des droits devant être reconnus aux migrants réguliers comme irréguliers. Ainsi, les travailleurs migrants même en situation irrégulière ont, inter alia :
le droit de ne faire l’objet d’aucune mesure d’expulsion collective (article 22),
le droit d’être protégé de toute forme de torture ou d’autre traitement cruel, inhumain ou dégradant (article 10),
le droit à la vie (article 9),
le droit en cas d’arrestation d’être jugé par un tribunal compétent, indépendant et impartial, avec toutes les garanties d’un procès équitable (article 18),
le droit à la liberté et à la sécurité, la protection effective de l’Etat contre la violence, les dommages corporels, les menaces et intimidations, que ce soit de la part de fonctionnaires ou de particuliers, de groupes ou d’institutions (article 16).
Sa mise en oeuvre est suivie par le Comité des travailleurs migrants. Cet organe d’experts se réunit une fois par an à Genève pour vérifier l’application effective de la Convention par les Etats parties. Il est compétent pour examiner des plaintes individuelles au titre de l’article 77 de la Convention.

Aujourd’hui, seuls 34 pays l’ont ratifiée : Algérie, Azerbaijan, Belize, Bolivie, Bosnie & Herzegovine, Burkina Faso, Cape Vert, Chili, Colombie, Equateur, Egypte, Salvador, Ghana, Guatemala, Guinée, Honduras, Kyrgyzstan, Lesotho, Libyan Arab Jamahiriya, Mali, Mexique, Maroc, Nicaragua, Ouganda, Pérou, Philippines, Sénégal, Seychelles, Sri Lanka, Syrie, Tajikistan, Timor Leste, Turquie, Uruguay.

Le Parlement européen (résolution P6_TA(2005)0051) et le Conseil économique et social européen (avis (2004/C 302/12)) ont appelé à plusieurs reprises les Etats membres de l’UE à la ratifier, en vain.

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