Poursuite du harcèlement à l’encontre de journalistes défenseurs indépendants

03/11/2009
Communiqué

Paris-Genève-Copenhague, le 3 novembre 2009. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), et le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) expriment leur plus vive inquiétude quant à la poursuite des actes de violence et de harcèlement à l’encontre des journalistes tunisiens Taoufik Ben Brik, Zouhair Makhlouf et Sihem Bensedrine.

Ces journalistes se sont particulièrement mobilisés ces dernières semaines afin de dénoncer les pratiques et actes contraires aux normes internationales qui se sont multipliés dans le contexte électoral. M. Taoufik Ben Brik est par ailleurs membre fondateur du Conseil national pour les libertés en Tunisie (CNLT) et M. Zouhair Makhlouf est membre de l’association "Liberté et équité", membre dirigeant du Parti démocrate progressiste (PDP) et ancien candidat aux élections législatives du 25 octobre 2009. Mme Sihem Bensedrine est quant à elle porte-parole du CNLT, journaliste et secrétaire générale de l’Observatoire pour la liberté de presse, d’édition et de création (OLPEC).

Le 3 novembre, alors que M. Makhlouf devait comparaître devant le Tribunal de première instance de Grombalia, Mme Bensedrine s’est vu refuser l’accès à la salle d’audience, qui était entourée d’un important dispositif policier. Les autorités ont argué que le procureur avait émis une décision selon laquelle seuls les avocats étaient autorisés à pénétrer à l’intérieur du tribunal. Me Mohamed Abbou, qui accompagnait Mme Bensedrine, est immédiatement allé vérifier cet élément auprès du substitut du procureur, qui a réfuté l’existence d’une telle décision. Mme Bensedrine, restée en dehors de la salle d’audience, a alors été bousculée puis sérieusement frappée par des policiers. L’audience dans l’affaire Zouhair Makhlouf a été reportée à une date ultérieure.

Le 2 novembre 2009, Me Chouki Tebib, Ayachi Hammami et Nejib Chebbi, avocats de MM. Ben Brik et Makhlouf, s’étaient par ailleurs vus refuser l’accès à M. Ben Brik par le directeur et le sous-directeur de la prison de Mornaguia, près de Tunis, en dépit d’un bulletin de visite signé par le substitut du Procureur M. Mohamed Amira. M. Ben Brik doit comparaître le 19 novembre devant le Tribunal de première instance de Tunis pour "agression", dans une affaire manifestement montée de toutes pièces.

Le même jour, les trois avocats avaient toutefois pu rendre visite à M. Makhlouf, en grève de la faim depuis plusieurs jours, et pu constater un état de santé alarmant. Ils ont notamment été informés que leur client avait été victime d’un malaise vagal le 1er novembre, et n’avait eu accès à un médecin qu’en fin de journée. M. Maklouf est incarcéré depuis le 21 octobre.

L’Observatoire et le REMDH dénoncent les actes de violence à l’encontre de Mme Sihem Bensedrine ainsi que la poursuite de la détention arbitraire et du harcèlement judiciaire contre MM. Taoufik Ben Brik et Zouhair Makhlouf. Nos organisations appellent la Délégation de la Commission européenne à Tunis ainsi que les ambassades des Etats-membres de l’Union européenne (UE) en Tunisie à prendre publiquement position en faveur de ces trois défenseurs, à rendre visite à MM. Ben Brik et Makhlouf en détention, et à observer les audiences à leur encontre, conformément aux Lignes directrices de l’UE relatives aux défenseurs des droits de l’Homme.

Nos organisations appellent également la Délégation et les ambassades mentionnées ci-dessus à faire un rapport public, et si possible conjoint, sur les violations des règles relatives à un procès équitable et sur tout autre sujet de préoccupation constatés lors des audiences.

L’Observatoire et le REMDH appellent par ailleurs la Présidence de l’Union européenne et la Troïka à entreprendre toute action de protection à l’égard des défenseurs et militants des droits de l’Homme, sanctionnés pour avoir exercé défendu les libertés fondamentales.

L’Observatoire et le REMDH demandent par ailleurs aux autorités tunisiennes de :

· Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de Mme Bensedrine et de MM. Taoufik Ben Brik et Zouhair Makhlouf, ainsi que de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme tunisiens ;

· Procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de MM. Taoufik Ben Brik et Zouhair Makhlouf, arbitrairement détenus ;

· Veiller à ce qu’un terme soit mis à toute forme de menaces et de harcèlement - y compris judiciaire - à l’encontre de Mme Bensedrine et MM. Taoufik Ben Brik et Zouhair Makhlouf, et de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme tunisiens ;

Plus généralement, nos organisations appellent la Tunisie à se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et aux instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme et particulièrement l’article 1 de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998, "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international".

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