Iran : Il faut que la communauté internationale puisse enquêter sur la situation des droits humains

05/11/2010
Communiqué

Au vu de la gravité de la situation des droits humains en Iran, du refus des autorités iraniennes de coopérer avec les mécanismes internationaux relatifs aux droits humains existants et du rejet qu’elles opposent à de nombreuses recommandations spécifiques émises par les États membres dans le cadre de l’examen périodique universel auquel procède le Conseil des droits de l’homme, Amnesty International, Democracy Coalition Project, Human Rights Watch, la Campagne internationale pour les droits humains en Iran, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme et la Ligue de défense des droits de l’homme en Iran, qui est affiliée à cette dernière, lancent un appel à l’Assemblée générale des Nations unies afin qu’elle :

 demande au secrétaire général des Nations unies d’émettre un rapport plus approfondi sur la situation des droits humains en Iran ;

 demande au secrétaire général de communiquer périodiquement au Conseil des droits de l’homme un rapport sur la situation des droits humains en Iran ;

 exhorte les procédures spéciales des Nations unies à communiquer périodiquement au Conseil des droits de l’homme un rapport sur la situation des droits humains en Iran ;

 nomme un envoyé spécial du secrétaire général disposant d’un mandat lui permettant d’enquêter sur la situation des droits humains en Iran et d’émettre des rapports sur cette situation.

Les violations massives des droits humains qui ont eu lieu en Iran après l’élection présidentielle contestée de 2009 sont venues rappeler la nature précaire des libertés fondamentales dans le pays. Les autorités ont imposé de nouvelles restrictions importantes à la liberté d’expression, d’association et de réunion. Elles ont interdit des manifestations pacifiques, frappé des manifestants, procédé à des arrestations arbitraires et, dans certains cas, tiré à balles réelles sur les protestataires. Plusieurs dizaines de personnes ont été tuées, dans la rue ou en détention.

Des centaines de personnes ont ensuite été jugées selon des procédures iniques, notamment dans le cadre de procès collectifs « pour l’exemple » ayant pour objectif principal de valider la version officielle des événements et de désigner des boucs émissaires. En janvier 2010, deux hommes ont été exécutés après avoir été condamnés à l’issue de procès « pour l’exemple ». Ils avaient été déclarés coupables d’avoir participé à des manifestations alors qu’ils se trouvaient en détention depuis la période précédant l’élection. Au moins sept hommes et une femme sont actuellement sous le coup d’une condamnation à mort prononcée pour de prétendues infractions commises dans le contexte de l’élection et des troubles qui ont suivi. D’autres se sont vu infliger des peines allant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement après avoir été condamnés sous des chefs d’accusation formulés en des termes vagues et ayant trait à la « sécurité nationale ». Leurs procès n’ont été qu’une parodie de justice.

Dans la plupart des cas, les prévenus qui comparaissent lors d’un procès ont été détenus durant de longues périodes – souvent à l’isolement ou au secret – dans des centres où la torture et les autres mauvais traitements sont des pratiques courantes. La privation de soins médicaux et d’autres restrictions rendant la détention très pénible sont également parfois utilisées pour accentuer la pression sur les personnes incarcérées et leur famille.

Depuis l’adoption de la dernière résolution sur la situation des droits humains en Iran, les autorités de Téhéran ont interdit plusieurs partis politiques, fermé des journaux, persécuté des organisations de défense des droits humains et arrêté des journalistes, des syndicalistes et des militants des droits fondamentaux ; dans une tentative manifeste de faire obstacle au travail de la défense, elles ont par ailleurs procédé à des arrestations et à des actes de harcèlement contre des avocats, ce qui a privé des détenus de toute représentation appropriée.

Les autorités sont parvenues à étouffer les manifestations à la fin de 2009. Elles continuent toutefois de persécuter celles et ceux qui critiquent la situation des droits humains dans le pays, entre autres personnes exprimant des opinions dissidentes. Un certain nombre de ces dernières ont été arrêtées, parmi lesquelles beaucoup ont été arbitrairement placées en détention. Des défenseurs des droits des femmes ont été arrêtés et condamnés à des peines d’emprisonnement. Des membres d’ethnies minoritaires qui se battent pour le respect de leurs droits ont également été appréhendés, sur fond de violences dans les zones à prédominance kurde ou baloutche. Des membres des minorités religieuses, notamment de la communauté baha’ie, non reconnue, des musulmans convertis au christianisme et des soufis, ont eux aussi été arrêtés. Certains ont été condamnés à de longues peines d’emprisonnement.

Plus que tout autre pays à l’exception de la Chine, l’Iran continue d’exécuter des prisonniers, le plus souvent par pendaison. Les membres de minorités, y compris les étrangers (en particulier les Afghans), constituent une forte proportion des condamnés à mort. Un grand nombre des personnes exécutées ont été condamnées pour meurtre ou pour trafic de drogue à l’issue de procès entachés de graves irrégularités. En violation du droit international relatif aux droits humains, la peine capitale peut également être prononcée pour des actes n’étant pas de nature à provoquer la mort, comme l’« adultère en étant marié », la « sodomie », l’« insulte au caractère sacré de la religion », la fondation d’un « groupe ayant pour but de porter atteinte à la sécurité nationale » ou l’appartenance à un tel groupe.Depuis 2006, six personnes au moins ont été lapidées à mort pour « adultère en étant marié ». En 2009, l’Iran a exécuté 388 personnes au moins, parmi lesquelles cinq mineurs délinquants, peut-être davantage. Entre janvier et octobre 2010, l’Iran a exécuté plus de 220 personnes, dont un mineur délinquant peut-être.

En violation des obligations de l’Iran au regard du droit international, 141 personnes au moins se trouvent actuellement sous le coup de la peine capitale pour des crimes qu’elles auraient commis lorsqu’elles n’avaient pas encore 18 ans.

Si les autorités iraniennes ont reconnu que des violences avaient été commises après l’élection présidentielle au centre de détention de Kahrizak ainsi que dans les résidences universitaires de l’université de Téhéran, elles ont rejeté à l’issue d’enquêtes sommaires les autres allégations de torture – notamment de viol – et d’homicides illégaux. Les autorités n’ont manifestement pas l’intention de faire éclater la vérité : elles ont fermé les bureaux de personnes qui collectaient des éléments de preuve sur les violations et arrêté plusieurs de ces personnes ; elles ont intenté une action en justice contre Mehdi Karroubi, le candidat malheureux à l’élection présidentielle, qui continue de dénoncer les violations des droits humains ; et elles ont fait témoigner des personnes affirmant à tort que leurs noms figuraient sur des listes de victimes, et ce afin de discréditer les éléments de preuve recueillis.

Les autorités font tout par ailleurs pour empêcher toute enquête extérieure sur les événements. Elles refusent notamment de coopérer avec les mécanismes relatifs aux droits humains des Nations unies, tout en affirmant qu’elles respectent leurs obligations internationales.

En 2002, lorsqu’il a été mis fin au mandat spécifique sur l’Iran au sein de la Commission des droits de l’homme, le pays a adressé une invitation permanente à tous les mécanismes. Toutefois, sept mécanismes ayant déposé une demande pour se rendre dans le pays sont empêchés de le faire. Aucune procédure spéciale n’a été autorisée à visiter le pays depuis 2005. Le gouvernement a même refusé expressément de donner suite à des recommandations formulées durant l’examen périodique universel mené en février 2010 et demandant que certains détenteurs de mandat puissent se rendre en Iran.

Les rapporteurs spéciaux sur la torture, sur l’indépendance des juges et des avocats, sur la liberté d’opinion et d’expression et sur les défenseurs des droits de l’homme, ainsi que l’expert indépendant sur les questions relatives aux minorités, n’ont pas reçu de réponse à leur demande d’autorisation de se rendre dans le pays. Quant au rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, au rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction et au groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires, ils ont reçu un accord de principe mais ne se sont vu proposer aucune date de visite par les autorités iraniennes.

Certes l’Iran a présenté aux organes de suivi des traités concernés tous ses rapports en retard, et la situation des droits humains dans le pays a été considérée dans le cadre de l’examen périodique universel ainsi que par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (en août 2010) ; mais ces mécanismes ne disposent pas des moyens adéquats pour agir de manière appropriée lors d’une crise des droits humains de la nature de celle en cours en Iran.

Lors de l’examen périodique universel mené au Conseil des droits de l’homme, le gouvernement iranien a non seulement dépeint une situation des droits humains très éloignée de la réalité, mais il a aussi, alors même qu’il acceptait des recommandations assez générales, rejeté des recommandations spécifiques importantes sur la liberté d’expression, d’association et de réunion qui, selon lui, étaient motivées par des considérations politiques.

Compte tenu de ces éléments, toute initiative iranienne affichée comme un effort en vue de développer la coopération avec les mécanismes relatifs aux droits humains – par exemple une invitation lancée à la haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations unies ou la possible reprise du dialogue avec l’Union européenne sur les questions de droits humains – ne doit pas faire oublier qu’il est essentiel que la communauté internationale exige des améliorations tangibles sur le terrain.

Les États membres des Nations unies réunis pour la 65e session de l’Assemblée générale ont reçu une nouvelle fois des éléments accablants démontrant l’existence de violations des droits humains en Iran. Ces informations réunies par le secrétaire général sont présentées dans son rapport établi en 2010 conformément à la résolution 64/1761 [1]. Au vu de ces éléments et de l’attitude des autorités iraniennes, qui entravent les tentatives de surveillance internationale et ne font rien pour remédier à la crise des droits humains, la communauté internationale se doit de faire preuve de fermeté. Une action concertée est nécessaire pour que la population iranienne puisse jouir de l’ensemble de ses droits fondamentaux reconnus au plan international.

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