TotalFinaELf dans le collimateur de la justice belge

La FIDH et la LDH (Belgique francophone) soutiennent la plainte contre Total pour complicité de crimes contre l’humanité

Le 25 avril dernier, une plainte a été déposée en Belgique par quatre victimes birmanes soutenues par Action-Birmanie contre la société TotalFinaElf, pour complicité de crimes contre l’humanité sur le fondement de la loi belge dite de compétence universelle. L’actuel PDG de TotalFinaElf Thierry DESMARET et le Directeur de Total Myanmar Exploration Production pour la période de 1992 à 1999, Monsieur Hervé MADEO sont également visés dans la plainte pour complicité de crimes contre l’humanité.

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et son organisation membre en Belgique francophone la Ligue des droits de l’Homme (LDH) soutiennent entièrement la démarche des victimes birmanes.

La FIDH et la LDH contestent formellement les arguments présentés par TotalFinaElf dans son communiqué en date du 8 mai 2002 :

Il est clair que l’entreprise se contente de jouer sur les mots pour, une fois de plus, éviter d’aborder la question de sa responsabilité dans les violations des droits de l’Homme commises du fait de son chantier en Birmanie.

1. TotalFinaElf estime qu’il est "inimaginable qu’une entreprise telle que TFE puisse avoir recours au travail forcé".

La FIDH et la LDH tiennent à rappeler que les accusations à l’encontre du groupe n’ont jamais porté sur l’utilisation directe de travail forcé par l’entreprise et ses employés. Il est en revanche établi que TFE a en toute connaissance de cause bénéficié du travail forcé pratiqué par l’armée birmane dans les alentours du chantier, et du fait du chantier - l’armée ayant été requise par TFE pour garantir la sécurité du projet. Il est avéré que le gazoduc de TFE a occasionné et occasionne encore des violations massives des droits de l’Homme. La FIDH et la LDH rappellent que c’est là un fait reconnu par toutes les instances (nationales ou internationales, gouvernementales, intergouvernementales et non-gouvernementales) ayant eu à travailler sur la question.

La FIDH et la LDH s’étonnent d’autant plus des dénégations de TFE que ses dirigeants, ainsi que ceux d’Unocal, partenaire américain de TFE en Birmanie, ont déjà à de multiples reprises reconnu publiquement l’existence de violations de droits de l’Homme, et notamment de travail forcé, dues au projet. Il est dès lors pour le moins surprenant que TFE estime devoir être exonéré de toute responsabilité dans des exactions dont les dirigeants du groupe eux-mêmes reconnaissent qu’elles sont liées au chantier.

2. La FIDH et la LDH contestent par ailleurs le propos de TFE selon lequel le groupe n’aurait "jamais apporté aux forces armées du Myanmar (de...) soutien logistique".

De nombreux témoignages, notamment de déserteurs de l’armée birmane ainsi que d’employés de TFE, démontrent que TFE a à plusieurs reprises fourni un soutien logistique à l’armée dans la région, en particulier lors d’opérations militaires de grande ampleur. Ce soutien a notamment pris la forme de prêts d’hélicoptères. Des documents récemment parus dans la presse confirment, s’il en était besoin, ce fait.

3. Enfin, la FIDH et la LDH estiment parfaitement hypocrite de prétendre n’avoir jamais "apporté de rémunération" aux forces armées birmanes.

De fait, TFE apporte, par le biais de ce projet de plus d’1,2 milliards de dollars, un soutien économique inestimable à une junte exsangue financièrement - et dont il faut rappeler que l’essentiel des dépenses est consacré à l’achat d’armements. C’est d’ailleurs exactement la raison pour laquelle Aung San Suu Kyi a appelé TFE à cesser de soutenir la junte au pouvoir et à geler ses investissements en Birmanie.

La FIDH et la LDH réitèrent avec force leur condamnation totale du projet de TFE en Birmanie, qui ne bénéficie en aucune façon aux populations locales, et qui revient à accorder un soutien moral, politique, financier et militaire à un régime illégal, illégitime et condamné internationalement pour l’ampleur des violations des droits de l’Homme commises sur son territoire.

La FIDH et la LDH constatent que les démentis de TotalFinaElf ne constituent en aucune façon une réfutation des accusations portées contre le groupe ; et regrettent que cette seconde plainte déposée contre TFE pour son projet en Birmanie (après la plainte déposée aux Etats-Unis) n’ait manifestement pas été l’occasion pour le groupe d’assumer finalement sa responsabilité dans les violations de droits de l’Homme commises du fait de la réalisation de ce projet.

Enfin, elles appellent la communauté internationale à ne pas relâcher sa vigilance et ses pressions sur la junte birmane en vue de l’instauration en Birmanie d’un véritable Etat de droit.

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