Dégradation de l’état de santé et poursuite de la détention arbitraire de M. Jean-Paul Noël Abdi - DJI 001 / 0211 / OBS 016.2

18/02/2011
Appel urgent

L’Observatoire a été informé de la dégradation de l’état de santé de M. Jean-Paul Noël Abdi, président de la Ligue djiboutienne des droits humains (LDDH), en détention à la prison de Gabode depuis le 9 février 2011. M. Jean-Paul Noël Abdi souffre de diabète et de problèmes cardiaques. Il nécessite des soins de façon urgente dans un établissement médical adéquat.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a reçu de nouvelles informations et vous prie d’intervenir de toute urgence sur la situation suivante à Djibouti.

Nouvelles informations :

Le 17 février 2011, M. Jean-Paul Noël Abdi a en effet été victime d’un malaise et a dû être transféré à l’hôpital Peltier de Djibouti. Le médecin urgentiste qui l’a examiné a conclu à la nécessité d’un transfert d’urgence en soins intensifs, après qu’il ait décelé que M. Noël Abdi avait atteint 24 de tension. Les agents de police présents sur les lieux ont cependant refusé cette hospitalisation, et l’ont reconduit à la prison de Gabode dans le courant de la nuit. Aujourd’hui son médecin traitant s’est à nouveau vu refuser l’accès à son patient.

L’Observatoire exprime sa vive inquiétude au regard de l’état de santé de M. Noël Abdi et craint qu’il soit en danger de mort.

L’Observatoire demande donc la réintégration immédiate de M. Jean Paul Noël Abdi au sein de l’unité de soins intensifs de l’hôpital Peltier, afin qu’il reçoive les soins appropriés.

L’Observatoire rappelle que ce dernier ainsi que M. Farah Abadid Heldid, membre de la LDDH arrêté le 5 février 2011, restent tous deux accusés de "participation à un mouvement insurrectionnel" et encourent jusqu’à quinze ans de réclusion criminelle et une amende de 7 000 000 Francs djiboutiens (cf. rappel des faits).

Selon les informations reçues, ces accusations auraient été principalement formulées suite à des témoignages non-crédibles, et de surcroît contradictoires. En effet, certains témoignages mentionnant la participation de M. Noël Abdi à une réunion le 3 février 2011 en présence de membres de l’opposition, où il aurait "incité des jeunes à la révolte", ont en réalité été formulés par certains de ses codétenus en échange de leur libération. D’autres témoignages attestent au contraire que M. Noël Abdi n’était pas présent ce jour-là, et n’a donc pas pris la parole.

Ces éléments seraient par ailleurs étayés par des écoutes téléphoniques, mais le dossier d’accusation ne les mentionne pas.

L’Observatoire demande donc la libération immédiate et inconditionnelle de M. Jean-Paul Noël Abdi et M. Farah Abadid Heldid, ainsi que l’abandon des poursuites à leur encontre en ce qu’elles ne semblent étayées par aucun élément de preuve valable.

Rappel des faits :

Le 9 février 2011 au matin, M. Jean-Paul Noël Abdi a été arrêté par des éléments de la Gendarmerie nationale et conduit dans les locaux de la Direction de la Gendarmerie nationale située à Djibouti-ville dans le lieu dit de "La Fiche".

Vers 17 heures, M. Jean-Paul Noël Abdi et M. Farah Abadid Heldid, membre de la LDDH arrêté le 5 février 2011, ont été déferrés devant le parquet de Djibouti, et accusés de "participation à un mouvement insurrectionnel" sur la base des articles 145 et 146.4 du Code pénal djiboutien. Ils avaient ensuite été placés sous mandat de dépôt.

L’Observatoire craint que ces accusations aient été portées contre ces derniers pour leur prétendu soutien au "mouvement" des étudiants et lycéens qui manifestent depuis plusieurs jours dans les rues de Djibouti – sévèrement réprimé. Plusieurs dizaines de lycéens, étudiants et membres de l’opposition demeurent toujours détenus de façon arbitraire à la prison de Gabode et au centre de rétention de Nagad. M. Jean-Paul Noël Abdi a en réalité dénoncé la répression par les autorités de Djibouti de ces manifestations, au cours du mois de décembre 2010.

L’Observatoire rappelle que M. Abdi a fait l’objet de multiples arrestations ces dernières années, et qu’une procédure judiciaire à son encontre est toujours pendante [1].


Actions requises :

L’Observatoire vous prie d’intervenir auprès des autorités de Djibouti et de leur demander de :
1. Procéder au transfert immédiat de M. Jean Paul Noël Abdi au sein de l’unité de soins intensifs de l’hôpital Peltier, afin qu’il reçoive les soins appropriés et garantir en toutes circonstances son intégrité physique et psychologique ainsi que celle de M. Farah Abadid Heldid, et de tous les défenseurs des droits de l’Homme djiboutiens ;

1. Libérer de manière immédiate et inconditionnelle M. Jean-Paul Noël Abdi et M. Farah Abadid Heldid, en ce que son arrestation et sa détention ne semblent viser qu’à sanctionner ses activités de défense des droits de l’Homme ;

1. Procéder à l’abandon des charges à leur encontre en ce qu’elles ne visent manifestement qu’à sanctionner leurs activités de défense des droits de l’Homme ;

1. Mettre un terme à toute forme de harcèlement à leur encontre, ainsi qu’à celle de tous les défenseurs des droits de l’Homme à Djibouti, afin qu’ils puissent exercer leur profession et mener leur activité de défense des droits de l’Homme librement et sans entrave ;

1. Se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, et plus particulièrement à son :

 article 1 qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international” ;

 article 6(b), qui dispose que “chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances su tous les droits de l’Homme et toutes les libertés fondamentales”

 article 12.2, qui dispose que “l’État prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la [...] Déclaration ” ;

1. Plus généralement, se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par Djibouti.

Adresses :

· Son Excellence Ismail Omar Guelleh, Président de la République, Palais Présidentiel, BP 6, Djibouti Ville, République de Djibouti. Tel / Fax : 00 253 35 50 49 / 00 253 35 02 01.

· Monsieur Mohamed Barkat Abdillahi, Ministre de la Justice, des affaires pénitentiaires et musulmanes, chargé des droits de l’Homme, BP 12, Djibouti Ville, République de Djibouti. Tel / Fax : 00 253 35 54 20

· Monsieur Maki Omar Abdoulkader, Procureur de la République, Tel / Fax : 00 253 35 69 90. Email : likmik@caramail.com.

· Monsieur Ali Hassan Bahdon, Ministère de l’Equipement et des Transports, Boulevard Maréchal Joffre, BP 2501, Tel : (253) 35 7913 / Fax : (253) 35 59 79.

· Ambassadeur Mohamed Siad Doualeh, Mission permanente de Djibouti auprès de l’Office des Nations unies à Genève, 19 chemin Louis Dunant, 1202 Genève, Suisse, Fax : + 41 22 749 10 91. Email : mission.djibouti@djibouti.ch

· Ambassade de Djibouti à Bruxelles, 204 avenue F.D. Roosevelt, 1050 Bruxelles, Belgique, Tel : + 32 2 347 69 67, Fax : + 32 2 347 69 63 ; Email : amb_djib@yahoo.fr

Prière d’écrire également aux représentations diplomatiques de Djibouti dans vos pays respectifs.

Paris-Genève, le 18 février 2011

Merci de bien vouloir informer l’Observatoire de toutes actions entreprises en indiquant le code de cet appel.

L’Observatoire, programme de la FIDH et de l’OMCT, a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible.

Pour contacter l’Observatoire, appeler La Ligne d’Urgence :

· E-mail : Appeals@fidh-omct.org
· Tel et fax FIDH : 33 1 43 55 25 18 / 33 1 43 55 18 80
· Tel et fax OMCT : + 41 22 809 49 39 / 41 22 809 49 29
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