Un coup d’Etat qui ne dit pas son nom

17/07/2009
Communiqué

Une mission de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) s’est rendue au Niger du 7 au 14 juillet 2009. Accompagnés de représentants de son organisation membre, l’Association nigérienne de défense des droits de l’Homme (ANDDH), les chargés de mission ont entre autres rencontré le président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales, le Médiateur de la République, la ministre des Droits des femmes, des représentants du parti au pouvoir et des partis d’opposition ainsi que les structures de la société civile.

Au cours de ces rencontres, la FIDH et l’ANDDH ont condamné la décision du Président, Mamadou Tandja, de recourir le 4 août 2009 à un referendum pour proposer aux citoyens nigériens une nouvelle constitution au mépris de l’arrêt défavorable de la Cour constitutionnelle pourtant exécutoire. Le projet de nouvelle constitution propose de donner des pouvoirs exorbitants au chef de l’Etat et prolonge sans élection le mandat de l’actuel président de la République jusqu’en décembre 2012 alors que son second et dernier mandat devait s’achever le 22 décembre 2009. La démarche du Président nigérien viole la Constitution, les principes de l’Union africaine sur le respect de l’Etat de droit et de la démocratie, et le protocole de bonne gouvernance adopté par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

La FIDH et l’ANDDH déclare illégal l’octroi des pleins pouvoirs par le président de la République le 26 juin 2009 selon l’article 53 de la Constitution. Non seulement les menaces à l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire national ou l’exécution des engagements internationaux permettant le recours à cet article étaient infondées mais l’Assemblée Nationale qui doit, selon la Constitution, apprécier la durée de l’exercice des pouvoirs exceptionnels ne pouvait le faire car elle fut dissoute le 26 mai dernier par le Président nigérien.

Aussi nos organisations condamnent la décision du Président de la République de dissoudre la Cour constitutionnelle le 29 juin et de suspendre à titre provisoire les compétences de celle-ci en matière constitutionnelle et électorale. Par ailleurs, nos organisations condamnent la faculté octroyée au Conseil supérieur de la communication de suspendre de manière discrétionnaire tout média pour trouble à l’ordre public. Ces décisions permettent de douter de la transparence du vote référendaire et accrédite la qualification des agissements du Président Tandja de coup d’Etat.

Par ailleurs, nos organisations sont extrêmement inquiètes de la situation de tension qui prévaut dans le pays manifestée par le refus des partis d’opposition de répondre à l’appel de l’ex président de l’Assemblée nationale pour un règlement à l’amiable de la crise. Nos inquiétudes sont particulièrement grandes considérant la marche prévue le 25 juillet organisée par toutes les forces d’opposition.

Aussi, nos organisations :

 demandent l’extinction des pleins pouvoirs octroyés au Président de la République avant le vote référendaire si celui-ci se tient comme prévu.

 déplorent que la situation au Niger n’ait pas fait l’objet de réelles discussions à l’occasion de la Conférence d’Etat et de gouvernement lors du 13è sommet de l’Union africaine qui s’est tenu à Sirte, Libye, du 1er au 3 juillet 2009 et demandent à l’Union Africaine, à l’Organisation internationale de la Francophonie et à la CEDEAO de condamner la rupture avec l’ordre constitutionnel et de demander son rétablissement immédiat.

 appellent l’Union africaine, la CEDEAO et l’Union européenne à prendre des sanctions contre le Président Tandja au cas où ce dernier ne rétablirait pas l’ordre constitutionnel duquel il tire sa légitimité.

 appellent les autorités nigériennes à autoriser les manifestations pacifiques et demandent aux forces de sécurité d’agir conformément aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques sous peine de voir leur responsabilité engagée en cas d’utilisation illégale et disproportionnée de la force.

 appellent les autorités nationales à garantir l’intégrité physique et morale des défenseurs des droits de l’Homme, conformément à la Déclaration des Nations unies adoptée en 1998.

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