Un dialogue au rabais

01/03/2005
Communiqué

A la veille de la première réunion de consultations entre l’Union européenne et la Russie, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme prend note avec espoir de l’ouverture de consultations mais regrette sincèrement que des consultations aussi fondamentales n’aient pas été organisées en respectant les lignes directrices de l’Union européenne sur les dialogues en matière de droits de l’Homme.

Adoptées par le Conseil de l’Union européenne le 13 décembre 2001, ces lignes directrices ont pour raison d’être de favoriser la cohérence et la consistance de l’action de l’Union européenne en matière de dialogues sur les droits de l’Homme. Elles ont également pour rôle de définir les conditions et les modalités avec lesquelles de tels dialogues doivent être mis en œuvre.

En particulier, selon ces lignes directrices, toute décision d’établir un mécanisme de dialogue doit être précédée d’une évaluation de la situation des droits de l’Homme dans le pays avec lequel ce dialogue pourrait être initié. Cette évaluation doit permettre d’identifier les thèmes devant faire l’objet des discussions, en identifiant les préoccupations des organismes internationaux (ONU, Conseil de l’Europe, Parlement européen (PE), etc.) comme celles des organisations non gouvernementales (ONG). Or force est de constater qu’aucune consultation n’a été faite, ni au niveau du PE ni au niveau des ONG sur la situation en Russie. Il n’est d’ailleurs même pas établi qu’une évaluation préalable de la situation ait été faite par le Conseil de l’UE.

Le texte des lignes directrices spécifie que cette évaluation doit notamment établir l’attitude du gouvernement tiers vis-à-vis de la société civile, son engagement à respecter les conventions internationales en matière de respect des droits de l’Homme et sa disponibilité à coopérer avec les mécanismes et procédures en matière des droits de l’Homme des Nations unies, avant d’évaluer l’opportunité d’engager le dialogue. S’agissant de la société civile, la FIDH et l’OMCT dans le cadre du programme de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme ont dressé un constat accablant : alors qu’ils devraient, selon les instrument internationaux, être soutenus et protégés par l’Etat, les défenseurs des droits de l’Homme sont au contraire menacés, harcelés et persécutés par la justice, les forces de l’ordre, ou l’administration, et discrédités par les plus hautes autorités de l’Etat.[1] La situation des médias est tout aussi préoccupante puisqu’à la suite du musellement des organes de presse, il n’existe aujourd’hui pratiquement plus de médias indépendants en Fédération de Russie. Enfin, force est de constater que les violations des droits de l’Homme commises en Russie n’ont de cesse de s’accroître ces dernières années[2]. Aucune des exigences posées par les mécanismes de l’ONU, de l’OSCE ou du Conseil de l’Europe n’ont à ce jour effectivement été mises en œuvre. Les Conventions internationales en matière de protection des droits de l’Homme sont donc loin d’être respectées devant la perpétration en Tchétchénie de crimes de guerre et de crimes contre l’Humanité. Les exactions des autorités russes dans cette République viennent d’ailleurs d’être condamnées par la Cour européenne des droits de l’Homme[3].

Enfin, les lignes directrices précisent que la tenue d’un dialogue ne doit nullement empêcher l’UE de soumettre ou de soutenir des résolutions relatives à des violations commises dans le pays interlocuteur. A cet égard, la FIDH regrette que l’ouverture des consultations coïncide avec la décision de l’Union européenne de ne pas présenter de résolution sur la situation des droits de l’Homme en Tchétchénie lors de la 61ème session de la Commission des droits de l’Homme à Genève.

Contexte

A la suite du Sommet entre l’Union européenne et la Russie de novembre 2004, il a été décidé la mise en place d’un mécanisme de dialogue structuré et régulier entre l’UE et la Russie sur la situation des droits de l’Homme. Le 09 février 2005, la Russie a confirmé sa participation à des « consultations » régulières sur les droits de l’Homme. Ces réunions de consultation devraient se tenir deux fois par an et se feraient selon la formule d’une Troika UE-Russie. La première de ces réunions doit normalement se tenir le 1er mars 2005. Les lignes directrices sur les dialogues en matière de droits de l’Homme[4] avaient été adoptées par l’Union européenne en préalable à la décision d’engager un dialogue structuré avec la République islamique d’Iran sur la situation des droits de l’Homme dans ce pays. Elles sont un des différents « outils » de mise en œuvre de la politique de l’Union européenne en matière de droits de l’Homme. L’objectif de ces dialogues est notamment de permettre à l’Union européenne de soulever les préoccupations qu’elle a vis à vis du pays interlocuteur en matière de droits de l’Homme, aux fins d’amélioration de la situation des droits de l’Homme dans ce pays. La participation de la société civile aux dialogues est envisagée dans les lignes directrices, dans le cadre de l’évaluation préliminaire à la décision d’ouvrir un dialogue, dans les différentes sessions de dialogue, comme dans le suivi et l’évaluation du dialogue.

Contact presse : +33 1 43 55 25 18 / 14 12

[1]

Rapport de l’Observatoire pour la protection des Défenseurs des droits de l’Homme (FIDH/OMCT), Les défenseurs des droits de l’Homme face à la "dictature de la loi", 12/10/2004

[2] Voir notamment :

FIDH, Roms de Russie : Au croisement de toutes les discriminations, 07/12/04

FIDH, Déclaration conjointe des ONG sur la tragédie des otages de Beslan, 08/09/04

[3] Voir à ce sujet :

FIDH, Tchétchénie : la Russie condamnée par la Cour européenne des droits de l’Homme ... Enfin ! ! !, 25/02/05

[4] http://ue.eu.int/uedocs/cmsUpload/14469EN_HR.pdf

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