La torture au nom de la lutte « anti-terroriste »

Dans son rapport L’ affaire des « islamistes » : la torture au nom de la lutte « anti-terroriste », publié ce jour, la FIDH donne les preuves de la pratique systématique de la torture dans l’affaire dite « des islamistes ».

Entre 2003 et 2007, près de 160 personnes qualifiées d’ « islamistes » ont été arrêtées, accusées par le régime déchu d’Ould Taya, ou par les autorités de transition du Conseil militaire pour la justice et la démocratie, des crimes « d’atteinte à la sûreté de l’État » et « d’actes de terrorisme ». Une mission de la FIDH, présente à Nouakchott en février 2007, a rencontré à la prison civile 24 des présumés terroristes restants.

Tous ont témoigné avoir été victimes de tortures perpétrées par les forces de l’ordre pendant leur garde-à-vue, aux fins de leur extorquer des aveux. Certains relatent avoir subi la pratique dite « du Jaguar » - position consistant à maintenir la personne en hauteur, pieds et mains liés et la tête maintenue vers le bas, sur une barre de fer pendant de longues minutes. Les témoignages des victimes sont par ailleurs assez éloquents « on m’a coupé les muscles de mes cuisses avec une scie ; explique ainsi l’un deux, on m’a brûlé sur de nombreux endroits du corps avec des cigarettes. »

L’ « affaire des islamistes » a également été symptomatique des errements politiques, juridiques et judiciaires violateur des droits de la défense souvent liés au contexte sensible et particulier de la lutte contre le terrorisme. Ainsi, la mission a pu relever une législation imprécise et dérogatoire du droit commun en matière de lutte contre le terrorisme, des détentions au secret, des dépassements systématiques de délais de garde-à-vue, l’absence totale de l’avocat pendant la phase préliminaire de l’enquête, des comparutions de détenus enferrés...

A cet égard, la FIDH et son organisation affiliée en Mauritanie, l’Association mauritanienne des droits de l’Homme (AMDH) se sont félicitées des jugements de la Cour criminelle de Nouakchott qui, pendant sa session de mai à juillet 2007, a acquitté la quasi-totalité des prévenus pour défaut de preuve suffisante, les aveux obtenus sous la torture ayant été écartés.

 La FIDH considère que la Mauritanie, qui a accompli récemment des avancées significatives dans le domaine des principes démocratiques et de l’État de droit doit prendre toutes les mesures utiles pour éradiquer définitivement la torture : notamment, la pénalisation de la torture en droit interne ; la réforme du Code de procédure pénale pour encadrer et contrôler la période de garde-à-vue et imposer dès ce stade la présence de l’avocat ; la formation en matière de droits de l’Homme des fonctionnaires chargés de l’application des lois ;

 La FIDH demande aux autorités mauritaniennes concernées de se conformer à la législation nationale et à la Convention des Nations unies contre la torture en ouvrant une enquête sur tous faits de torture, notamment dans le cadre de « l’affaire des islamistes », aux fins de poursuivre leurs auteurs.

 Au delà de cette affaire dite des "islamistes", la FIDH considère qu’il est temps pour la Mauritanie de se confronter à ce qui est communément appelé son passif humanitaire, à savoir notamment les centaines de cas de tortures perpétrés à l’encontre des "négro-mauritanienes" au début des années 90."

 La FIDH recommande par conséquent aux autorités nationales de mettre en place une commission permettant à toutes les victimes et à leurs familles de connaître la vérité sur les faits de torture, d’obtenir réparation de leur préjudice et de poursuivre les tortionnaires.

Lire la suite