Mali : trouver une solution négociée pour éviter l’explosion imminente

29/03/2012
Communiqué

Huit jours après le coup d’Etat militaire, la FIDH, l’AMDH et l’UIDH demeurent préoccupées par la situation au Mali. Nos organisations s’inquiètent en particulier de l’échec, ce jour, de la mission des chefs d’États, alors même que les risques d’extension et de multiplication des conflits se précisent.

Nos organisations appellent à la libération des personnes détenues arbitrairement et au rétablissement rapide de la légalité constitutionnelle par une solution négociée et permettant, dans les meilleurs délais, la tenue d’élections crédibles et transparentes.

Depuis le coup d’État militaire du 22 mars 2012, les autorités putschistes continuent à détenir illégalement plusieurs membres du gouvernement et des personnalités et, alors que situation militaire et sécuritaire au Nord du pays est de plus en plus préoccupante, le Comité national pour le redressement de la démocratie (CNRDR) n’a pour le moment donné aucune ligne claire et consensuelle de sortie de crise. Les rebelles touareg du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et du groupe islamiste fondamentaliste Ançar Dine menacent plusieurs villes importantes du Nord, dont la ville de Kidal qui est actuellement attaquée. Dans certaines régions du pays, les communautés s’arment et commencent à s’organiser en groupes armés d’auto-défense. Ainsi, dans la région de Tombouctou, nos organisations ont pu constater depuis le putsch l’armement de milices tribales et familiales, la constitution de groupes armés et un profond repli identitaire. L’armée semble absente et toutes les conditions pour l’extension du conflit entre communautés et la commission de graves violations des droits de l’Homme qui en résulterait, semblent réunies dans le nord du Mali.

« Ceci est un appel à la raison et à l’aide pour le Mali. Il faut que tous les acteurs de cette crise soient conscients qu’il faut trouver une réponse politique adéquate très rapidement pour éviter de voir le pays exploser et des violations des droits de l’Homme être perpétrées à grande échelle » a déclaré Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH.

Le 28 mars 2012, les chefs d’États de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se sont réunis à Abidjan pour envisager des solutions de sortie de crise au Mali. Une délégation de six chefs d’États de la sous-région devait se rendre à Bamako ce 29 mars 2011 pour discuter avec les chefs du CNRDR, la junte au pouvoir. La délégation conduite par le président en exercice de la CEDEAO, le président ivoirien, Alassane Ouattara, accompagné, entre autres, du président béninois et président en exercice de l’Union africaine, Boni Yayi ainsi que du président burkinabé, Blaise Compaoré, nommé médiateur dans la crise malienne avec pour "mission de prendre contact avec toutes les parties prenantes en vue d’engager un dialogue fructueux pour la restauration de la paix dans le pays", a décidé de ne pas atterrir à Bamako en raison d’une manifestation pro-junte sur le tarmac de l’aéroport.

« La médiation de la CEDEAO doit pourtant réussir pour permettre de rétablir la paix et la légalité constitutionnelle » a déclaré Moctar Mariko, président de l’AMDH. « Nous appelons tous les acteurs et en particulier le CNRDR à faire un pas en ce sens, pour le peuple malien » a-t-il ajouté.

Nos organisations, ont rencontré, lundi 26 mars 2012, le chef du CNRDR, le capitaine Amadou Haya Sanogo. Il leur a affirmé sa volonté d’ouverture et d’organiser des élections dans les meilleurs délais afin de trouver une issue rapide à la crise. La junte au pouvoir a pourtant fait adopter une nouvelle Constitution qui consacre la prééminence des militaires jusqu’aux élections présidentielle et législatives lesquelles sont censées clôturer une transition dont la durée n’a toujours pas été annoncée. De même, en réponse à nos préoccupations sur le sort des personnes emprisonnées, le capitaine Sanogo s’est voulu rassurant sur leur santé et leurs conditions de détention, et quatre personnes auraient déjà été libérées. Nos organisations, s’en félicitent mais regrettent de n’avoir pas été autorisés à leur rendre visite. Pour toutes ces raisons nos craintes restent entières.

« Le CNRDR qui semblait prêt à avancer vers une résolution pacifique et légaliste de la crise politique, a aujourd’hui manqué en même temps que la mission de la CEDEAO et de l’UA une occasion de trouver une solution négociée pour remettre le Mali sur la voie des élections et de la démocratie » a déclaré Me Brahima Koné, président de l’UIDH et ancien président de l’AMDH. « Il ne faudra pas rater une deuxième opportunité sous peine de voir le Mali subir le même sort que la Guinée Conakry de Dadis Camara et ses funestes conséquences » a-t-il ajouté.

« Les périls que doit affronter aujourd’hui le Mali ne laissent pas beaucoup de choix : il faut que l’armée rentre dans les casernes et que s’ouvre une transition politique rapide par l’établissement d’un gouvernement civil qui sera chargé, avec l’aide de la communauté internationale, de rétablir la légalité constitutionnelle, la sécurité dans le pays et d’organiser rapidement des élections » a déclaré Me Sidiki Kaba, président d’Honneur de la FIDH.

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