« L’antiterrorisme à l’épreuve des droits de l’Homme : les clefs de la compatibilité »

A l’occasion de l’audition du Président du Comité contre le terrorisme (CCT) devant l’Assemblée générale des Nations unies, la FIDH publie un rapport d’analyse intitulé :

« L’antiterrorisme à l’épreuve des droits de l’Homme : les clefs de la compatibilité »

Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 sur le territoire américain ont marqué un tournant décisif dans l’histoire du terrorisme et des mesures et pratiques antiterroristes. La communauté internationale, à travers le Conseil de sécurité des Nations unies, a réagi à ces attaques en adoptant la Résolution 1373 (en 2001), créant le CCT.

Celle-ci a également imposé des obligations aux Etats membres dans le but d’améliorer leur capacité à combattre sur le plan national le terrorisme sous toutes ses formes. A la suite de l’adoption de cette résolution, d’une manière incomparable à ce qui avait été fait antérieurement, les Etats ont introduit des mesures spécifiques antiterroristes dans leur législation interne. Ces nouvelles législations témoignent clairement d’une tendance croissante des Etats à sacrifier les droits humains et civils les plus fondamentaux au nom de la lutte contre le terrorisme, et parfois même au nom de la « guerre globale contre la terreur », sans vraiment penser aux conséquences juridiques qu’implique l’utilisation de ce terme.

Même si les défenseurs des droits de l’Homme sont parmi les premiers à condamner les attaques terroristes, ils sont convaincus que les solutions les plus efficaces pour lutter contre phénomène résident dans le respect de l’Etat de droit et des traités internationaux en matière de droits de l’Homme - lesquels prévoient, dans des conditions strictes, des possibilités de dérogations et de limitations aux droits qu’ils énoncent ; ces dérogations et limitations visent précisément à répondre à ces situations d’urgence. Ceci a déjà été plusieurs fois rappelé par le Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, ainsi que par le Comité des droits de l’Homme des Nations unies, par d’autres organes conventionnels, par les procédures spéciales de la Commission des droits de l’Homme et les organes régionaux de protection des droits de l’Homme. Le contenu du présent rapport s’appuie notamment sur des documents publiés par ces divers organes au cours des dernières années.

L’objectif du présent rapport est double. D’une part, il vise à dénoncer les violations du droit international des droits de l’Homme par les mesures antiterroristes, précisant quelles obligations sont directement bafouées par ces dernières. Les transgressions les plus graves comprennent les détentions arbitraires, la torture, les violations du droit à la vie, du droit à un procès équitable, impartial et indépendant, les violations du droit à la liberté d’expression, à une vie privée et du droit de propriété, ou le refoulement des demandeurs d’asile et l’expulsion des immigrés suspectés de prendre part à des activités terroristes vers des pays où ils sont susceptibles de subir la torture ou des traitements cruels, inhumains et dégradants.

D’autre part, le rapport rappelle aux Etats et à tous les acteurs impliqués dans l’élaboration de législations antiterroristes que le respect des droits humains n’est pas seulement nécessaire pour établir ces politiques, mais est également compatible avec la lutte antiterroriste. Or les obligations internationales dans le domaine des droits de l’Homme sont au contraire souvent considérées comme une entrave à la lutte contre le terrorisme. En outre, les traités et la jurisprudence en matière de droits de l’Homme, qu’ils soient internationaux ou régionaux, prévoient des solutions concrètes et des cadres juridiques clairs dans lesquels les Etats doivent agir lorsqu’ils font face à ces situations exceptionnelles et urgentes. Selon ces doctrines bien établies et réaffirmées, les Etats ont la possibilité d’adopter des mesures exceptionnelles et temporaires dérogeant ou limitant les droits de l’Homme.

« A l’heure où l’administration Bush a tenté d’empêcher l’adoption d’une législation interdisant les traitement cruels, inhumains et dégradants à l’encontre de personnes arrêtées pour terrorisme, où des personnes sont régulièrement transférées pour interrogatoire dans des pays où la torture est systématiquement utilisée pour arracher des aveux, tandis qu’il est fait un recours croissant aux procédures exceptionnelles pour juger des personnes accusées de terrorisme, il est de la plus haute importance de souligner la compatibilité entre mesures antiterroristes et droits de l’Homme », a déclaré Sidiki Kaba, président de la FIDH.

La FIDH formule plusieurs recommandations au CCT et aux Etats dans le but d’assurer que toutes les législations et mesures prises dans le contexte de lutte anti-terroriste soient pleinement compatibles avec les droits de l’Homme et les libertés fondamentales, essence même de l’Etat de droit.

Pour la FIDH, l’urgence est à la dénonciation d’un antiterrorisme arbitraire en plein essor, affranchi de toutes contraintes : pour sa crédibilité et son efficacité même, la lutte antiterroriste doit rester dans le champ des droits de l’Homme.

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