Harcèlement à l’encontre de Me Jean-René Manfo Songong, M. Ngalle Moussobo, M. Paul-Eric Kingu... - CMR 003 / 1008 / OBS 163

16/10/2008
Appel urgent

L’Observatoire a été informé par l’Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) Littoral et la Maison des droits de l’Homme du Cameroun du harcèlement et des actes de répression subis par plusieurs défenseurs en lien avec plusieurs procès à caractère politique.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante au Cameroun.

Description de la situation :

Selon les informations reçues, le 8 octobre 2008, Me Jean-René Manfo Songong, avocat au Barreau du Cameroun et responsable de la cellule juridique de l’ACAT-Littoral et de la Maison des droits de l’Homme du Cameroun , a été injurié et menacé par des gendarmes de la brigade de Njombé-Penja, alors qu’il venait s’enquérir des fondements de l’interpellation d’un de ses clients, conformément à l’article 29 du Code de procédure pénal camerounais. Me Jean-René Manfo Songong avait été mandaté par l’ACAT-Littoral pour défendre MM. Ngalle Moussobo, Paul-Eric Kingue[1] et M. Pierre Roger Lambo Sandjo[2], inculpés ou inquiétés pour « complicité de pillage en bande et incitation à la révolte » à la suite des émeutes de la faim des 25-28 février 2008 qui s’étaient déroulées dans la ville de Njombé-Penja, comme dans le reste du Cameroun.

Tout porte à croire que ces inculpations et ces arrestations sont liées aux actions de M. Paul-Eric Kingue, ancien maire de la ville de Njombé-Penja, qui s’est illustré depuis son élection en juillet 2007, à démanteler un réseau de corruption mis en place par son prédécesseur à la faveur de compagnies bananières de Njombé-Penja et a dénoncer les maltraitances subies par les employés de ces compagnies. Ces dernières auraient alors décidé de « mettre fin à son règne d’une manière ou d’une autre ». M. Ngalle Moussobo, proche de M. Paul Eric Kingue, avait signé un appel à la libération du maire emprisonné. M. Pierre Roger Lambo Sandjo, quand à lui, avait récemment fait campagne, à travers un tube musical, contre la révision de la Constitution portant sur la limitation du mandat présidentiel.

Les émeutes de 2008 ont largement été utilisées comme prétexte pour lancer des procédures pénales abusives et ce dans tout le Cameroun[3]. A la suite de la démission de leurs avocats respectifs en raison d’actes d’intimidation, M. Paul-Eric Kingue et M. Pierre Roger Lambo Sandjo ont saisi l’ACAT-Littoral, qui fait aujourd’hui l’objet de menaces et d’actes d’intimidation.

Ainsi, depuis qu’il défend les accusés des affaires Kingue et Lambo Sandjo, Me Manfo est suivi par des éléments des forces de sécurité en civil. Le 9 octobre 2008, Me Manfo a été la cible de médias qui l’accusaient d’avoir été l’instigateur d’un mouvement de résistance et de révolte à la brigade de Njombé-Penja lors de l’interpellation de M. Ngalle. Depuis, il n’a cessé de recevoir des appels anonymes le menaçant en raison de son implication dans les deux procès mentionnés ci-dessus.

L’Observatoire dénonce les actes de harcèlement à l’encontre de Me Jean-René Manfo Songong, qui semblent sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme, ainsi que le maintien en garde à vue de M. Ngalle Moussobo au groupement de la gendarmerie de Nkongsamba depuis le 8 octobre 2008, sans avoir été présenté à un juge, en violation des règles de procédure pénale camerounaises qui stipule que le délai légal de garde à vue est de 48h renouvelables deux fois sur autorisation du Procureur de la République[4].

Par conséquent, et au regard des nombreux actes de harcèlement des personnes impliquées dans ces dossiers, l’Observatoire dénonce avec la plus grande fermeté la répression subie par les défenseurs des droits de l’Homme au Cameroun et rappelle qu’en vertu de l’article 12.2 de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, "l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration".


Actions demandées :

Merci de bien vouloir écrire aux autorités camerounaises en leur demandant de :

i. Garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de Me. Jean-René Manfo Songong, M. Ngalle Moussobo, M. Paul-Eric Kingue et de M. Pierre Roger Lambo Sandjo et de l’ensemble des défenseurs des droits de l’Homme camerounais ;

ii. Procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de M. Ngalle Moussobo, M. Paul-Eric Kingue et de M. Pierre Roger Lambo Sandjo en l’absence de toute charge valable à leur encontre ;

iii. Mener une enquête indépendante sur les actes de harcèlement décrits ci-dessus, afin que leurs auteurs soient identifiés, dûment jugés et sanctionnés conformément à la loi en vigueur ;

iv. Mettre un terme à tout acte de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme ;

v. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son article 1 qui stipule que "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales aux niveaux national et international" et son article 12.2 susmentionné ;

vi. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par le Cameroun.


Adresses :

· M. Paul Biya, Président de la République, Présidence de la République, Palais de l’Unité, 1000 Yaoundé, Cameroun, Fax +237 222 08 70

· M. Amadou Ali, Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Ministère de la Justice, 1000 Yaoundé‚ Cameroun, Fax : + 237 223 00 05

· M. Rémy Ze Meka, Ministre de la Défense, 1000 Yaoundé‚ Cameroun, Fax +237 223 59 71

· M. Jean Marie Aleokol, Secrétaire d’Etat à la Défense, Chargé de la Gendarmerie, Fax +237 222 39 98

· M. Alain Edgard Mebe Ngo’o, Délégué Général à la Sûreté Nationale, Fax +237 221 00 69

· M. Marafa Hamidou Yaya, Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Fax : + 237 222 37 35

· Dr. Chemuta Divine Banda, Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés (CNDHL), Tel : +237 222 61 17, Fax : +237 222 60 82, E-mail : cndhl@iccnet.cm

· M. Ahmadou Tidjani, Gouverneur de la Province de l’Extrême Nord, Tel : +237 229 14 61 / +237 229 22 03

· Procureur général de la Province de l’Extrême Nord, Tel : +237 229 33 03

· Ambassadeur, M. Jean Simplice Ndjemba Endezoumou, Mission permanente de la République du Cameroun auprès de l’Office des Nations Unies à Genève, rue du Nant 6, 1207 Genève, Suisse, Fax : + 41 22 736 21 65, Email : mission.cameroun@bluewin.ch

· Ambassade de la République du Cameroun à Bruxelles, 131 av. Brugmann, 1190 Forest, Belgium, Tel : + 32 2 345 18 70 ; Fax : + 32 2 344 57 35 ; Email : ambassade.cameroun@skynet.be

***

Paris - Genève, le 16 octobre 2008

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’Observatoire a été lauréat 1998 du prix des Droits de l’Homme de la République Française.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

E-mail : Appeals@fidh-omct.org

Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 20 11 / 33 1 43 55 18 80
Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29

[1] Le procès qui a débuté le 9 juillet 2008 est toujours en cours.

[2] M. Pierre Roger Lambo Sandjo a été condamné le 24 septembre à trois ans d’emprisonnement ferme et 280 millions C.F.A. de dommages et intérêts. Il a fait appel.

[3] Voir le communiqué de la FIDH et de la MDHC du 11/03/2008 : « Les émeutes donnent lieu à une répression d’envergure », http://www.fidh.org/spip.php?article5335.

[4] L’article 119-2 du Code de procédure pénale précise en effet que le délai de la garde à vue ne peut excéder 48 heures renouvelables une fois sur autorisation écrite du procureur de la République (ce délai peut, à titre exceptionnelle, être renouvelé deux fois).

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