La Cour pénale internationale et le Darfour : Questions / réponses

Le 4 mars 2009, la Chambre préliminaire I de la Cour pénale internationale (CPI) a décidé de la délivrance d’un mandat d’arrêt à l’encontre du Président de la République du Soudan, Omar el-Béchir pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Elle a donné suite à la demande, formulée le 14 juillet 2008, du Procureur de la Cour pénale internationale (CPI), M. Luis Moreno-Ocampo.

1.Qu’est-ce que la Cour pénale internationale ? Quels Etats la soutiennent ? Quelle est la relation entre les Nations unies et la CPI ?

La CPI est une instance judiciaire internationale permanente créée par une convention pour juger les individus auteurs du crime de génocide, des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. Son statut a été adopté le17 juillet 1998 par une conférence internationale et est entré en vigueur le 1er juillet 2002.

La CPI est entrée en fonctionnement en 2003.

A ce jour, 108 Etats à travers le monde ont ratifié le Statut de la CPI.

La Cour ne fait pas partie du système de Nations unies (ONU), même si le Statut accorde certaines prérogatives au Conseil de sécurité de cette organisation.

2.Comment la Cour peut-elle être saisie ? Quelle est l’étendue de sa compétence ?

 Un Etat partie, c’est-à-dire un Etat qui a ratifié le Statut de la CPI, peut demander à la Cour d’enquêter sur une situation. Dans ce cas, la Cour est compétente pour enquêter sur les crimes commis par un ressortissant d’un Etat partie ou sur le territoire d’un Etat partie.
 Le Conseil de sécurité des Nations unies peut également demander à la Cour d’enquêter sur une situation, dans le cadre de ses compétences en vertu du chapitre VII de la Charte. Dans ce cas, la compétence de la Cour n’est pas limitée aux crimes commis par des ressortissants ou sur le territoire d’un Etat partie, mais elle est vraiment universelle.
 Une enquête peut être initiée par le Procureur de sa propre initiative (avec l’autorisation des juges). Dans ce cas, la compétence de la Cour est également limitée aux crimes commis par des ressortissants ou sur le territoire d’un Etat partie.
 Enfin, un Etat qui n’a pas ratifié le Statut de Rome peut accepter la compétence de la Cour de manière exceptionnelle pour des crimes commis par ses ressortissants ou sur son territoire.

3.Comment la CPI a-t-elle commencé son enquête sur les crimes commis au Darfur et quelles en ont été les principales étapes ?

Le 31 mars 2005, le Conseil de sécurité de l’ONU a saisi la CPI en adoptant la résolution 1593 en vertu du chapitre VII de la Charte de l’ONU (menace à la paix et à la sécurité internationales), et conformément à l’article 13 du statut. Dans cette résolution le Conseil de sécurité se fonde notamment sur les conclusions d’une commission internationale d’enquête qui, après avoir constaté la gravité des crimes commis au Darfour, a recommandé la saisine de la CPI.

Le 6 juin 2005, M. Moreno-Ocampo a annoncé l’ouverture d’une enquête.

Le 27 avril 2007, la CPI a lancé deux mandats d’arrêt à l’encontre d’ Ahmad Haroun (ancien ministre chargé de l’intérieur et actuel ministre chargé des affaires humanitaires) et d’Ali Kushayb (dirigeant de la milice janjaouid). Ces deux hommes sont accusés d’avoir commis des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre entre août 2003 et mars 2004.

4.Le Soudan n’a pas ratifié le Statut de Rome. Est-il tenu de coopérer avec la CPI ?

Oui. La résolution du Conseil de sécurité renvoyant la situation devant la CPI impose au Soudan et à toutes les autres parties au conflit, une obligation de coopérer avec la Cour.

Cependant, la coopération du Soudan avec la Cour a été quasiment inexistante.

En décembre 2007 et juin 2008, le Procureur de la CPI a dénoncé ce manque de coopération devant le Conseil de sécurité. Ainsi, le 16 juin 2008, la présidence du Conseil de sécurité a adopté une déclaration rappelant l’obligation du Soudan de coopérer avec la CPI. D’autres organisations, telle que l’Union européenne, ont également appelé le Soudan à coopérer avec la Cour et à arrêter et remettre à la Cour, Haroun et Kushayb.

Le Soudan non seulement n’a pas arrêté ces deux hommes, mais il les a également protégés. M. Haroun a été promu à la coprésidence du comité chargé d’enquêter sur les violations des droits de l’Homme au Soudan et au centre de l’organisation du déploiement de la Mission conjointe des Nations unies et de l’Union africaine au Darfour (MINUAD). M. Kushayb, qui était en détention au Soudan lors de la délivrance du mandat d’arrêt a été remis en liberté par la justice soudanaise « par manque de preuve ».Il jouit désormais d’une entière liberté.
M. Moreno-Ocampo a déclaré à plusieurs reprises que la protection dont jouissaient les suspects démontrait que « tout l’appareil de l’état [soudanais] » est impliqué dans la commission de crimes au Darfour.

5. La CPI devrait-elle laisser les institutions judiciaires soudanaises s’occuper de ces affaires ?

La CPI est complémentaire des juridictions nationales et elle ne peut agir qu’après avoir constaté le manque de capacité ou de volonté des tribunaux nationaux à enquêter et/ou poursuivre les crimes en question.

A de nombreuses reprises, tant le Procureur que les juges ont constaté que les autorités soudanaises manquent de volonté et/ou de capacité pour engager des enquêtes ou des poursuites sur les crimes internationaux qui font l’objet des procédures devant la Cour.

Bien qu’une cour spéciale pour juger les responsables présumés des événements au Darfour ait été mise en place, les enquêtes du Procureur ainsi que de nombreux rapports internationaux (notamment des rapports des Nations unies et d’ONG internationales) ont révélé que cette cour ne s’occupait que de quelques affaires sans lien avec la gravité des crimes commis au Darfour depuis cinq ans. Cette cour spéciale a fait face à de nombreux obstacles, dont le manque d’indépendance, ce qui met en évidence le manque de volonté politique des autorités soudanaises pour mener à bien des enquêtes et des poursuites pour des crimes internationaux.

6. Les actions de la CPI constituent-elles une ingérence dans les affaires intérieures ou une atteinte à la souveraineté du Soudan ?

Le principe de souveraineté nationale demeure très important dans le droit international. Mais celui-ci comporte plusieurs exceptions, notamment : lorsqu’un Etat consent lui-même à se départir de ce principe (par exemple en ratifiant une convention comme le Statut de la CPI) ; lorsqu’une situation menace la paix et la sécurité internationales, selon les principes de la Charte des Nations-unies ; lorsque qu’un Etat n’intervient pas pour protéger ses citoyens victimes de crimes internationaux, selon le nouveau principe de la responsabilité de protéger. Ainsi le Soudan a ratifié l’Acte constitutive de l’Union africaine qui prévoit « le droit de l’Union d’intervenir dans un Etat membre [...] dans certaines circonstances graves, à savoir : les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l’humanité ».

La CPI, quant à elle, tire sa compétence de son statut, qui lui permet d’enquêter sur les crimes internationaux et de poursuivre leurs auteurs dans les Etats qui n’ont pas la volonté ou la capacité de le faire. Dans le cas du Darfour, comme expliqué ci-dessus, c’est le Conseil de sécurité de l’ONU qui a conféré ce mandat à la Cour. Le Soudan, en tant que membre des Nations unies, se doit de respecter ses résolutions. En particulier, dans le cas d’espèce, il s’agit d’une résolution adoptée en vertu du chapitre VII de la Charte de l’ONU (et donc de nature contraignante), suite au constat que le conflit au Darfour constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales.
En tout état de cause, la souveraineté ne peut jamais constituer une excuse pour poursuivre la commission de crimes graves, y compris les crimes contre l’humanité, crimes de guerre et génocide.

7.Quelles sont les implications de la décision délivrée par les juges le 4 mars 2009 ?

Cette décision fait suite à la requête déposée par le Procureur le 14 juillet 2008 demandant qu’un mandat d’arrêt soit délivré à l’encontre du Président soudanais Omar el-Béchir. Suite à une étude minutieuse des éléments de preuve fournis par le Bureau du Procureur, les juges de la CPI ont décidé de confirmer une partie de sa demande et de délivrer un mandat d’arrêt contre le président soudanais pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Omar el-Béchir est maintenant une personne recherchée par la CPI.

8.Selon la demande formulé par le Procureur en juillet 2008, Béchir se serait rendu coupable de génocide. Qu’est-ce qu’un génocide ? Quelle est la différence entre génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre ?

Le génocide est la destruction en tout ou en partie d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux, commise avec l’intention spécifique d’exterminer. Les crimes contre l’humanité sont des actes (meurtre, torture, crimes sexuels, etc.) commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre la population civile (un crime contre l’humanité peut être commis tant pendant un conflit armé qu’en période de paix). Les crimes de guerre sont des violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés (internationaux ou internes).

Le Procureur de la CPI accuse Béchir d’avoir planifié et ordonné le crime de génocide (meurtres de membres des groupes ethniques Fur, Masalit et Zaghawa ; atteinte grave à l’intégrité mentale des membres des mêmes groupes ; soumission intentionnelle des groupes à des conditions d’existence devant entraîner leur destruction partielle), des crimes contre l’humanité (y compris des actes de meurtre, extermination, transfert forcé de population, torture et viol) et des crimes de guerre (attaques visant intentionnellement la population civile et pillage).

La Chambre préliminaire I a estimé qu’il existe des « motifs raisonnables de croire » que el-Béchir se serait rendu coupable de meurtre, extermination, tranfert forcé de population, torture et viol qualifiés de crimes contre l’humanité et d’attaques intentionnelles contre la population civile et pillages, constitutifs de crimes de guerre. Les juges ont estimé que l’élément intentionnel du crime de génocide : l’intention délibérée de détruire en tout ou en partie les groupes ethniques, n’était pas suffisamment démontré. Le Procureur pourra présenter des informations additionnelles.

9.La Cour, peut-elle poursuivre un chef d’Etat, y compris en exercice ?

Oui, selon l’article 27 du Statut de la CPI, ce Statut s’applique à tous de manière égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité officielle. La qualité de chef d’Etat, en particulier, ne peut pas être invoquée pour s’exonérer de sa responsabilité pénale.

Ce principe se fonde sur l’idée qu’il ne peut pas y avoir d’immunité pour les crimes les plus graves.
Des anciens présidents ont déjà été poursuivis selon ce principe : l’ex-président yougoslave Slobodan Milosevic a comparu devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie afin de répondre des crimes commis dans le cadre de la guerre dans les Balkans ; l’ancien président du Libéria Charles Taylor est en train d’être jugé par la Cour spéciale de Sierra Léone pour son rôle dans le conflit sierra-léonais.

Ce principe est également applicable au niveau interne. Ainsi, l’ancien président tchadien Hissène Habré devrait bientôt faire l’objet de poursuites au Sénégal, pour des crimes commis lorsqu’il était encore chef de l’Etat tchadien.

10. Pourquoi Béchir serait-il responsable des crimes commis dans le cadre du conflit au Darfour ?

Tout au long de ces cinq dernières années, Béchir a été le président de la République du Soudan, le commandant en chef des forces armées ainsi que le chef du parti du Congrès national. Il a également conduit le recrutement et l’armement des milices janjaouid depuis le sommet de l’Etat. Béchir a ainsi exercé un contrôle absolu sur les institutions de l’Etat.

Durant ces cinq années, il a nié l’existence de tels crimes. Comme l’a souligné le Procureur de la CPI, le déni et la dissimulation des crimes, ainsi que l’attribution de responsabilité à d’autres, sont des caractéristiques de la planification et de la perpétration de ce type de crimes.

En sa qualité de président et commandant en chef des forces armées du Soudan, Béchir est accusé, d’avoir commandité, planifié et encouragé la perpétration des crimes les plus odieux : meurtre, extermination, tranfert forcé de population, torture et viol qualifiés de crimes contre l’humanité et d’attaques intentionnelles contre la population civile et les pillages, qualifiés de crimes de guerre.

11.La Cour et le Procureur appliquent-ils un double standard pour les Etats d’Afrique et du Moyen-Orient ? Pourquoi s’intéressent-ils au Darfour et à Béchir et non pas au conflit israélo-palestinien et à la responsabilité d’Olmert ou encore aux actes commis par les Etats-Unis à l’occasion de la guerre en Irak et de la lutte contre le terrorisme (Guantanamo) ?

La Cour n’a aujourd’hui pas de compétence pour enquêter sur le conflit israélo-palestinien ni même sur la guerre en Irak, Israël et les Etats-Unis n’ayant pas ratifié le Statut de la CPI. Il est vrai que le Soudan n’est pas non plus un Etat partie au Statut mais la compétence de la Cour est tirée de la résolution 1593 du Conseil de sécurité, adoptée en vertu du Chapitre VII de la Charte de l’ONU, au motif que ce conflit constitue une menace pour la paix et la sécurité internationales.

Les ONG, notamment celles réunies au sein de la Coalition internationale pour la CPI, critiquent cet état de fait et mènent des campagnes pour la ratification du Statut de la CPI par le plus grand nombre d’Etat. Les Etats et institutions internationales devraient également faire pression pour que la CPI ait réellement une compétence universelle.

La décision du Procureur de la CPI d’engager des poursuites à l’encontre du président soudanais el-Béchir a cependant accru le sentiment de partialité de cette institution. Cependant, des arguments selon lesquels la CPI serait « à la trousse de l’Afrique », « contre les Etats les plus pauvres du sud », et donc partiale, ne résistent pas à un examen objectif de la situation.

En premier lieu, il importe de souligner que les Etats africains constituent aujourd’hui près d’un tiers des Etats parties au Statut, reconnaissant et acceptant ainsi la compétence de la CPI sur leur territoire ou contre leurs ressortissants.

En second lieu, c’est parce qu’ils avaient ratifié le Statut de la CPI et donc accepté sa compétence, que trois des quatre Etats dont une situation est devant la Cour ont eux-mêmes saisi la CPI, et demandé au Procureur d’ouvrir une enquête sur les crimes perpétrés sur leur territoire, reconnaissant par la même leur absence de capacité à mener à bien des enquêtes et poursuites sur ces crimes.

Concernant la situation au Darfour, l’intervention du Conseil de sécurité s’est justifiée par la situation très grave dans la région ouest soudanaise depuis 2003, avec plus de deux millions de déplacés et des centaines de milliers de victimes de crimes internationaux, menaçant la paix et la sécurité au niveau de la région.

Enfin, la gravité des crimes est un critère déterminant pour l’ouverture des enquêtes au niveau de la CPI. De nombreux rapports internationaux permettent d’affirmer que des crimes parmi les plus graves ont été perpétrés de manière systématique dans les quatre pays actuellement sous enquête.

12. Les mandats d’arrêt de la CPI ne ciblent pas les mouvements rebelles, mais seulement les milices janjaouid et le gouvernement. L’approche du Procureur est-elle déséquilibrée ?

La CPI est une institution judiciaire et n’est donc pas guidée par des considérations de nature politique. Ses enquêtes et poursuites se fondent sur les éléments de preuve recueillis par les enquêteurs du Bureau du Procureur, et peuvent viser tant l’une que l’autre partie au conflit.

A ce jour, des mandats d’arrêts n’ont visé qu’une partie au conflit. Cependant, le Procureur a demandé en novembre 2008 que des mandats d’arrêt soient délivrés à l’encontre des chefs rebelles qui se seraient rendus coupables de crimes commis dans le cadre de l’attaque contre la mission de maintien de la paix de l’Union Africaine perpétré à Haskanita en septembre 2007. Les juges de la CPI doivent donc se prononcer, en temps voulu, sur la délivrance de mandats d’arrêt à l’encontre des responsables de mouvements rebelles.

13.Le mandat d’arrêt à l’encontre de Béchir, pourrait-il nuire au processus de paix au Darfour ? Quel sera l’effet de cette action de la CPI sur le conflit au Darfour ?

Le processus de paix au Darfour est du ressort, tout d’abord, de la responsabilité du gouvernement soudanais. Il doit être soutenu par la communauté internationale, qui, dans l’intérêt de contribuer au rétablissement de la paix à travers l’établissement de la responsabilité pénale pour les crimes commis, a saisi la CPI.

Le processus de paix au Darfour est ralenti depuis longtemps pour des raisons qui n’ont pas de lien avec la CPI, mais avec le manque de volonté politique des parties. Depuis cinq ans, Béchir nie la gravité extrême des crimes au Darfour, rend très difficile l’accès aux victimes des organisations humanitaires et bloque le déploiement des forces de maintien de la paix. Le Président Béchir lui-même n’a par ailleurs pas participé aux négociations de paix au Darfour, jusqu’à aujourd’hui.

Il est donc difficile d’affirmer aujourd’hui que le mandat d’arrêt à l’encontre de Béchir aura un impact négatif sur le processus de paix. Tout au contraire, on peut imaginer qu’un tel mandat d’arrêt pourrait en fait contribuer au rétablissement de la paix au Darfour, en révélant et en sanctionnant dûment la responsabilité pénale individuelle dans les crimes commis pour éviter aussi leur répétition. Cela pourrait contribuer également à écarter Béshir du processus de paix, facilitant ainsi l’application à long terme d’accords de paix, comme ce fut le cas suite à la délivrance d’un mandat d’arrêt international à l’encontre de l’ancien président du Libéria Charles Taylor.

En effet, l’histoire a montré que mettre en cause la responsabilité pénale des hauts responsables politiques peut contribuer efficacement à l’établissement et au renforcement de la paix et de la stabilité. Par exemple, les procès de Charles Taylor et de Slobodan Milosevic, ancien président de la République fédérale de Yougoslavie, ont clairement contribué à faire la vérité sur les crimes de masse commis dans ces pays et sur leur rôle clé dans la planification et l’exécution de ces crimes, consolidant ainsi la mise en œuvre d’un processus de paix durable.

14..Le Conseil de sécurité peut-il « suspendre » les enquêtes et poursuites de la CPI ?

Oui. L’article 16 du Statut de Rome autorise le Conseil de sécurité à demander à la Cour de suspendre une enquête ou des poursuites pendant une période de 12 mois (renouvelable), lorsqu’il considère que les actions de la Cour portent atteinte à la paix et à la sécurité internationales.

Il convient de rappeler qu’il ne s’agit pas de mettre fin mais de suspendre les procédures pour une période limitée. Aucun Etat ou institution n’a le pouvoir de demander à la Cour de mettre fin à des enquêtes ou des poursuites.

Dès la soumission de la requête du Procureur en juillet, la Ligue des Etats Arabes et l’Union Africaine ont entrepris des démarches pour demander au Conseil de sécurité des Nations unies de suspendre les enquêtes et les poursuites en vertu de l’article 16. Néanmoins, la question n’a pas fait l’objet d’un débat formel au sein du Conseil, ses membres ayant des positions divergentes sur une telle suspension. Pour certains Etats, le maintien des procédures devant la CPI est une mesure indispensable à la poursuite de la paix au Soudan. Ces Etats tiennent également à respecter l’indépendance de la CPI. En ce sens, la nouvelle administration américaine a déclaré récemment qu’elle ne voyait aucune raison pour soutenir un sursis à enquêter ou à poursuivre en ce moment.

15. Quelle est la responsabilité des Etats et des organisations internationales par rapport aux actions de la Cour ?

Tout d’abord, tant les Etats que les autres organisations internationales doivent respecter l’indépendance de la Cour.

Les Etats parties au Statut de Rome doivent coopérer avec la Cour (chapitre IX du Statut).

Cette coopération suppose non seulement des actions concrètes telles que l’arrestation et la remise de suspects, le soutien dans l’accès aux informations, la protection de témoins, le gel et la saisie d’avoirs, etc., mais également un soutien politique de la Cour dans le cadre des relations bilatérales entre Etats, ainsi que dans le cadre des actions des organisations internationales et régionales.

16. Quelle est la responsabilité des Etats et des organisations internationales par rapport à d’autres aspects du conflit au Darfour ?

La communauté internationale doit travailler pour mettre fin au conflit au Darfour et pour protéger la population ainsi que les forces de la mission conjointe des Nations Unies et de l’Union africaine déployées sur place (MINUAD).

Ils doivent également adopter des mesures visant à soutenir le processus politique au Darfour pour la consolidation d’une paix durable.

17.Comment la CPI peut-elle exécuter un mandat d’arrêt si elle n’a pas de force de police ?Qui a l’obligation d’exécuter les mandats d’arrêt délivrés par la CPI ? N’est-il pas illusoire de croire que le Soudan va exécuter le mandat d’arrêt contre son président ? Béchir pourra-t-il alors échapper à la justice ?

Il revient aux Etats parties au Statut de la CPI d’exécuter les mandats d’arrêt délivrés par la Cour. Comme expliqué ci-avant, le Soudan a également l’obligation de coopérer avec la Cour, y compris en exécutant les mandats d’arrêt relatifs à l’enquête de la CPI au Darfour.

Dans le cas de la situation au Darfour, tous les Etats membres des Nations Unis sont également tenus de coopérer avec la CPI pour qu’elle puisse mener à bien ses enquêtes et poursuites (y compris en arrêtant et remettant les personnes recherchées par la Cour), puisque le Conseil de sécurité a décidé de renvoyer la situation par une résolution en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations unies.

Si un Etat (autre que le Soudan) dont la coopération est demandée par la Cour considère que la remise de Béchir à la CPI le contraindrait à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en droit international (article 98-1 du Statut de la CPI), l’Etat concerné devrait communiquer cela à la CPI et contester la demande de coopération.

Il est probable, au moins dans un premier temps, que le Soudan n’exécute pas le mandat d’arrêt délivré à l’encontre son président. Néanmoins, il suffirait que Béchir quitte le territoire soudanais afin de se rendre dans un autre Etat (un Etat partie au Statut de la CPI) pour que ce dernier le fasse arrêter sur son territoire et le transfère à la CPI.

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