L’ONU doit examiner les efforts du Vietnam pour éliminer la discrimination raciale

20/02/2012
Communiqué
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A l’occasion du passage du Vietnam devant le Comité pour l’Elimination de la discrimination raciale (CERD), la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme et sa ligue affiliée, le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme (CVDDH) pressent les autorités vietnamiennes de prendre des engagements fermes pour mettre fin aux pratiques discriminatoires contre les minorités ethniques et religieuses et de cesser de restreindre leurs libertés fondamentales.

Dans un rapport alternatif de 30 pages intitulé « Violations des Droits des Minorités Ethniques et Religieuses en République Socialiste du Vietnam » (1), le Comité Vietnam pour la Défense des Droits de l’Homme a soulevé de sérieuses questions sur la mise en œuvre par le Vietnam de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (ICERD), à laquelle il a accédé en 1982. Le CERD doit examiner le rapport combinant le 10ème au 14ème rapports périodiques du Vietnam, les 21 et 22 février 2012 à Genève. Ce n’est que la quatrième fois que le Vietnam fait rapport au CERD et la première fois depuis une décennie, en dépit de son obligation due à la Convention de présenter un rapport au CERD tous les deux ans.

Le rapport du CVDDH, qui sera présenté au CERD aujourd’hui, lundi 20 février, par son Président Vo Van Ai, détaille tout un éventail de violations des droits et de discriminations contre les minorités ethniques aussi bien dans les lois que dans les faits, en dépit de l’interdiction constitutionnelle de la discrimination et des obligations du Vietnam en vertu des traités sur les droits de l’Homme qu’il a ratifiés. Les Montagnards et les Hmongs figurent parmi les groupes minoritaires qui ont dû supporter le plus gros choc des politiques discriminatoires du gouvernement vietnamien.

Le rapport pointe le large fossé qui sépare la majorité Kinh et les diverses minorités ethniques en termes de jouissance des droits économiques, sociaux et culturels, dans un régime autoritaire à Parti unique, qui dénie à ses citoyens les droits civils et politiques de base de participer aux prises de décisions qui affectent leurs moyens d’existence et leur style de vie. Les écarts de richesse « se creuse de façon alarmante » et les programmes gouvernementaux supposés réduire la pauvreté « incluent souvent des campagnes pour éradiquer la culture, le style de vie traditionnelle, les croyances religieuses et les pratiques des minorités ethniques, aboutissant à une plus grande marginalisation », note le rapport.

«  La croissance économique du Vietnam a souvent été vendue par le gouvernement sur la scène internationale comme la « réalisation » des droits de l’Homme ; un regard plus attentif aux données, cependant, révèle qu’une telle croissance ne bénéficie pas à l’ensemble de la population, en particulier parmi les minorités ethniques, qui restent bien derrière leurs homologues Kinh dans les domaines comme la santé, l’éducation et l’emploi  », a dit Souhayr Belhassen, Présidente de la FIDH. « Ceci ne peut être mis sur le seul dos des «  forces du marché » mais est en fait le résultat de la mise en œuvre de toute une série d’outils discriminatoires institutionnels, législatifs et politiques de contrôle qui sont incompatibles avec les normes internationales des droits de l’Homme  ».

Les activités des minorités ethniques, y compris leurs pratiques religieuses, sont soumis à des contrôles étendus et arbitraires par nombres de réglementations, décisions et directives gouvernementales, ce qui, en pratique, sape les droits civils fondamentaux, comme les droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, à la liberté de mouvement et de résidence ; le droit de quitter et de retourner dans son pays ; et le droit de posséder et d’hériter. Les membres des minorités religieuses comme ceux de l’Eglise Bouddhique Unifiée du Vietnam (EBUV), les Hoa Hao, les Cao Dai et les Bouddhistes Khmer Krom sont l’objet d’une répression systématique, comprenant emprisonnement, torture, assignation à résidence, surveillance policière, intimidation et harcèlement dans la vie quotidienne.

La justice n’est pas indépendante au Vietnam et elle ne peut donc se prononcer contre les discriminations ni garantir le droit à l’égalité devant la loi. Dans un exemple flagrant de persécution judiciaire contre les minorités ethniques, le rapport du CVDDH annonce que « plus de 350 Montagnards ont été condamnés à de longues peines de prison depuis 2001 pour avoir participé à des manifestations, tenté de fuir le pays ou assisté à des prières dans des Eglises à domiciles « non-reconnues ». Au cours d’un seul procès, en avril 2011, huit Montagnards ont été condamnés à un total de 75 ans de prisons et 24 ans d’assignation à résidence.

«  Comme notre rapport le révèle, les minorités ethniques et religieuses au Vietnam souffrent sérieusement des violations de leurs droits économiques et politiques : expropriation des terres ancestrales, déplacements de populations, migration organisée par le gouvernement des Kinh vers les régions où vivent les minorités, persécution religieuse, arrestation arbitraire et disparition forcée  » a dit Vo Van Ai, Président du CVDDH et récent lauréat du Prix Spécial de la Liberté de la Società Libera.

M. Ai a également souligné l’importance des réformes politiques pour faire face à ces problèmes : «  Depuis 36 ans, une minorité de 3 millions de membres du Parti Communiste a imposé une politique de discrimination contre la majorité de 89 million de personnes au Vietnam. Il est temps de mettre un terme à cette discrimination, et le Parti et le Gouvernement devraient effectivement protéger les droits de tous leurs citoyens et garantir les libertés des minorités ethniques et religieuses au Vietnam  ».

La FIDH et le CVDDH pressent le gouvernement vietnamien de :

 Mettre en œuvre de façon urgente des réformes du système légal vietnamien pour combattre la discrimination raciale et aligner les lois et pratiques nationales sur les instruments internationaux de protection des droits de l’Homme qu’il a ratifiés ;

 Mettre un terme aux persécutions religieuses, dont les renonciations forcée à la foi des croyants et les détentions des fidèles au prétexte d’accusations « politiques » montées de toutes pièces ;

 Démanteler le système discriminatoire d’enregistrement des familles ou ho khau ;

 Prendre des mesures effectives pour éradiquer préjugés et les stéréotypes qui stigmatisent et marginalisent les minorités ethniques ;

 Reconnaître la compétence du CERD pour recevoir des plaintes individuelles des victimes de discrimination raciale, en vertu de l’article 14§1 de la Convention ICERD.

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