Tunisie : la paix sociale menacée

13/12/2012
Communiqué

La FIDH, la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’Homme (LTDH), le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), le Réseau euro-méditerranéen pour les droits de l’Homme (REMDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) s’inquiètent vivement de la recrudescence d’actes de violences perpétrés dans le cadre de manifestations en Tunisie.

Le 4 décembre dernier, alors que l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) commémorait le 60éme anniversaire de l’assassinat du leader et fondateur du mouvement syndical tunisien, Farhat Hached, des groupes de personnes identifiées comme appartenant aux « ligues de protection de la révolution » s’en sont pris à des manifestants rassemblés devant le siège de l’UGTT. Des slogans hostiles à la centrale syndicale appelant notamment à son « épuration » ont été entonnés. Des témoins ont fait état de l’utilisation de gaz paralysant et de la présence d’armes blanches parmi les groupes d’assaillants. Des fonctionnaires de l’UGTT, syndicalistes, membres du bureau exécutif et des personnalités politiques présentes ont été victimes d’agressions verbales et physiques. Des jets de pierres et l’utilisation de bâtons ont par ailleurs occasionné d’importants dégâts matériels au siège de l’UGTT.

Suite à cette attaque, l’UGTT a annoncé le 5 décembre la tenue d’une grève générale à l’échelle nationale pour protester contre ces attaques, le 13 décembre 2012. La Centrale dénonce une campagne de dénigrement à son encontre qui s’est renforcée ces derniers mois. La direction de l’UGTT et des militants ont été à plusieurs reprises la cible d’actes de harcèlement et de violences. Le 12 décembre 2012, l’UGTT a annoncé l’annulation de la grève générale suite un accord passé avec le gouvernement dont le contenu n’est pas encore connu.

Quelques jours plus tôt, les manifestations qui se sont déroulées à Siliana (120 kms au sud-ouest de Tunis) entre le 27 novembre et le 1er décembre 2012 déclenchées après un appel à la grève générale par le bureau régional de l’UGTT ont été violemment réprimées. Plus de 200 personnes ont été blessées alors que les forces de l’ordre tentaient de disperser les manifestants. Celles-ci ont utilisé des matraques et du gaz lacrymogène en grande quantité et souvent à courte distance des manifestants. Des tirs de chevrotine ont également touché des manifestants, 20 personnes présentent en conséquence des risques de cécité.

Les manifestants rassemblés à Siliana à l’appel de l’UGTT réclamaient la mise en place d’un plan de développement économique, le départ du gouverneur et la libération de 14 personnes détenues depuis avril 2011 et en attente de jugement. Le gouvernorat de Siliana est en proie à une situation socio-économique très difficile. Selon l’UGTT, la région a connu un recul de 66% dans la création d’emplois et une baisse de 45% des investissements entre janvier et octobre 2012.

C’est un accord conclu entre l’UGTT et le gouvernement le 2 décembre 2012 qui a mis fin aux manifestations à Siliana. Cet accord prévoit de mettre à l’écart le gouverneur et de charger le premier délégué provisoirement des affaires du gouvernorat, d’accélérer l’examen des dossiers judiciaires des jeunes détenus depuis avril 2011 et d’accorder une « attention spécifique » aux personnes blessées lors des manifestations.

Toutefois, les déclarations lors des événements, de représentants du gouvernement tunisien dont le chef du gouvernement accusant des partis politiques, des syndicalistes et des défenseurs des droits de l’Homme d’être à l’origine des actes de violences perpétrés par des manifestants à Siliana constituent une menace pour la paix sociale déjà fragile.

Dans ce contexte tendu et d’atteintes répétées à l’encontre de l’UGTT, nos organisations saluent la décision de la Centrale de maintenir le dialogue.

Les organisations signataires dénoncent ces actes de violence et appellent les autorités tunisiennes à diligenter des enquêtes indépendantes et impartiales afin que toute la lumière soit faite sur les violences perpétrées et que les responsables aient à rendre compte devant la justice. Nos organisations appellent à assurer la sécurité des personnes et des institutions menacées ou agressées et à agir dans le respect des obligations internationales de la Tunisie et notamment de protéger le droit au rassemblement pacifique tel que garanti par l’article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par la Tunisie en 1969.

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