Résolution sur la situation des droits de l’homme au Mexique, adoptée par le Congrès de la FIDH réuni à Erevan

11/04/2010
Press release
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Résolution sur la situation des droits de l’homme au Mexique

Préoccupés par les politiques militaristes de l’État, sous la conduite du Président Felipe de Jesús Calderón Hinojosa – investi commandant en chef des forces armées – qui déclarent la guerre à la délinquance organisée sans qu’aucun pouvoir républicain n’établisse de limites à cet acte anticonstitutionnel ayant produit 20 000 morts, des milliers de détenus, des centaines de personnes torturées et de nombreuses atteintes aux libertés au nom de la « démocratie », ainsi que les innombrables plaintes contre membres de l’armée mexicaines pour violations des droits de l’Homme;

Consternés par le recours aux forces armées, à la sécurité publique, aux institutions de l’État et aux lois pour dépouiller la Compagnie d’électricité et d’énergie du centre de ses 34 000 travailleurs, par le démembrement du syndicat mexicain des électriciens en faveur de la privatisation du service d’énergie électrique, accompagné d’une campagne médiatique destinée à criminaliser les travailleurs et leurs familles, appuyée sur la légitimation de mesures répressives;

Alarmés par l’impunité, la protection et la promotion de celle-ci par le biais des institutions publiques, notamment dans le cas du procureur général de la République Arturo Chávez Chávez, dénoncé pour sa responsabilité dans le classement sans suite ou absence d’enquête des cas de féminicides commis lorsqu’il était procureur à Chihuahua ; ou de l’amiral Wilfrido Robledo Madrid, ancien responsable de l’agence de sécurité de l’État de Mexico (ASE), qui a dirigé l’opération policière menée à San Salvador Atenco, dans l’État de Mexico, en mai 2005, et qui sera le nouveau directeur de la police fédérale mexicaine, sous la tutelle du procureur général de la République (PGR);

Consternés par l’impunité dans le cas de l’incendie de la garderie ABC, qui a provoqué la mort de 49 enfants dans la ville de Hermosillo, Etat de Sonora, comme conséquence à la fois des politiques de privatisation et de la délégation des responsabilités du service des institutions infantiles et de l’Institut Mexicain de Sécurité Sociale, ainsi que du trafic d’influence, du népotisme et de la négligence des autorités fédérales, étatiques et municipales;

Préoccupés par les agressions à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme, la persécution des activistes sociaux, la criminalisation des manifestations sociales et la grave crise du système pénitentiaire;

Nous rappelons la déclaration du 10 décembre dernier par la Commission économique pour l’Amérique Latine et les Caraïbes (CEPAL), qui affirmait que… « le Mexique est le pays qui a été le plus touché par la crise. La pauvreté a toujours existé, mais ce qui s’est passé en 2009 et les politiques erronées du président Felipe Calderón ont plongé encore davantage de Mexicains dans la pauvreté. Et ceux qui étaient déjà pauvres sont tombés dans l’extrême pauvreté… » De plus, ces politiques, en bénéficiant aux entreprises et tout particulièrement aux entreprises transnationales au moyen de mégaprojets d’investissements, contribuent à une aggravation de la dégradation de l’environnement;

Nous tenons à souligner que les politiques publiques destinées aux peuples autochtones ne les reconnaissent pas comme des sujets de droit. Cette situation empêche toute possibilité de mettre en œuvre des « programmes sociaux et de développement » avec la participation de ces peuples, ce qui favorise leur extinction, leur perte d’identité et leur emploi comme main d’œuvre bon marché;

Considérant que le niveau de violence envers les femmes et ses diverses formes demeure élevé, à la fois comme conséquence et symptôme de la discrimination et de l’inégalité généralisée pour des motifs de genre, de condition socio-économique, d’origine ou d’ethnie, associées à un manque d’accès au système de protection sociale d’un Etat qui ne met en oeuvre les mesures nécessaires ni à l’obtention du respect et de la promotion des droits de la femme, ni à l’élimination de la violence à l’égard de celle-ci;

Nous dénonçons l’attitude du gouvernement mexicain qui, bien qu’ayant annoncé (verbalement) et signé sur le papier une large gamme d’instruments de justice universelle, ne cesse de placer des « cadenas » et d’approuver des lois « antidote » telles que les réformes constitutionnelles en matière pénale de 2008 ; la juridiction de la Cour pénale internationale (CPI) à discrétion du Sénat ; les réserves et les obstacles à la Convention interaméricaine sur la disparition forcée des personnes, empêchant de traiter des cas antérieurs à la signature de celle-ci, et le fait que les militaires impliqués puissent être jugés par des tribunaux militaires et non civils;

Nous signalons que la Cour interaméricaine des droits de l’homme(CIDH) a prononcé deux jugements contre le Mexique, l’un dans l’affaire de la disparition forcée de Rosendo Radilla Pacheco et l’autre pour les féminicides de Claudia Ivette González, Laura Berenice Ramos Monárrez et Esmeralda Herrera Monreal, les trois femmes disparues au Campo Algodonero de Ciudad Juárez.

Finalement, nous rappelons que le Mexique a été examiné le 10 février 2009 dans le cadre de l’Examen périodique universel (EPU) du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. A cette occasion, 91 recommandations ont été émises, dont 83 ont été acceptées par le gouvernement, tandis que 8 autres – les plus importantes en matière de protection des droits de l’homme – ont fait l’objet de réserves.

1. Adapter la définition de criminalité organisée à la Convention des Nations Unies contre la criminalité internationale organisée ; 2. Abolir la pratique du placement (arraigo) ; 3. Assurer la primauté de la juridiction civile sur le système de justice militaire dans tout le pays ; 4. Étendre la juridiction civile aux cas de violations de droits de l’homme commis par des militaires ; 5. Suivre les recommandations du Comité contre la torture et du Haut-Commissariat afin de garantir que les tribunaux civils jugent les violations des droits de l’homme, en particulier la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants, commis par le personnel militaire, même lorsqu’ils ont prétendument été commis durant le service ; 6. Octroyer la juridiction aux autorités civiles pour traiter les violations de droits de l’homme commises par des membres des forces armées dans le cadre d’opérations de sécurité. De même, dans le cas où la participation militaire s’effectue dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée, adopter les mesures nécessaires pour renforcer la protection des droits de l’homme ; 7. Revoir les dispositions légales pertinentes pour garantir que les violations des droits de l’homme commises par les forces militaires soient traitées par des tribunaux civils. 8. Rétablir le tribunal spécial sur les mouvements sociaux et politiques du passé ou créer un bureau similaire, pour transmettre un signal clair dans la lutte contre l’impunité.

Le Congrès de la FIDH:

Exhorte la communauté internationale à exiger au gouvernement mexicain d’adopter toutes les recommandations de l’EPU et les autres recommandations d’instruments de l’ONU et de l’OEA en matière de droits de l’Homme, ainsi que les décisions de la Cour interaméricaine des droits de l’Homme ; de renforcer les mécanismes nécessaires aux fins de traiter les graves violations des droits de l’Homme ; de promouvoir l’adaptation de la législation nationale au droit international ; et d’éliminer toutes les réserves et les déclarations entravant la protection des droits de l’Homme.

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