Détention de maître Mohammed Abou et agressions contre les avocats de la défense

17/03/2005
Communiqué

Paris, Genève, le 17 mars 2005 - La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), expriment leur vive inquiétude devant les irrégularités dans la procédure judiciaire visant maître Mohammed Abou, membre de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (AISSP), ancien dirigeant de l’Association des jeunes avocats et membre du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) et les nouvelles atteintes à la liberté d’expression. La FIDH et l’OMCT sont également préoccupées par les agressions perpétrées à l’encontre des avocats venus prendre sa défense.

Le 1er mars 2005 tard dans la soirée, Me Abou a été arrêté à Tunis, par la police politique, sans qu’aucune convocation ou mandat ne lui soit adressé alors que cette affaire avait été enregistrée en septembre 2004. Les charges contre lui portent sur la diffusion sur Internet d’une tribune rédigée en août 2004, où il compare les conditions de détention en Tunisie à celles dans la prison d’Abou Ghraib, en Irak. Cette interpellation est survenue au lendemain de la diffusion sur internet d’un nouvel article de maître Abou dans lequel il critique l’invitation faite par le président tunisien Ben Ali au Premier ministre israélien, Ariel Sharon, au Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), qui se tiendra en novembre 2005. Les accusations portées contre lui sont la diffusion de fausses nouvelles de nature à troubler l’ordre public, la diffamation de l’appareil judiciaire et l’incitation à la rébellion et relèvent donc du délit d’opinion.
Cette arrestation s’inscrit dans le cadre de violents actes de répression de rassemblements pacifiques (voir le communiqué conjoint OMCT-FIDH du 8 mars 2005).

Me Abou a initialement été détenu dans la prison du 9 avril à Tunis. Ses avocats et sa famille ont rencontré de nombreuses difficultés pour faire valoir leur droit de visite et n’ont pu lui rendre visite que dans des conditions très restreintes. Le 11 mars 2005, il a été transféré à la prison du Kef (à 170 km de Tunis). Ce transfert constitue une violation du code de procédure pénale. En effet, le mandat de dépôt a été délivré pour la prison du 9 avril et cette décision ne peut être modifiée que par la chambre d’accusation.

Le 2 mars 2005, les avocats venus au Palais de justice pour assurer la défense et assister à l’interrogatoire de Me Abou, ont été empêchés d’assister à l’audience devant le juge d’instruction. Ils ont par ailleurs, été physiquement agressés, tout comme l’épouse de Mohammed Abou qui était également présente. A la suite de ces faits, l’audience a été ajournée.

Le 16 mars 2005, Me Abou devait de nouveau comparaître devant le juge d’instruction. Dès le début de la matinée, les policiers, présents en grand nombre, ont tenté d’empêcher son épouse de pénétrer à l’intérieur du Palais de justice de Tunis. Elle n’a pu entrer qu’entourée et accompagnée de dizaines d’avocats. Peu après, les couloirs du Palais de justice ont été bloqués.

Une délégation formée de cinq avocats dont le bâtonnier du Conseil de l’ordre des avocats s’est présentée au bureau du juge d’instruction du deuxième bureau pour lui présenter les avis de constitutions signés par 815 avocats pour défendre leur collègue dans cette affaire et discuter des modalités de déroulement de l’audience. Les membres de la délégation ont alors constaté que maître Abou n’était pas présent. Seul le bâtonnier, maître Abdessatar Ben Moussa, a été admis dans le bureau. Le juge, monsieur Faouzi Sassi, l’a informé que seuls 10 avocats étaient admis à assister leur collègue. Lorsque le bâtonnier a essayé de discuter cette décision, contraire à l’article 72 du code de procédure pénale, le juge a réagi violemment, lui intimant l’ordre de quitter son bureau. Devant les protestations de maître Ben Moussa, le juge n’a pas hésité à le brutaliser en le poussant par la force vers la porte.

La FIDH et l’OMCT demandent aux autorités tunisiennes de libérer dans les plus brefs délais Me Abou, détenu arbitrairement. Nos organisations appellent également au respect de la liberté d’expression et au droit à un procès équitable en Tunisie, conformément aux dispositions des instruments internationaux applicables en la matière.

La FIDH et l’OMCT exhortent enfin les autorités tunisiennes à se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et notamment à son article 9.3.c selon lequel « chacun a le droit individuellement ou en association avec d’autres d’offrir et de prêter une assistance juridique professionnelle qualifiée ou tout autre conseil et appui pertinents pour la défense des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ».

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