Lettre ouverte adressée aux autorités tunisiennes au sujet de l’extradition de Mr. Mahmoudi Baghdadi

21/06/2012
Communiqué

Monsieur Moncef Marzouki
Président de la république

Monsieur Mustapha Ben Jaafar
Président de l’assemblée nationale constituante

Monsieur Hamadi Jebali
Premier ministre

Monsieur Ali Laaryadh
Ministre de l’intérieur

Monsieur Noureddine Bhiri
Ministre de la justice

Monsieur Samir Dilou
Ministre des droits de l’Homme et de la justice transitionnelle

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) vous appelle à ne pas répondre favorablement à la demande d’extradition vers la Libye de l’ancien premier ministre du régime Mr. Mahmoudi Baghdadi, où les risques sont élevés qu’il soit soumis à des actes de torture et qu’il soit attenté à sa vie.

Une telle décision de ne pas extrader honorerait la Tunisie en tant qu’Etat de droit et serait conforme à ses obligations internationales en tant qu’Etat signataire de la Convention des Nations unies contre la torture.

Mr. Baghdadi, détenu depuis fin septembre 2011 en Tunisie, alors qu’il se rendait par la route en Algérie, est sous le coup de deux demandes d’extradition des autorités libyennes auxquelles la justice tunisienne a répondu favorablement. L’ancien Président tunisien par intérim Foued Mbazaa avait refusé de signer le décret d’extradition.

La FIDH s’inquiète également des conditions difficiles dans lesquelles Mahmoudi Baghdadi est actuellement détenu en Tunisie et déplore que ses avocats et les membres de sa famille aient été empêchés de lui rendre visite.

Selon ses avocats, Mr. Baghdadi est détenu illégalement puisque qu’aucun mandat de dépôt n’a été émis à son encontre. De plus, il a été acquitté par la cour d’appel de Tozeur après avoir été accusé d’être entré illicitement sur le territoire tunisien.
La FIDH prend bonne note de l’opposition de principe du président de la république d’extrader Mr. Baghdadi vers la Libye et vous exhorte à renoncer à son extradition et ce conformément aux obligations internationales de la Tunisie et notamment l’article 3 de la convention internationale contre la torture qui dispose qu’ « aucun Etat partie n’expulsera, ne refoulera, ni n’extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture ».

En revanche, nous sommes préoccupés par les récentes déclarations du premier ministre Hamadi Jebali qui a affirmé que Mr. Baghdadi serait extradé avec ou sans l’accord du président. Cette déclaration va à l’encontre des dispositions du code des procédure pénale tunisien qui prévoit dans son article 324 que « lorsque l’avis est favorable, le gouvernement est libre d’accorder ou non l’extradition. Si l’extradition est décidée, le secrétaire d’État à la justice propose à la signature du Président de la République, un décret autorisant l’extradition. ». Le tribunal dans ce cas donne son avis et la décision finale revient au président de la république.

La FIDH rappelle que Mr Baghdadi devra répondre de sa responsabilité dans les violations graves des droits de l’Homme qui ont été commises sous le régime de Muhammar Khaddafi, mais la situation sécuritaire restant incertaine enLibye et les conditions d’un procès équitable n’étant pas réunies, nous demandons à la Tunisie d’autoriser Mr Baghdadi à demeurer sur son territoire, en résidence surveillée, jusqu’à ce que la justice libyenne soit en mesure de garantir sa sécurité et ses droits à la défense.

La FIDH vous demande en outre soit garanti, en toutes circonstances, l’intégrité physique et psychologique de Mr. Baghdadi en Tunisie.

Nous vous prions d’agréer, l’expression de notre très haute considération.

Souhayr Belhassen
Présidente de la FIDH

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