Rapport : Enquête sur le charnier de Yopougon du 26 octobre 2000

22/12/2000
Rapport

Le 26 octobre 2000, un charnier de cinquante-sept
personnes est découvert à Yopougon, un quartier
populaire du nord-ouest d’Abidjan, la capitale économique
de la Côte d’Ivoire.

Cette découverte intervient dans un contexte politique
insurrectionnel. Cinq jours plus tôt, le dimanche 22
octobre, une élection présidentielle a opposé notamment
le général Robert Gueï à Laurent Gbagbo, le leader du Front
populaire ivoirien (FPI). Alassane Dramane Ouattara, le
président du Rassemblement des républicains (RDR), a été
empêché de se présenter, au prétexte qu’il ne serait pas
Ivoirien. Alors que des résultats provisoires donnent M.
Gbagbo vainqueur, le ministère de l’Intérieur dissout la
commission nationale électorale et annonce la victoire du
général Gueï. Les 24 et 25 octobre, des dizaines de
milliers de personnes descendent dans la rue. Des
éléments des forces de sécurité, favorables au général
Gueï, tirent sur la foule, faisant des dizaines de morts. Une
partie de l’armée et la gendarmerie se rallient aux
manifestants, entraînant la fuite du général Gueï. Laurent
Gbagbo est officiellement investi, le 26 octobre en fin
d’après-midi.
Cependant, à l’aube du 26 octobre, des militants du RDR,
munis d’armes blanches (couteaux, machettes, gourdins,
etc.) et plus rarement d’armes à feu, envahissent les rues
d’Abidjan pour réclamer une nouvelle élection. Des
affrontements violents les opposent aux militants du FPI et
aux forces de l’ordre (police et gendarmerie). Le premier
bilan s’élève à plus d’une centaine de morts. Le 27
octobre, on découvre à Yopougon un charnier de cinquantesept
personnes. Ce massacre suscite une immense
émotion à l’intérieur du pays comme à l’étranger. Dès le
lendemain, les nouvelles autorités ivoiriennes affirment
leur volonté de faire toute la lumière sur cette affaire,
précisant qu’elles sont prêtes à accueillir une commission
d’enquête internationale.
C’est à la suite de cette proposition des autorités
ivoiriennes que la Fédération internationale des ligues des
droits de l’homme (FIDH) et Reporters sans frontières
(RSF) ont décidé de se rendre en Côte d’Ivoire. Une
délégation des deux organisations non gouvernementales
a séjourné à Abidjan du 13 au 19 décembre 2000.
Composée de Khemaïs Chammari, ancien vice-président de
la FIDH, Parfait Moukoko, président de l’Observatoire
congolais des droits de l’homme, Robert Ménard,
secrétaire général de RSF, et Jean-François Julliard,
coordinateur de la recherche à RSF, cette délégation a
notamment rencontré le président de la République, les
ministres de l’Intérieur, de la Défense, de la Justice ainsi
que le porte-parole du gouvernement, des responsables de
partis politiques, des magistrats en charge de l’enquête,
des responsables de la gendarmerie, des représentants
d’associations ivoiriennes de défense des droits de
l’homme, des journalistes ivoiriens, des correspondants de
la presse étrangère. Elle a également recueilli les
témoignages des deux rescapés du charnier et des parents
de victimes.
La mission devait répondre, dans le contexte des violences
dont la Côte d’Ivoire a été le théâtre ces trois derniers
mois, à trois questions centrales :
 qui a tué, et dans quelles conditions, les dizaines de
personnes retrouvées à Yopougon ?
 où en sont les procédures judiciaires et administratives
initiées par les autorités après la découverte du charnier ?
 quelle a été l’attitude des médias et quel sort leur a été
réservé pendant cette période ?

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