TUNISIE : Nouvelle vague de répression à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme

31/07/2008
Communiqué

Genève-Paris, le 31 juillet 2008. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), condamne vivement la poursuite des actes de répression à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme en Tunisie.

Ainsi, le 27 juillet 2008, Mme Zakia Dhifaoui, membre de l’Association de lutte contre la torture en Tunisie (ALTT), membre de la section de Kairouan de la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH) et membre du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), a été arrêtée peu après 12 h, à Redeyef (sud ouest), qui a été le théâtre au printemps dernier d’une vague de protestation sociale sévèrement réprimée[1]. Mme Zakia Dhifaoui a été emmenée par des agents de la police politique qui ont envahi le domicile de M. Adnen Hajji - le leader de la contestation emprisonné depuis fin juin - où elle se trouvait en compagnie de Mme Hajji. Cette interpellation sans mandat et en violation des procédures légales a eu lieu suite à une marche pacifique qui s’était déroulée tôt dans la matinée à Redeyef afin de dénoncer la vague de répression dont ont été victimes les habitants du bassin minier de Redeyef et exiger la libération de tous les détenus, et au cours de laquelle Mme Dhifaoui avait pris la parole. Un mandat de dépôt a été émis contre elle et elle sera déférée aujourd’hui devant le Tribunal correctionnel de Gafsa. Trois professeurs et un instituteur ont également été arrêtés le jour même suite à cette marche de solidarité.

Par ailleurs, M. Othman Jmili et M. Faouzi Sadkaoui, membres de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (AISPP), ainsi que M. Khaled Boujemaa, membre du Parti démocrate progressiste (PDP), et M. Ali Neffati, ancien prisonnier politique, ont été arrêtés dans l’après midi du 25 juillet 2008 alors qu’ils se trouvaient dans un café et écroués à la prison de Bizerte. Le 29 juillet 2008, ils ont été déférés devant le Tribunal cantonal de Bizerte et accusé d’ « attroupement sur la voie publique » et « atteinte aux bonnes mœurs ». Un dispositif policier impressionnant a quadrillé les pourtours du Tribunal cantonal et interdit aux observateurs représentant la société civile tunisienne ainsi qu’à une partie des familles de pénétrer au sein du palais de justice. Les avocats ont quant à eux été soumis à un contrôle d’identité pour avoir le droit d’accéder à l’enceinte du tribunal. Ces derniers ont évoqué devant le tribunal le fait qu’ils ont été forcés de mettre leur empreinte digitale sur les procès-verbaux qu’ils avaient refusé de signer lors de l’interrogatoire préliminaire dans les locaux de la police. MM. Jmili, Sadkaoui, Boujemaa et Neffati sont soupçonnés par les autorités d’avoir pris part à un rassemblement pacifique devant la mairie, organisé le matin du 25 juillet, en compagnie de militants défenseurs de droits de l’Homme et politiques, à l’occasion de la fête de la République où des slogans en faveur des libertés publiques, contre la vie chère et contre la présidence à vie avaient été scandés. L’affaire a été reportée au 5 août 2008, à la demande de la défense. Le juge ayant refusé leur liberté provisoire, ils restent détenus à la prison de Bizerte.

Enfin, le 28 juillet 2008, MM. Lotfi Hajji, vice président le la section de la LTDH de Bizerte et président du Syndicat des journalistes tunisiens (SJT), et Mohamed Ben Saïd, membre de la section de la LTDH de Bizerte, ont été arrêtés à la sortie de l’autoroute reliant Bizerte à Tunis. Après un contrôle de « routine » qui a duré plus d’une heure, la police a restitué ses papiers à M. Mohamed Ben Saïd, qui conduisait la voiture. Quelques instants plus tard, MM. Ben Saïd et Hajji ont de nouveau été interceptés par une autre patrouille. Les policiers ont, cette fois, prétendu que Ben Saïd avait refusé d’obtempérer à une injonction de la police de s’arrêter. Malgré leurs protestations véhémentes, rappelant aux agents que non seulement ils avaient obtempéré, mais qu’ils avaient été retenus plus d’une heure à la sortie de l’autoroute, le chef de poste est arrivé et a ordonné l’arrestation de M. Ben Saïd qui a alors été conduit de force par des policiers en civil au poste de police et sa voiture conduite à la fourrière. M. Ben Saïd a été écroué à la prison civile de Mournaguia de Tunis pour « refus d’obtempérer » aux ordres de la police de la circulation. Une audience est prévue le 6 août 2008 devant le Tribunal d’instance de Tunis.

A quelques minutes d’intervalle, M. Ali Ben Salem, vice-président de l’ALTT et président de la section de Bizerte de la LTDH, a été arrêté par la police de la circulation à la sortie de l’autoroute reliant Bizerte à Tunis et retenu durant plus d’une heure sans raison alors qu’il était accompagné d’enfants de sa famille qui ont attendu comme lui sous un soleil de plomb. La police a alors exigé qu’il rebrousse chemin et qu’il revienne à Bizerte s’il voulait récupérer ses papiers. M. Ben Salem a donc été obligé de rebrousser chemin alors qu’il devait subir un examen de contrôle à l’hôpital Charles Nicolle à Tunis.

MM. Ben Saïd, Hajji et Ben Salem sont tous trois soupçonnés d’avoir participé au rassemblement du 25 juillet devant la mairie de Bizerte.

Les actes de harcèlement visant les défenseurs susmentionnés sont les derniers en date d’une série d’inculpations, d’arrestations et de harcèlement visant à museler les défenseurs des droits de l’Homme tunisiens, alors que le Président Ben Ali vient d’annoncer sa candidature pour un cinquième mandat à la présidence de la République. L’Observatoire demande par conséquent aux autorités tunisiennes de garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique des défenseurs susmentionnés et de procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de Mme Zakia Dhifaoui, M. Othman Jmili, M. Faouzi Sadkaoui, M. Khaled Boujemaa, M. Ali Neffati et M. Mohamed Ben Saïd dans la mesure où leur détention est arbitraire puisqu’elle vise à sanctionner leurs activités de défense des droits de l’Homme.

Par ailleurs, l’Observatoire prie les autorités tunisiennes de cesser tout acte de répression envers l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme et de rétablir les dialogues avec eux, de se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, et, plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par la Tunisie.

Pour plus d’informations, merci de contacter :
OMCT : Delphine Reculeau : + 41 22 809 49 39
FIDH : Gaël Grilhot : + 33 1 43 55 25 18

[1] Cf. communiqué de l’OMCT diffusé le 11 juin 2008,

http://www.omct.org/index.php?id=APP&lang=fr&actualPageNumber=1&articleSet=Appeal&articleId=7854

— 
Gaël Grilhot
Responsable du service de presse
Press Office Director
FIDH
17 passage de la main d’or
75011 Paris
France
tel : 00 33 1 43 55 90 19
fax : 00 33 1 43 55 18 80
mailto:ggrilhot@fidh.org
http://www.fidh.org

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