Un nouveau témoignage accablant sur la responsabilité présumée du Général Numbi dans les assassinats de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana

18/10/2012
Appel urgent
RDC

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), appelle la Haute cour militaire à prendre acte du témoignage fourni par l’ex inspecteur de la police nationale congolaise (PNC), Paul Mwilambwe, pour fonder sa décision sur l’éventuelle comparution du principal suspect de l’assassinat de deux défenseurs des droits de l’Homme dans la nuit du 1 er au 2 juin 2010.

L’ex inspecteur Paul Mwilambwe, condamné à la peine de mort par contumace dans l’« affaire Chebeya », en fuite à l’extérieur de la RDC, a délivré son témoignage sur les circonstances des assassinats des défenseurs congolais Floribert Chebaya Bazire et Fidèle Bazana Edadi dans une interview rendue publique par Radio France Internationale (RFI) le 17 octobre 2012.

Dans cette interview, Paul Mwilambwe affirme avoir rencontré Floribert Chebeya le 1er juin 2010, assisté au meurtre de ce dernier et que le commanditaire de l’assassinat était le général John Numbi, chef de la police à l’époque. Il prétend avoir vu, depuis son bureau sur sa caméra de surveillance, « le major Christian Ngoy Kenga Kenga et quelques éléments de la police cagouler Chebeya avec les sachets [de la marque] Viva ». Ils l’auraient alors conduit « au hangar » où M. Mwilambwe s’est rendu pour s’enquérir de la situation. Le major Christian Ngoy lui aurait alors répondu : C’est un ordre qui vient de la hiérarchie ». Son témoignage continue comme suit : « C’est le général Numbi qui a intimé l’ordre au major Christian. Et lorsqu’il a donné cet ordre, il a dit au major Christian que cet ordre vient du président de la République. Ça c’est le major Christian qui me le rapporte. D’abord l’ordre est venu : toute personne qui accompagnerait Chebeya, que ça soit son fils, que ça soit son collègue, que ça soit son épouse, doivent subir le même sort que Chebeya. Et il m’a dit : « Voyez dans la voiture. Son chauffeur, on l’a déjà exécuté ». J’ai regardé la voiture et j’ai vu un corps sans vie. Et lorsque je parle avec le major Christian, les policiers sont en train de continuer à étouffer Chebeya ».

La prochaine audience du procès en appel dans l’affaire Chebeya doit se tenir le 23 octobre 2012. La Haute cour militaire devra alors se prononcer sur la requête formulée par les avocats des parties civiles visant à faire comparaître en tant que prévenu le principal suspect de l’assassinat de MM. Floribert Chebaya Bazire et Fidèle Bazana Edadi, respectivement fondateur et directeur exécutif et membre de l’organisation la Voix des sans voix (VSV), à savoir le général John Numbi Banza Tambo, inspecteur général de la police nationale congolaise (IG/PNC).

La Cour militaire de Kinshasa-Gombe saisie en première instance, arguant qu’elle ne pouvait faire comparaître un haut gradé, n’avait pas examiné le rôle joué par le général John Numbi, alors que l’instruction de l’Auditorat militaire avait permis d’envisager sa responsabilité en tant qu’instigateur de ces crimes.

« Les éléments de preuves et indices concordants relevés lors du procès en première instance et les témoignages comme celui délivré par M. Mwilambwe éclairant la prétendue responsabilité de M. Numbi dans l’assassinat des défenseurs Chebeya et Bazaba sont accablants. La justice congolaise doit être exemplaire dans cette affaire et être capable d’instruire le rôle joué par le général John Numbi », a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.

« Plus de deux ans après le meurtre de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, il est urgent que toute la lumière soit faite sur leur disparition, conformément à la ferme volonté soulignée par le Président Kabila à l’occasion de son discours d’ouverture du Sommet de la Francophonie qui vient de se clore à Kinshasa que la République démocratique du Congo soit « un Etat de droit, respectueux des principes de démocratie et des droits et libertés fondamentaux ». Par ailleurs, l’Observatoire appelle à nouveau les autorités congolaises à tout mettre en œuvre afin que le corps de M. Bazana soit rendu à sa famille », a ajouté M. Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT.

L’Observatoire rappelle que le Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP) impose aux autorités judiciaires de mener une enquête exhaustive et impartiale sur ce double assassinat, et de traduire en justice tous ses responsables, quelles que soient leurs fonctions.

Rappel des faits :

Dans la nuit du 1er au 2 juin 2010, le corps de M. Chebeya, un des défenseurs des droits de l’Homme les plus respectés dans le pays et sur tout le continent, membre de l’Assemblée Générale de l’OMCT, était retrouvé dans sa voiture à la sortie de Kinshasa. Le corps de son chauffeur, M. Bazana n’a jamais été retrouvé.

Une mission d’observation judiciaire de l’Observatoire sur le procès ouvert devant la Cour militaire avait révélé de nombreux dysfonctionnements dans la procédure judiciaire qui empêchaient la justice d’établir les responsabilités de ce double assassinat. En effet, des hauts responsables de la police, dont le général John Numbi, suspecté d’être le commanditaire des crimes, ne figuraient pas sur la liste de prévenus. Leur responsabilité n’avait pu être invoquée au motif que les hauts gradés ne peuvent comparaître que devant la Haute cour militaire. Cette situation d’impunité avait jeté de sérieux doutes sur la pleine indépendance de la justice dans cette affaire. Le rapport de la mission a notamment appelé les autorités à ré-ouvrir l’enquête, assurer l’indépendance, l’exhaustivité et l’impartialité de la procédure judiciaire, et à traduire en justice tous les responsables devant un tribunal compétent, indépendant et impartial.

Le 23 juin 2011, la Cour militaire de Kinshasa-Gombe reconnaissait la responsabilité civile de l’Etat congolais dans l’assassinat M. Chebeya, ainsi que dans l’enlèvement et la détention illégale de M.Bazana par plusieurs de ses agents. Elle condamnait cinq des huit policiers prévenus, dont quatre à la peine capitale et un à la prison à perpétuité. En outre, l’Observatoire rappelait que trois des condamnés à mort étaient toujours en fuite, et que trois policiers dont l’instruction avait pourtant révélé le rôle dans la disparition d’éléments de preuve étaient acquittés. L’Observatoire soulignait d’autre part son opposition au recours à la peine de mort prononcée par la Cour militaire, châtiment réprouvé par le droit international comme une pratique inhumaine et dégradante.

Pour plus d’informations sur l’affaire, voir le rapport d’observation judiciaire publié par l’Observatoire le 24 juin 2011 :

FIDH : http://www.fidh.org/IMG/pdf/RapRDCVSVOBSjuin2011.pdf

OMCT : http://www.omct.org/fr/human-rights-defenders/reports-and-publications/congo-dem-republic/2011/06/d21312/

Pour plus d’informations, veuillez contacter :
· FIDH : Arthur Manet, + 33 1 43 55 25 18
· OMCT : Delphine Reculeau, + 41 22 809 49 39

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