DE LA REVOLUTION DE JASMIN A LA REVOLUTION " RCD " (RETOUR A LA CASE DEPART)

21/10/1999
Communiqué

Les autorités françaises sont interpellées par la commission nationale consultative des droits de l’Homme française

Avec 99,27% des voix en 1989 et 99,91% en 1994, le Président tunisien est clairement sur la pente ascendante et pourrait même, en continuant sur cette voie, dépasser les 100% cette année. Les dirigeants pouvant se targuer de tels scores, " façon Kim Il Sung ", se font rares ces dernières années.

Une chose est sûre, comme le pronostiquait avec clairvoyance un dépliant publicitaire tunisien publié dans un journal français du soir, " le président Ben Ali devrait être réélu en 1999 ".

En Tunisie, la campagne relayée par une presse sous contrôle n’inspire que lassitude ou découragement chez l’Homme de la rue. Après les illusions qu’avait suscité l’engouement démocratique de Ben Ali lors de son auto-investiture baptisée " révolution au jasmin ", il a renommé le Rassemblement Démocratique Constitutionnel (RCD) ¾ le parti au pouvoir ¾ " retour à la case départ ".

Pendant ce temps, sur la rive Nord de la Méditerranée, quel citoyen, quel gouvernement peut encore fermer les yeux sur l’envers du décor présenté aux touristes ? La torture et les mauvais traitements infligés aux détenus, le harcèlement systématique des défenseurs des droits de l’Homme et de quiconque cherche à faire entendre une voie discordante par rapport à la ligne officielle, le musellement de la presse, la prolifération d’ONG montées de toutes pièces par le pouvoir, sont désormais des faits établis par les ONG internationales et par l’ONU même.

Liés à la Tunisie par un accord euro-méditerranéen d’association, les Etats membres de l’Union européenne se sont pourtant jusqu’à présent retranchés derrière un prétendu " dialogue constructif " avec les autorités et ont préféré oublier la " clause droits de l’Homme " que contient cet accord. Ce dialogue avec les gouvernements, la FIDH cherche à le maintenir chaque fois que c’est possible ; s’agissant de la Tunisie, voilà trois ans qu’elle a été contrainte d’y renoncer, lorsque son président a été refoulé de Tunisie. Mais ces dernières années, aux yeux de l’Union européenne, à côté d’une Algérie en proie à la terreur et à un Maroc sous la férule d’un despote peu éclairé sur les questions de droits de l’Homme, la Tunisie méritait des égards.

Aujourd’hui, face à l’ampleur des violations des droits de l’Homme dans cet Etat dit " en voie de suhartisation " (les principaux secteurs de l’économie sont entre les mains de la famille Ben Ali), policé par un président surnommé le " Caucescu tunisien ", face à la négation du " droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis " (article 21 de la DUDH), rien ne saurait justifier que les Etats membres de l’Union européenne fassent l’économie d’une discussion sérieuse avec la Tunisie sur la question.

C’est aussi l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme française, dont le Président Pierre Truche, dans une lettre rendue publique aujourd’hui, constate " le décalage persistant entre le discours des autorités tunisienne sur les droits de l’Homme et la pratique ", et appelle le gouvernement français à " une réaction ". A propos de l’accord d’association entre l’Union et la Tunisie, il estime " impératif " que les questions relatives aux droits de l’Homme " soient inscrites prioritairement à l’ordre du jour de la réunion du Conseil d’association du 16 novembre prochain ". Cette réunion, la première du genre, offrira à l’Union européenne et à la Tunisie l’occasion de discuter de la mise en œuvre de l’accord, y compris de la clause droits de l’Homme. Cette occasion, les Etats membres de l’Union ¾ et au premier chef la France, directement interpellée aujourd’hui ¾ ne sauraient la manquer, sauf à persister dans une politique hypocrite dont a démontré l’inefficacité la dégradation manifeste des libertés ces dernières années en Tunisie.

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