Préoccupations quant aux conditions d’exercice du processus électoral et au respect des objectifs assignés à la période de transition

13/07/2006
Communiqué
RDC

Le 30 juillet 2006, les Congolais seront appelés à voter pour le premier tour des élections présidentielles et législatives.

La communauté internationale, principalement l’Union européenne, a porté à bouts de bras l’organisation de ces élections pour permettre ce « rendez-vous avec l’histoire » déclarait le Représentant permanent de la RDC au Conseil de sécurité des Nations unies le 7 juillet 2006. Après plusieurs reports, ces élections doivent marquer le terme du processus de transition instauré par l’Accord global et inclusif de Sun City et mettre en place des institutions nationales représentatives garantes de l’Etat de droit en République démocratique du Congo (RDC).

Si la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) prend acte de la volonté exprimée par le gouvernement de transition congolais et la communauté internationale d’organiser à la date du 30 juillet 2006 les scrutins électoraux, elle tient néanmoins à exprimer certaines préoccupations quant au respect des objectifs assignés à la période de transition et aux conditions d’exercice du processus électoral.

La FIDH constate que l’objectif de paix et de sécurité sur le territoire congolais dévolus aux acteurs nationaux et internationaux de la période de transition est loin d’être atteint. Malgré les tentatives de réunification de l’armée nationale, et la présence des forces onusiennes de la MONUC, les violations massives des droits de l’Homme et du droit international humanitaire contre la population civile et en particulier les exécutions sommaires, les violences contre les femmes utilisées comme arme de guerre, les pillages, sont quotidiens dans le pays, notamment dans sa partie Est. Cette grande insécurité de la population civile est d’autant plus inquiétante - en dépit des poursuites engagées par la Cour pénale internationale contre le seigneur de guerre, Thomas Lubanga, que l’impunité des auteurs des crimes annihilent tous les efforts de prévention et fait craindre le pire en cas de tensions post-électorales. Par ailleurs, la FIDH exprime ses plus vives inquiétudes quant à l’insécurité grandissante dans le pays à quelques jours des élections, et notamment l’assassinat dans la nuit du 7 au 8 juillet dernier du journaliste indépendant Bapuwa Mwamba par des hommes armés, et la répression violente par les forces de l’ordre congolaises, le 11 juillet, d’une marche de protestation pacifique dénonçant le manque de transparence et les nombreuses irrégularités du processus électoral, faisant une dizaine de blessés.

Il existe également d’importantes difficultés dans la mise en œuvre dudit processus électoral, notamment dans la constitution de listes fiables, dans le recrutement et la formation d’agents électoraux, mais aussi dans l’acheminement du matériel électoral dans l’ensemble des bureaux de vote du pays. Par ailleurs, l’exigence d’un cens électoral pour les candidats, la mise en route tardive de la campagne électorale, l’absence de calendrier électoral pour le 2e tour des élections, l’esprit de haine et de violence véhiculé par certains médias, l’insécurité dans le pays, les actes de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme et le musellement de la presse sont d’ores et déjà des éléments à prendre en compte dans l’examen du caractère libre et transparent des élections à venir.


En conséquence, le Bureau international de la FIDH, réuni à Paris du 7 au 9 juillet 2006, recommande :

Aux autorités congolaises

 de se conformer aux textes internationaux et régionaux de promotion et de défense des droits de l’ Homme ratifiés par la République démocratique du Congo ;
 de se conformer aux Accords de Paix de Lusaka et de Sun City.

Concernant la lutte contre l’insécurité :

 de restaurer l’Etat de droit et l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire en coordination avec la MONUC et dans le respect des droits de l’Homme ;
 de procéder au désarmement complet des groupes armés, assurer leur démobilisation effective et leur réinsertion dans la vie civile ;
 d’établir un registre national de détention légale d’armes et renforcer la lutte contre le trafic d’armes en provenance de l’étranger ; garantir que les individus démobilisés responsables d’actes criminels et de violations des droits de l’Homme soient traduits en justice.

Concernant les élections :

 d’assurer, dans la sérénité, la tenue des élections aux dates fixées par le calendrier électoral, à condition du respect de leurs caractères libres et transparents ;
 de mettre en oeuvre un véritable programme d’information et de sensibilisation dans l’ensemble du territoire sur les opérations électorales, ce en concertation avec la société civile ;
 de garantir l’indépendance et l’efficience de la Commission électorale indépendante.

Concernant les défenseurs des droits de l’Homme :

 de garantir l’intégrité physique et morale des défenseurs ;
 de garantir les droits des défenseurs des droits de l’Homme tels que définis dans la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998

Au procureur de la Cour pénale internationale

 d’élargir les charges retenues contre Thomas Lubanga et de poursuivre, quelle que soit leur niveau actuel de responsabilité, d’autres auteurs de violations massives des droits de l’Homme perpétrées en Ituri ou dans d’autres parties du territoire congolais.

A la communauté internationale

 d’obtenir des autorités congolaises qu’elles mettent tous les moyens en œuvre pour assurer la sécurité sur l’ensemble du territoire de la RDC ;
 d’utiliser tous les moyens diplomatiques et politiques afin que l’organisation des élections respecte les principes et normes internationaux applicables en la matière, à défaut de quoi la RDC risquerait de s’enliser dans une crise durable.

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