La condamnation de Hamma Hammami et de ses camarades à de très lourdes peines : une caricature de justice

04/02/2002
Impact

" Les magistrats n’ont pas exercé leur fonction ", rapporte l’observateur mandaté par la FIDH, M. Pierre Lyon-Caen, Avocat général près la Cour de Cassation (France)
La FIDH saisit les mécanismes de protection des droits de l’Homme des Nations Unies

A l’issue d’un procès qui n’a duré que quelques minutes ce samedi 2 février, une peine de 9 ans et 3 mois de prison ferme a été prononcée contre M. Hamma Hammami et Samir Taamallah par le tribunal correctionnel de Tunis.

Une peine de 11 ans et 3 mois a été prononcée contre Abdeljabar Maddouri. Dans la clandestinité depuis février 1998, M. Hammami, Président du Parti communiste ouvrier tunisien (PCOT, interdit) avait été condamné en août 1999 par contumace avec MM. Maddouri et Taamallah à 9 ans et trois mois de prison pour appartenance au PCOT. En janvier 2002, leurs avocats ont fait opposition à ce jugement ; un nouveau procès s’ouvrait donc ce 2 février. A cette occasion, les trois accusés sont réapparus publiquement après quatre années passées dans la clandestinité. Ils ont comparu libres devant le tribunal. Par ailleurs, Ammar Hamroussia, qui avait fait l’objet, lui, d’une condamnation définitive à une peine de deux ans et demi de prison en novembre 1997, et qui vivait également dans la clandestinité, a été interpellé violemment sur la voie publique à l’issue du procès.

Le procès qui s’est déroulé samedi a été précédé d’une intervention très violente des services de sécurité, civil, qui ont fait un usage de la force manifestement disproportionné, interpellant de manière violente et gratuite les accusés et agressant la deuxième fille de H. Hammami, âgée de 13 ans, dans une salle d’audience comble. Deux cent avocats en robe étaient présents dans la salle et un grand nombre d’entre eux assuraient la défense des accusés, dont le bâtonnier le l’ordre des avocats tunisiens. Une centaine de défenseurs des droits de l’Homme tunisiens étaient présents, ainsi qu’une trentaine d’observateurs, parmi lesquels de représentants diplomatiques. L’ambassade de France n’était pas représentée. De nombreux journalistes étaient également présents. Un journaliste tunisien a été arrêté et relâché une heure plus tard. Le Cameraman d’ARTE s’est vu violemment confisquer sa caméra, qui ne lui a été remise que le lendemain. L’équipe de France 3 s’est quant à elle vue confisquer une cassette, qui ne lui pas été rendue. Trois militants des droits de l’Homme ont été si gravement molestés qu’ils ont du être hospitalisés.

Le procès lui-même n’a consisté qu’en un prononcé de verdict, sans qu’à aucun moment les accusés ne se voient notifier les charges retenues à leur encontre, et sans qu’ils ne se voient donner la possibilité de se défendre. " Le verdict a été rendu sans aucune garantie d’une justice équitable : les magistrats n’ont pas exercé leur fonction au cours de cette caricature de justice ", a déclaré M. Lyon-Caen, Avocat général près la Cour de Cassation (France) mandaté par la FIDH pour observer ce procès.

La FIDH condamne avec la plus grande fermeté le verdict prononcé contre les membres du PCOT, qui s’inscrit en violation flagrante avec les engagements internationaux de la Tunisie, et en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle considère que leur détention est arbitraire non seulement parce qu’elle vise à sanctionner leurs opinions politique mais en outre parce qu’elle fait suite à un procès inique. Elle appelle les autorités tunisiennes à les libérer de manière inconditionnelle et immédiate.

La FIDH condamne en outre la violence gratuite dont les services de sécurité ont fait usage dans la salle d’audience.

La FIDH fait part de sa plus grande inquiétude pour l’intégrité physique des quatre condamnés, qui sont actuellement détenus au secret. Il est en effet aujourd’hui impossible de savoir où sont enfermés M. Hamma Hammami et ses trois camarades. Leurs avocats et les membres de leurs familles se sont vus refuser un permis de visite ce matin par le greffier du tribunal. La FIDH craint que cette détention au secret ne signifie que Hamma Hammami et ses camarades ne soient soumis à un traitement cruel, inhumain ou dégradant, voire à des actes de torture, dont ils ont déjà été victimes lors de leurs précédentes détentions. Ces craintes se fondent par ailleurs sur l’existence d’une pratique systématique de la torture en Tunisie, dénoncée notamment par le Comité contre la torture des Nations Unies. Elles sont en outre confortées par la violence de l’intervention des forces de police lors du procès.

La FIDH saisit le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations Unies, ainsi que le Rapporteur spécial sur la liberté d’expression, le Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats et le Rapporteur spécial contre la torture et leur demande d’intervenir auprès des autorités tunisiennes selon leur procédure urgente.

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