Les jeux sont faits... rien ne va plus !

15/10/2009
Communiqué

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), l’Organisation mondiale contre la Torture (OMCT) et le Réseau Euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) expriment leur plus vive inquiétude suite à l’intensification des actes de harcèlement et d’intimidation à l’encontre des voix indépendantes dans le contexte de la campagne électorale pour les élections législatives et présidentielles en Tunisie.

Les autorités tunisiennes exercent une très forte pression sur toutes les personnes qui refusent de se plier à l’unanimisme en faveur de la candidature de M. Ben Ali, président sortant, et des candidats du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), les maintenant sous une surveillance étroite et permanente.

Plus particulièrement, les personnes qui font entendre une voix dissidente dans les médias internationaux font l’objet d’actes d’intimidation systématiques, que ce soit au travers de procédures judiciaires abusives, de campagnes de presse diffamatoires, d’atteintes à leurs biens, d’interdiction de voyage, ou même d’agressions physiques opérées au grand jour.

Récemment, selon les informations obtenues, des policiers se sont présentés à plusieurs reprises au domicile, actuellement sous étroite surveillance, de M. Hama al Hammami, porte parole du Parti communiste des ouvriers tunisiens (PCOT) et de Me Radhia Nasraoui, présidente de l’Association de lutte contre la torture en Tunisie (ALTT), pour leur remettre une convocation de la brigade criminelle.

Me Nasraoui et M. Hammami ayant refusé, le dimanche 11 octobre, de se soumettre à une convocation illégale - car non motivée et émise sans en informer le bâtonnier alors que la loi l’exige lorsqu’un avocat est mis en cause - la police s’est de nouveau présentée le lendemain à leur domicile alors que leur fille se trouvait seule. Les policiers l’ont alors terrorisée en lui demandant de signer la convocation au nom de son père et en essayant de savoir où ce dernier se trouvait.

Ces actes d’intimidation et ce harcèlement judiciaire s’inscrivent dans une série d’atteintes à leur encontre, en particulier depuis que M. Hammami a appelé au boycott des élections sur les chaînes Al Jazeera et France 24, à Paris, en septembre. A son retour en Tunisie, M. Hammami et son épouse Me Nasraoui venue le chercher avaient fait l’objet d’une agression d’une extrême violence1, à la suite de laquelle Me Nasraoui a décidé de porter plainte contre le président Ben Ali et M. Rafik Belhaj Kacem, ministre de l’Intérieur.

De même, M. Khémaïs Chammari, membre du REMDH et ancien vice président de la FIDH, fait actuellement face à une violente campagne de diffamation de la part d’organes de presse pro-gouvernementaux, suite à la série d’entretiens accordés ce mois à plusieurs journaux français, dont le journal « Le Monde », dans lesquels il critiquait la « démagogie » du gouvernement tunisien et dénonçait le « processus de plébiscisation » au profit du président sortant.

Les journaux arabophones hebdomadaires « Al Hadath » et « Koll Al Nass » ont ainsi publié dans leurs éditions datées du 7 et 10 octobre des articles hautement injurieux à l’égard de M. Chammari, proférant une série d’accusations infâmantes et diffamatoires, ainsi que des insultes à caractère sexuel.

M. Chammari a indiqué son intention de poursuivre les auteurs de ces publications devant la justice tunisienne pour diffamation, mais nos organisations craignent que cette procédure ne fasse pas l’objet d’un examen indépendant et impartial de la part des autorités judiciaires du fait du contrôle exercé par le pouvoir exécutif sur celles-ci.

Enfin, nos organisations s’alarment de la décision prise par le ministère de l’Intérieur, quelques heures avant le lancement officiel de la campagne présidentielle, de faire saisir l’édition du journal « Tariq al-Jedid », organe de presse du parti « Ettajdid », dont le Secrétaire général, M. Ahmad Brahim est resté le seul candidat d’un parti indépendant en lice pour l’élection présidentielle, le code électoral qui prévoit des mesures exceptionnelles et provisoires ayant permis l’élimination des deux autres candidats à la présidence. Le ministère de l’Intérieur qui a justifié la mesure de saisie du journal par une infraction au code électoral, l’impression du journal contenant le manifeste du candidat d’Ettajdid ayant été faite avant le lancement officiel de la campagne, a finalement informé la direction du parti que la publication serait autorisée à condition qu’ils modifient plusieurs points du manifeste électoral et qu’ils renoncent à toute référence à « l’initiative démocratique » ainsi qu’à la publication d’un entretien avec M. Chammari.

Nos organisations s’inquiètent du caractère arbitraire de cette décision d’autant plus que le journal El Watan, organe du parti de l’Union démocratique unioniste a publié son manifeste électoral dès le 9 octobre 2009, sans toutefois être inquiété.

Alors que les autorités tunisiennes se prévalent d’un système politique pluraliste, nos organisations les appellent à respecter les conditions minimum de garanties de ce pluralisme et en particulier à garantir un processus électoral transparent et équitable pour l’ensemble des candidats. Elles rappellent en outre les engagements internationaux en matière de droits de l’homme de la Tunisie, en particulier ceux relatifs à la liberté d’expression, et demandent aux autorités compétentes de mettre un terme immédiat à toute forme de harcèlement et d’intimidation à l’encontre de toute voix considérée comme "dissidente" et de garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de ces personnes.

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